Petite nature confirme la puissance du cinéma du réalisateur de Party Girl et révèle plusieurs acteurs amateurs au charisme indéniable. L’ensemble bénéficie d’une écriture fine et d’une réalisation à la belle fluidité. A découvrir.
Synopsis : Johnny a dix ans. Mais à son âge, il ne s’intéresse qu’aux histoires des adultes. Dans sa cité HLM en Lorraine, il observe avec curiosité la vie sentimentale agitée de sa jeune mère. Cette année, il intègre la classe de Monsieur Adamski, un jeune titulaire qui croit en lui et avec lequel il pousse la porte d’un nouveau monde.
Petite nature, un récit initiatique autobiographique
Critique : Avec son premier long-métrage de réalisateur, l’intéressant Party Girl (2014), l’acteur Samuel Theis évoquait la vie haute en couleurs de sa mère à l’approche de la soixantaine. Pour ce second long, le cinéaste revient à nouveau sur les terres de son enfance, plus précisément à Forbach, dans un nouveau film autobiographique. Toutefois, dans Petite nature (2021), il s’attache à adopter le point de vue du gamin qu’il était à l’âge de 10 ans. On retrouve ainsi le personnage de la mère de famille trash, mais cette fois-ci à un âge moins avancé.
Si l’aspect autobiographique est encore évident dans Petite nature, la dimension sociale y est encore plus marquée. Le script chausse les bottes du traditionnel récit d’apprentissage, mais parvient à s’affranchir assez vite des clichés en vigueur dans le genre par la puissance qui émane de ses personnages. Etonnamment mature pour son âge, le jeune Johnny s’éveille aux réalités du monde qui l’entoure. Par le biais d’un professeur des écoles charismatique incarné avec beaucoup de justesse par Antoine Reinartz, le gamin va peu à peu s’ouvrir à un monde qu’il ne connait pas : celui de la culture, de l’art et de la sensibilité. Lui qui habite avec ses frères et sœurs dans une cité HLM où la seule valeur sûre est la virilité et une forme d’inculture endémique, va s’affranchir progressivement de l’influence maternelle et de son déterminisme social.
Samuel Theis déjoue tous les pièges du film social
A priori condamné à reproduire une certaine fatalité sociale, le jeune garçon s’éveille à la fois à la culture, tout en passant par la découverte de la sensualité. Dès lors, le long-métrage se fait troublant car le jeune garçon éprouve une attirance physique pour son professeur. Samuel Theis ose aborder ici une thématique complexe qui est celle de la séduction chez des adolescents prépubères et les dangers que cela constitue pour les adultes, et notamment les professeurs. La séquence où le gamin déclare sa flamme à son professeur laisse pantois et fait d’ailleurs craindre une bascule du film dans le glauque. Heureusement, la suite des événements permet d’éviter le mélodrame ou le trash pour rester fidèle à la dignité des personnages.
Petite nature est donc une œuvre forte, qui ne va jamais vraiment où on l’attend et qui fait preuve d’une impeccable justesse d’écriture. Jamais dans l’outrance, le cinéaste préfère scruter des protagonistes complexes que l’on apprend à aimer, même s’ils font parfois preuve de cruauté envers leurs proches.
Petite nature révèle des comédiens amateurs épatants
Doté d’une réalisation bien plus aboutie que celle de Party Girl, ce récit d’apprentissage touche par la grâce de sa forme, la sensualité de sa musique et se termine même sur une envolée lyrique magnifiée par la chanson Child in Time de Deep Purple – un pur chef d’œuvre de la musique progressive. Le tout ne serait pas aussi enthousiasmant sans le choix des acteurs. Outre les deux professionnels que sont Antoine Reinartz et Izïa Higelin, tous deux excellents, on ne peut que saluer la découverte de jeunes talents par le biais d’un casting sauvage.
Ainsi, le jeune Aliocha Reinert est une vraie révélation (il vient de recevoir une nomination aux César 2023 en tant que jeune espoir masculin) qui parvient à nous bouleverser à plusieurs reprises et dont l’aisance devant la caméra est assez impressionnante. Le spectateur sera également interpellé par le charisme fou de Melissa Olexa qui incarne une mère trash aimant ses enfants, mais qui n’a pas toujours les codes pour leur parler. Elle est assurément l’autre point fort d’un métrage décidément formidable.
Sorti au mois de mars 2022 à une époque de crise de l’art et essai, Petite nature n’a pas eu de grand écho en salles (80 181 cinéphiles), malgré quelques prix et des critiques très positives. Depuis, le métrage est sorti discrètement en DVD et en blu-ray. Même si le jeune Aliocha Reinert a reçu une nomination aux César 2023, on peut regretter l’absence du film dans d’autres catégories, tant il s’élève bien au-dessus de la production française actuelle.
Critique de Virgile Dumez
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Antoine Reinartz, Izïa Higelin, Aliocha Reinert, Melissa Olexa, Samuel Theis
Mots clés
L’école au cinéma, La famille au cinéma, La sexualité des adolescents au cinéma, Récit initiatique