Malgré un script mal fagoté, Robin des bois demeure un Disney sympathique grâce à des gags efficaces et à une animation artisanale séduisante.
Synopsis : Absent pour cause de croisade, le bon roi Richard se fait voler sa couronne par un usurpateur, le prince Jean, un lion cupide et cruel, conseillé par un serpent aussi perfide que malfaisant, et qui n’a qu’une idée en tête : s’emparer de toutes les richesses du royaume. Mais Robin des Bois, un renard au cœur tendre, entend bien troubler les plans du prince Jean…
Un studio en pleine crise après la mort du grand patron
Critique : Alors que le grand patron Walt Disney s’éteint en 1966, il laisse derrière lui des employés désemparés et une société qui va connaître une grave crise artistique au cours des années 70-80. Avant de mourir, Walt Disney a toutefois eu le temps de valider deux projets du scénariste Ken Anderson, à savoir Les Aristochats (1970) et Robin des bois (1973). Alors que le premier constituait une vraie prise de risques, le second était basé sur une histoire connue dans le monde entier et jouissant d’une sacrée popularité.
Les deux films ont été confiés aux bons soins du réalisateur d’origine allemande Wolfgang Reitherman. Effectivement, ce dernier est le directeur du département animation du studio depuis 1961 et a à son actif les beaux succès des 101 dalmatiens (1961), Merlin l’enchanteur (1963) et Le livre de la jungle (1967). Considéré comme moins réussi, Les Aristochats (1970), bien que fort agréable et drôle, manque un peu de corps dans son script. On retrouve malheureusement ce même défaut au cœur de ce Robin des bois (1973) qui pâtit d’une simplification abusive des enjeux de la légende. Rappelons toutefois que ces dessins animés étaient avant tout conçus pour les enfants et que l’aspect quelque peu schématique de l’intrigue est la résultante de cette décision initiale.
Robin des bois, un beau travail d’animation, malgré des solutions de facilité
Autre défaut de cet opus, la musique de George Bruns n’a absolument rien d’exceptionnel et aucunes des chansons composées notamment par Floyd Huddleston et Roger Miller ne sont entrées dans les mémoires, contrairement à celles du Livre de la jungle (1967) par exemple. Non que les compositions soient faibles, mais elles ne s’imposent aucunement comme des incontournables.
Que reste-t-il donc de valable dans cet opus Disney ? Tout d’abord, on signalera une fois de plus l’aspect séduisant de la technique d’animation à l’ancienne. Les coups de crayon, les couleurs superbes et les différents environnements (le château médiéval, le petit village sous la pluie battante) donnent un aspect artisanal qui manque furieusement avec le travail actuel sur ordinateur. L’animation est souvent réussie, même si on peut noter là encore des solutions de facilité pour limiter les coûts de production. Ainsi, Wolfgang Reitherman a réutilisé des portions animées venues du Livre de la jungle et des Aristochats en ne modifiant que l’arrière-plan ou un vêtement d’un personnage. Il est notable que Petit Jean ressemble fort à Baloo, et que Persifleur est calqué sur le serpent Kaa. Cela n’enlève pas le charme de cette animation nécessitant plusieurs années de travail et des équipes artistiques nombreuses.
Un dessin animé fort de ses gags souvent hilarants
Mais le véritable point fort de Robin des bois vient de la réussite de son anthropomorphisme et de la multiplicité de ses gags. Souvent hilarant, le long-métrage ose la caricature et le délire cartoonesque lors de quelques séquences d’action menées tambour battant. Enfin, on apprécie également le discours social qui imprègne l’ensemble du film. Stigmatisant les régimes autoritaires, les auteurs dénoncent les errances d’une monarchie britannique marquée par des différences sociales béantes au cours du 12ème siècle. Ils caricaturent notamment Jean sans Terre en en faisant un fils à maman colérique. Cette liberté par rapport à l’histoire n’est aucunement scandaleuse puisque la légende de Robin des bois est elle-même une fiction qui ne revêt aucun caractère de réalité.
Sorti pour la Noël 1973 aux Etats-Unis, Robin des bois a été un joli succès malgré des critiques globalement tièdes. Le métrage a été une belle affaire pour le studio. En France, il a fallu attendre l’année suivante pour voir débarquer le justicier dans les salles. A Paris, le long-métrage sort le 30 octobre 1974 dans 8 salles seulement, dont le Grand Rex. Dès sa semaine d’investiture, Robin des bois cumule 134 968 entrées et ravit la première place du classement. La semaine suivante, le métrage conserve sa première place avec encore 103 912 bambins.
Un très beau succès de la Noël 1974 en France
Mi-novembre, le film semble peiner dans l’attente des fêtes de Noël. Il attire encore 68 544 gosses. En cinquième semaine, le film retourne à la première place du classement parisien qu’il conserve durant plusieurs semaines au point de dépasser les 500 000 entrées rien que sur la capitale. Pendant les fêtes, la remontée tant attendue n’est pas aussi spectaculaire que prévue et le film fait donc moins bien que Les Aristochats. Il franchit toutefois les 800 000 entrées. Comme prévu, le film d’animation s’effondre totalement en janvier, terminant une belle exploitation autour de 1 312 143 entrées à Paris.
Sur la France entière, le métrage a également connu une très belle carrière avec un résultat de 3 881 000 tickets vendus. Comme très couramment à l’époque, Robin des bois est ensuite ressorti en salles au mois de décembre 1984. Effectivement, à l’époque, le studio Disney refusait de sortir ses classiques en VHS, afin de pouvoir exploiter ses titres majeurs plusieurs fois en salles.
Une reprise événement en décembre 1984
Lors de sa ressortie événement le 5 décembre 1984, Robin des bois accède à la deuxième place du box-office parisien derrière Gremlins (Dante). Le métrage va encore attirer plus de 600 000 spectateurs supplémentaires à Paris et même 2,4 millions sur l’ensemble du territoire français. Une sacrée bonne affaire qui va profiter les années suivantes des ventes très lucratives de VHS, puis de DVD et de blu-ray. Aujourd’hui disponible sur la plateforme Disney +, Robin des Bois est retourné à un certain anonymat, mais il a marqué des générations de jeunes spectateurs, dont votre serviteur.
Critique de Virgile Dumez