Film poignant sur la relation entre un père et son fils autiste, My Kid est une œuvre sensible, touchante et d’une belle finesse psychologique. Le tout est mené par des acteurs exceptionnels.
Synopsis : Aaron a consacré sa vie à élever son fils autiste Uri. Ensemble, ils vivent dans une routine coupée du monde réel. Mais Uri est à présent un jeune adulte, avec de nouveaux désirs et de nouveaux besoins. Alors qu’ils sont en route vers l’institut spécialisé qui doit accueillir Uri, Aaron décide de s’enfuir avec lui, convaincu que son fils n’est pas prêt pour cette séparation.
Un scénario très intime
Critique : Cinéaste reconnu pour ses œuvres intimistes comme Broken Wings (2002) ou encore l’excellent La grammaire intérieure (2012), Nir Bergman est également célèbre pour être le créateur de la série télé BeTipul qui a depuis été adaptée à l’international sous le titre En thérapie, puis En analyse. Pour son film le plus récent intitulé chez nous My Kid (au lieu de Here We Are), le cinéaste a choisi de s’appuyer sur un script de Dana Idisis qui évoque la difficulté d’un père qui doit se détacher de son fils autiste, placé en institution.
En réalité, la jeune femme s’est basée sur l’histoire très personnelle de son père avec son frère autiste. Elle s’est ainsi mise à imaginer ce qui arriverait le jour où ces deux êtres totalement fusionnels viendraient à être séparés. Le plus intéressant étant que la perspective se révèle aussi terrible pour l’un que pour l’autre des deux protagonistes.
Une belle histoire d’amour fusionnel entre un père et son fils
Si le début du film semble se conformer à la charte classique de ce type de drame sur le handicap avec une description attentive du quotidien des personnages, la suite va se révéler bien plus intéressante et complexe. Effectivement, l’attachement qui lie le père à son fils lourdement handicapé par son autisme est présenté dans un premier temps comme une marque d’amour inconditionnel qui rend le dévouement du paternel admirable. Face à lui, la mère qui a fui le foyer apparaît au contraire comme une femme sans cœur et uniquement désireuse de se débarrasser de sa progéniture encombrante en l’envoyant vivre dans un institut spécialisé.
Afin de montrer l’attachement viscéral qui touche le père et son fils, le cinéaste les lance dans un road-movie à travers Israël qui s’avère touchant à bien des égards. On ressent bien entendu à chaque instant cette angoisse du géniteur qui craint de perdre la trace de son cher fiston, mais se dessine en même temps le portrait d’un homme qui a tout perdu dans sa vie et qui s’accroche en réalité au dernier être qui le sépare d’une solitude devenue inévitable.
Qui a le plus besoin de l’autre ?
Là où My Kid marque des points, c’est dans sa capacité à renverser la situation de départ. Et si celui qui avait le plus besoin de l’autre était le père et non le fils handicapé ? Et si ce père aimant n’était pas en train d’empêcher son fils de déployer ses ailes ? Enfin, la mère n’est-elle finalement pas dans le vrai en proposant de dissoudre une relation certes fusionnelle, mais toxique pour tout le monde ?
Autant d’interrogations qui font le sel d’un long-métrage terriblement attachant et émouvant. Pourtant, Nir Bergman parvient à éviter le mélodrame en toute occasion. Bien qu’il utilise la musique très lyrique de Charlie Chaplin (puisque le jeune homme regarde en boucle Le Kid sur sa tablette), Bergman arrive à faire preuve de tact et de ne jamais prendre le spectateur en otage avec des émotions faciles. Il laisse venir les sentiments par les relations poignantes qui se tissent entre eux, mais aussi des gestes et des regards parfois furtifs.
Des acteurs au sommet de leur talent et justement récompensés
Pour cela, Nir Bergman a pu s’appuyer sur des acteurs exceptionnels. Le comique Shai Avivi donne une belle épaisseur à son personnage de père, Smadi Wolfman est parfaite en mère au rôle ingrat, mais c’est bien entendu le jeune Noam Imber qui emporte tous les suffrages. Effectivement, l’acteur n’est pas autiste, mais il est tellement crédible que l’on se demande tout le long s’il n’est pas réellement atteint de ce handicap. Il faut dire que son père était le directeur d’un établissement recevant des autistes et que bon nombre de ses camarades d’enfance étaient concernés par ce trouble. De quoi lui permettre de mieux appréhender son personnage, assurément.
Tourné en 2020, le film a été un joli succès dans son pays, avec notamment 4 récompenses glanées lors des OPHIRS en 2020 (l’équivalent de nos César). Ainsi, le métrage a permis à Nir Bergman d’être sacré meilleur réalisateur, à Dana Idisis d’être considérée comme la meilleure scénariste et aux deux acteurs principaux d’obtenir une consécration pour leur travail remarquable. Cela a offert au film son ticket d’entrée pour les écrans français au mois de décembre 2021. Malheureusement, My Kid n’a attiré que 6 183 curieux sur toute la France durant ses six semaines d’exploitation. Le film mérite clairement mieux et doit donc bénéficier d’une seconde chance lors de sa sortie vidéo, malheureusement uniquement en DVD.
Critique de Virgile Dumez