Mouchette : la critique du film et le test du blu-ray (1967)

Drame | 1h21min
Note de la rédaction :
9,5/10
9,5
mouchette, affiche reprise 2016

  • Réalisateur : Robert Bresson
  • Acteurs : Jean-Claude Guilbert, Nadine Nortier, Marie Cardinal, Paul Hébert
  • Date de sortie: 15 Mar 1967
  • Nationalité : Français
  • Scénario : Robert Bresson d'après Georges Bernanos
  • Directeur de la photographie : Ghislain Cloquet
  • Musique : Jean Wiener
  • Distributeur : Compagnie Française de Distribution Cinématographique (CFDC)
  • Distributeur de la reprise 2016 : Tamasa Distribution
  • Editeur vidéo (blu-ray) : Potemkine
  • Sortie vidéo (blu-ray) : 3 mars 2020
  • Box-office France : 297 397 entrées France / 110 770 entrées Paris-Périphérie / 2 116 entrées (reprise 2016)
  • Festival : Prix OCIC au Festival de Cannes 1967
  • Crédits affiche et photos : © 1967 Argos Films - Parc Film / © 2016 Tamasa Diffusion / © 2019 Potemkine Films. Photo : Mylène Van Der Mersch © Adagio, Paris, 2019. Tous droits réservés.
Note des spectateurs :

Mouchette est une œuvre majeure du cinéma français à redécouvrir dans une édition restaurée de toute beauté. Indispensable.

Synopsis : Mouchette, au seuil de l’adolescence, vit dans une campagne misérable. Elle est témoin d’une dispute entre le garde-champêtre et un braconnier. Un peu plus tard dans la nuit, le braconnier la viole.

Une nouvelle adaptation de Georges Bernanos

Critique : Alors que plusieurs années se sont écoulées entre Procès de Jeanne d’Arc (1962) et Au hasard Balthazar (1966), il ne faut que quelques mois à peine pour qu’arrive sur les écrans Mouchette (1967). Cette rapidité d’exécution s’explique par un accord passé entre le cinéaste Robert Bresson et la productrice Mag Bodard qui s’est engagée à financer deux films consécutifs de l’artiste. Cette fois-ci, le budget est bouclé grâce à l’apport d’Anatole Dauman. Toutefois, n’ayant pas vraiment le temps d’écrire un scénario entièrement original, Robert Bresson choisit d’adapter une nouvelle fois l’écrivain Georges Bernanos après Journal d’un curé de campagne (1951). Il s’entiche cette fois de Nouvelle histoire de Mouchette, œuvre dont la thématique est finalement assez proche de celle développée dans Au hasard Balthazar.

Mouchette, jaquette du blu-ray

© 1967 Argos Films – Parc Film / © 2019 Potemkine Films. Photo : Mylène Van Der Mersch © Adagio, Paris, 2019. Tous droits réservés.

Effectivement, l’âne dépositaire de la Sagesse est ici remplacé par une fillette qui représente la pureté. Dans les deux cas, l’innocence est confrontée à un monde extérieur impitoyable. Dans Mouchette, Bresson livre le portrait d’un monde campagnard d’une incroyable dureté. Confrontée à la maladie de sa mère, la gamine doit également faire face à l’alcoolisme de son père, à l’hostilité manifeste de ses camarades de classe et de l’institution scolaire. Même les gens du village font preuve d’une infinie cruauté, précipitant un peu plus la jeune enfant vers le gouffre de sa propre mort.

Une lente marche vers la mort

Car Mouchette n’est aucunement une œuvre misérabiliste cherchant à faire pleurer dans les chaumières, mais bien une lente description de ce qui peut mener un individu à l’inéluctable, à savoir sa propre éradication de la surface de la planète. Finalement, le destin de Mouchette est identique à celui de la sainte Jeanne d’Arc, puisqu’elle s’achemine plan après plan vers sa disparition programmée. Il s’agit d’un véritable chemin de croix qui renvoie directement au martyr christique, le tout dans une dimension mystique que chérissait Bresson.

