Pompéi est une œuvre visuellement somptueuse qui emprunte à l’iconographie du cinéma américain des grands espaces pour s’installer dans les no man’s land des marginaux à l’instar du cinéma errant indépendant de Gus Van Sant (My Own Private Idaho). Contemplatif, un peu radical, sûrement fascinant.
Synopsis : Dans une région désertée, Victor et son petit frère Jimmy sont livrés à eux-mêmes. Dans la chaleur de l’été, ils tuent le temps comme ils peuvent avec d’autres jeunes de leur âge.
Ils forment une bande soudée qui s’est inventée ses propres codes. Mais quand Billie, une jeune fille révoltée, entre dans la vie de Victor, l’équilibre du groupe va peu à peu se rompre et la vie de Jimmy radicalement changer.
Road movie statique
Critique : Dans son économie d’informations géographiques et son déficit de repères temporels, Pompéi ne confine nullement à une universalité cinématographique. Les repères du film coréalisé par John Shank (Américain qui officie en Europe) et Anna Falguères (chef décoratrice devenue réalisatrice) sont ceux d’un cinéma radical, ardemment indépendant, où l’on célèbre la beauté et la texture de l’image, des corps, des acteurs, en refusant de tirer le spectateur dans les canons cinéma narratif où l’explication nuit à l’imagination et à l’appropriation réelle des personnages et de leur psychologie tortueuse.
Une œuvre à la gloire d’une cinéphilie de l’errance
Pompéi s’adresse à ceux qui ont besoin d’une proposition cinématographique de l’ailleurs, dans la marge, souhaitent se retrouver ailleurs que dans la norme du spectacle collectif pour savourer l’occasion de s’approprier une œuvre par son propre regard personnel. Dans des décors inhabituels, qui pourraient être ceux de la Méditerranée espagnole, italienne, mais sont bel et bien français, l’immensité du cadre, propice aux vents, aux éléments de décors insolites abandonnés dans la poussière, comme une case de ciment hors-temps, une barre d’habitation écrasante, une station-service évoquent le western, le post-apocalyptique, l’irréel, des genres si féconds pour l’aventure intérieure. On pense évidemment aux road movies et à l’errance des meilleurs Gus Van Sant, mais ceci forme un oxymore dans son statisme.
Les personnages sont désœuvrés. Des jeunes gens dont les seuls codes sociaux sont les leurs. Ils appartiennent à cette fiction et on ne les retrouvera pas ailleurs, même si cette engeance paraît bien déracinée, marginalisée et sur le fil du rasoir, comme souvent au cinéma. Le choix des acteurs qui sévissent sous ce soleil de plomb est signifiant. Vincent Rottiers, éternel écorché vif dont on vénère la carrière, Garance Marillier, toujours insaisissable depuis la comédie cannibale Grave, et, Aliocha Schneider, dont la double nationalité (franco-canadienne) accentue notre manque de repères lors d’une projection qui berce, étonne, secoue, et surtout se refuse à nous dire où elle veut en venir. On ne vous révèlera pas grand-chose sur le synopsis par ailleurs, là n’est pas le propos du papier.
Iconique, crépusculaire, réjouissant, Pompéi nous en met plein les yeux
Au cœur du cinéma très démonstratif des années 2020, une telle proposition contemplative, jusqu’à la radicalité et la noirceur (certes hors-champ) de sa fin, permet encore de rêver à ce que le vide sur un écran (au sens positif de l’adjectif, considéré dans ce qu’il implique de gestion volontaire de l’espace), peut encore générer comme fantasme de cinéphile.
Iconique, crépusculaire, réjouissant, Pompéi nous en met plein les yeux de sa beauté photographique et nous ensorcèle de ses tourments psychologiques, et de ses rapports à l’humain tortueux. Il faut oser l’audace. Les acteurs et réalisateurs ont été jusqu’au bout de leur travail. Aux spectateurs d’y mettre un peu du leur.