Noémie dit oui : la critique du film (2023)

Drame | 1h53min
Note de la rédaction :
7.5/10
7.5
Affiche française de Noémie dit oui

  • Réalisateur : Geneviève Albert
  • Acteurs : Kelly Depeault, James-Edward Métayer, Emi Chicoine
  • Date de sortie: 26 Avr 2023
  • Année de production : 2022
  • Nationalité : Québécois, Canadien
  • Titre original : Noémie dit oui
  • Scénariste : Geneviève Albert
  • Directeur de la photographie : Léna Mill-Reuillard
  • Monteur : Amélie Labrèche
  • Compositeur : Frannie Holder
  • Monteurs son : Sylvain Bellemare, Francis Gauthier
  • Mixage : Luc Boudrias
  • Producteurs : Patricia Bergeron
  • Sociétés de production : Leitmotiv
  • Distributeur : Wayna Pitch, K-Films Amérique
  • Editeur vidéo : -
  • Date de sortie vidéo : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : Sortie en avril 2023
  • Box-office nord-américain / monde : Inconnu
  • Budget : Inconnu
  • Classification : Tous publics avec avertissement (France) / 16+ (Québec)
  • Formats :
  • Festivals et récompenses : Film d'ouverture Rendez-vous Québec Cinéma 2022, Festival du film francophone d'Angoulême 2022
  • Illustrateur / Création graphique : © Franck Pinel. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Leitmotive. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Noémie dit oui est un drame de l’adolescence en provenance du Québec, puissant et révoltant, engagé contre la prostitution. L’actrice Kelly Depeault, dans le rôle titre, y est formidable.

Synopsis : Noémie (15 ans) vit dans un centre jeunesse depuis trois ans. Lorsqu’elle perd tout espoir d’être reprise par sa mère, Noémie fugue en quête de sens et de liberté. Elle va rejoindre son amie Léa, une ancienne du centre, qui l’introduit dans une bande de délinquants. Bientôt, elle y rencontre Zach qui lui propose rapidement d’être escorte le temps d’un weekend.

Critique : Distribué au Québec en avril 2022, Noémie dit oui est l’une des révélations du Festival du film francophone d’Angoulême où il a trouvé son distributeur français pour 2023.

Récit d’une destruction programmée

Le drame, social, et psychologique, premier long de Geneviève Albert, est surtout celui d’une adolescence à fleur de peau qui répond aux épreuves de la vie par la révolte quand d’autres auraient choisi l’autodestruction en s’enfermant dans un mutisme suicidaire. Noémie, elle, explose, comme la Rosetta des Dardenne en son temps. Pourtant, elle sait aussi être mutique et encaisser les coups, notamment lorsqu’elle est contrainte à la prostitution. On sent alors l’autodestruction poindre.

Âgée de 15 ans, la jeune fille subit des outrages révoltants à répétition. Ceux des clients qui la considèrent comme un objet et refusent d’envisager les dommages qu’ils occasionnent, pour un moment de plaisir, sur un être aussi jeune et vulnérable, alors en pleine construction de ses repères.

Kelly Depeault dans Noémie dit oui

Kelly Depeault dans Noémie dit oui – Copyright : Leitmotiv. Tous droits réservés.

Une illustration terrifiante du déterminisme social

Noémie, qui a fugué du centre où elle a été placée, ne peut compter sur sa mère, qui est une jeune femme dépressive, cabossée, paumée, faible, égoïste et même cruelle. Tout à la fois. Pourtant, elle est aussi et avant tout victime. D’un système, de son passé, d’un environnement toxique, et très certainement de l’emprise des hommes. Cela n’excuse pas tout, mais cela contribue à expliquer le comportement. Le rejet de sa fille dont elle ne veut pas s’occuper, est à l’origine de moments douloureux dans ce récit semé d’embûches pour la Noémie du titre. En perdant sa mère qui la nie jusque dans son existence, elle perd toutes ses racines.

Déboussolée, sans attache familiale, Noémie n’existe plus. Dans ses relations aux autres, elle va de charybde en scylla pour survivre. Elle passe d’un abandon au mac de bas étage qui va la manipuler par les sentiments, en utilisant sa détresse et en lui faisant miroiter un fin heureuse par l’échappatoire. Mais avant cela, il la veut escorte. Après tout, rien de difficile, “ce n’est que du cul”, scande-t-il de façon assez minable.

Noémie dit oui à la prostitution et ça fait mal

Pour évoquer l’horreur de la prostitution des mineurs, la réalisatrice Geneviève Albert met en scène l’enchaînement des clients, des hommes affreusement ordinaires, abjects dans l’utilisation du corps de l’autre dont ils ne tiennent compte que pour assouvir leurs besoins. Ils sont tous rassemblés en ville, en raison d’une compétition de Formule 1 censée apportée de la liesse à la cité de Montréal. Pour nous, à l’écran, tout ne sera qu’horreur et détresse. Dans son regard sombre sur cette société patriarcale, la réalisatrice dénonce de façon quasi documentaire un moment annuel où la prostitution fleurit. Beaucoup d’adolescents succombent à cette tentation pour des raisons classées X.

L’auteure ne filme pas un quotidien de banalité et de glamour. Noémie est escorte malgré elle et ne manifeste aucun plaisir, seulement du dégoût, un malaise, de l’écœurement car confrontée à la sexualité violente des adultes, totalement incompréhensible à son âge. L’ironie dramatique est évidente, car nous savons ce que la protagoniste ignore. Cet abatage de clients lui laissera des stigmates et des plaies qu’elle aura bien du mal à surmonter et qui définiront l’adulte qu’elle deviendra, si elle y survit. La reconstruction sera difficile et la possibilité de reproduire le schéma maternel élevée. Après tout, sa mère a dit “oui”, à un moment également. A quoi nous ne le savons pas exactement.

Kelly Depeault dans Noémie dit oui

Kelly Depeault dans Noémie dit oui – Copyright : Leitmotiv. Tous droits réservés.

Une œuvre coup de poing

Réalisé sans fard ni chichi, avec une conception des plans qui marque les esprits, Noémie dit oui est une œuvre implacable portée par le jeu puissant de Kelly Depeault. La jeune femme qui incarne Noémie est immense de talent dans sa retranscription plurielle des souffrances que subit son personnage. Dans une interprétation impressionnante, elle est amenée à exploser à l’écran, de rage ou d’angoisse. L’actrice, jeune adulte lorsqu’elle a tourné le film, contrairement à son personnage de 15 ans, retranscrit habilement l’incompréhension et la détresse face aux comportements nuisibles des autres, qui l’ébranlent progressivement. Elle apporte une touche de maturité à son personnage forcément enfant de par la réalité de son âge, explorant ainsi les nombreuses facettes psychologiques d’une Noémie en ébullition qui ne sait trop comment échapper à ce déterminisme sordide.

Véritable charge contre la prostitution, Noémie dit oui est un drame de l’étau et de la spirale infernale qui oppresse. Une œuvre du ressenti qui n’épargne pas le spectateur et qui interroge brillamment. Choc mais très recommandable pour les adultes, cela va sans dire.

Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 26 avril 2023

Affiche française de Noémie dit oui

Design : Franck Pinel – Affiche française de Noémie dit oui © 2023 Wayna Pitch

Trailers & Vidéos

trailers
x
Affiche française de Noémie dit oui

Bande-annonce de Noémie dit oui

Drame

x