Avec un tel sujet, le risque était bien de tomber dans le mélodrame et le sentimentalisme, ce que Bresson évite magistralement en se servant de sa méthode habituelle. Tout d’abord, il ne s’appesantit jamais sur les événements dramatiques qui interviennent tous hors-champ (y compris un viol très suggéré). Ensuite, il utilise un ton d’une froideur presque mécanique à travers une diction particulière de ses « modèles ». Cela met systématiquement le spectateur à distance par rapport à ce qui se déroule à l’écran.

Une distance salutaire, mais qui peut se retourner contre le cinéaste

On peut d’ailleurs noter que ce procédé atteint sans doute ses limites avec ce long-métrage puisque le spectateur ne ressent pas toujours l’empathie nécessaire vis-à-vis du personnage principal. En cherchant à traquer la vérité des images, Bresson n’échappe pas toujours à un aspect fabriqué qui sonne parfois faux (les fausses larmes ajoutées sur le visage de la gamine par exemple).

Toutefois, la principale limite tient dans le sujet traité, peut-être pas le plus intéressant car manquant singulièrement de nuances. Cela n’empêche nullement le long-métrage de se placer à mille encablures de la production de l’époque, de par la maestria de sa réalisation, la beauté des images savamment composées et l’irruption bienvenue du thème musical de Monteverdi. Autant d’éléments qui font de Mouchette un incontournable du cinéma français et définitivement un grand classique tout court.

Le test blu-ray :

Mouchette et Au hasard Baltahzar en blu-ray chez potemkine

© Potemkine

Acheter le blu-ray sur le site de l’éditeur

Compléments : 5/5

Trois suppléments de choix viennent compléter cette très belle édition. Cela débute par un magnifique making of d’époque, tourné par une équipe étrangère (30min). On y découvre, sans aucun commentaire intrusif, le maître au travail, notamment en train de diriger ses « modèles », de composer l’image avec son directeur de la photo et de suggérer des déplacements de caméra audacieux à son cadreur un peu désorienté.

On le retrouve aussi en train de manger au milieu de toute son équipe dans une ambiance familiale qui rend encore plus sympathique l’homme, visiblement timide et en retrait, mais qui a à cœur que tous se sentent bien sur le plateau. Ce document est exceptionnel pour tous les amoureux du cinéma de Bresson.

L’entretien avec l’assistant réalisateur Jacques Kebadian (23min) permet non seulement de revenir sur le tournage de Mouchette, mais aussi sur celui d’Au hasard Balthazar. L’artiste, qui débutait dans le métier, a des souvenirs précieux de Bresson et estime que l’homme lui a permis de fixer la barre de ses exigences très haute. Il nous livre des anecdotes précieuses.

Enfin, Michel Estève, spécialiste de Bernanos, revient pour nous sur l’adaptation effectuée par Bresson (22min). Si les idées développées sont intéressantes, la forme est un peu austère puisque Michel Estève lit très souvent ses notes sur un ton un peu monocorde. Toutefois, il apporte un éclairage essentiel pour mieux saisir le travail d’adaptation de Bresson à partir du matériau littéraire.

L’image : 5/5

Restauré en 4K pour une ressortie en salles en 2016, le long-métrage bénéficie d’une copie resplendissante qui ne souffre que de menus défauts. Les contrastes sont magnifiquement gérés, les noirs sont assez profonds lors de la séquence de la tempête, tandis que les arrière-plans sont précis et découpés. Parfois, cela trahit quelques trucages effectués par le réalisateur (les larmes ajoutées ou encore le plan final monté en boucle pour qu’il colle à la durée du morceau de Monteverdi).

Le son : 4/5

On nous propose ici un mono assez classique, mais débarrassé de toute scorie et de tout souffle disgracieux. Par contre, certains passages plus aigus apparaissent comme légèrement agressifs, ce qui est un défaut courant dans les productions de l’époque.

Critique du film et test blu-ray : Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 15 mars 1967

Mouchette, l'affiche de 1967

© 1967 Argos Films – Parc Film / Illustration : René Ferracci © ADAGP Paris, 2019. Tous droits réservés.

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mouchette, affiche reprise 2016

Bande-annonce de Mouchette

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