Mosquito State et ses suceurs de Wall Street couve une crise économique où le moustique devient l’allégorie du pouvoir et des excès de la finance. Du pur fantastique abscons qui nous renvoie dans sa thématique aux années 2007-2012.
Synopsis : Août 2007. Richard Boca, un analyste de Wall Street qui réside seul dans un appartement luxueux avec vue imprenable sur Central Park, exploite sans relâche des données financières et commence à avoir de sinistres visions. Ses modélisations informatiques se comportent de manière désordonnée alors que des nuées de moustiques envahissent son penthouse. Ces manifestations étranges commencent à jouer sur sa santé mentale…
Critique : Trop polonais pour être bon ? Le cinéma de genre contemporain, en Russie et aux alentours, aime bien se vautrer dans les effets clinquants et pompiers de réalisations ultra-stylisées, loin des classiques magnifiques qui ont fait le brio de ces cinématographies. C’est le cas de Mosquito State.
Archétype d’un cinéma de genre de l’Est clinquant
Découvert dans le cadre d’un festival en ligne, à savoir Gérardmer 2021, entre La nuée (avec lequel le cinéaste Filip Jan Rymsza partage le goût des insectes avides de sang et les métaphores anticapitalistes) et Possessor de Brandon Cronenberg (avec lequel il s’inspire des grandes thèses conspirationnistes et un amour pervers assumé pour les mutations absconses), Mosquito State n’emballe pas visuellement.
Ce troisième long, par celui qui paracheva le film d’Orson Welles, The Other Side of the Wind (Netflix), possède des décors riches et des possibilités de cadrages qui auraient été vus de façon plus inspirés par les auteurs de La nuée et Possessor, qui ne s’éloignent pas trop dans leur thématique de Mosquito Coast. Mais dans ce dernier, l’artificialité du style calcine la rétine. C’est parfois très laid, et malheureusement la toute fin, que l’on ne vous racontera pas, noie le film au sens propre et figuré, dans des prétentions mal placées.
Les suceurs de sang de Wall Street
Pourtant, de par l’incarnation tordue de l’acteur caméléon Beau Knapp, qui se dégotte enfin un premier rôle, cette réflexion mutante sur la crise de 2007 ne manque pas de qualité. Avec ses algorithmes prophétiques, ses yankees ivres d’argent et d’amoralité et sa hiérarchie par la verticalité joliment définie par le décor d’un superbe appartement surplombant Central Park, le scénario n’est pas là pour relater du fantastique, mais plutôt pour mysticiser et culpabiliser un certain système financier. Le film critique ces suceurs de sang qui n’ont pas su se mettre en rang pour redonner de l’ordre dans ce chaos exponentiel provoqué par l’effondrement des différentes places boursières mondiales.
Fantastique métaphorique qui distille son étrangeté lors de quelques belles scènes, Mosquito State regorge d’idées. Il captive et triture l’esprit, conforte une vision lynchienne (Eraserhead) et cronenbergienne (La mouche) de la narration. Toutefois, le cinéaste ne va pas suffisamment loin dans la paranoïa pour assurer à son sujet l’étoffe des grands. L’absence de personnages secondaires développés (Olivier Martinez vieillit bien, mais méritait d’apparaître davantage), limite la portée de son approche autocentrée, proche du cocon du huis clos.
Auquel cas, on préfèrera revoir Bug de William Friedkin (2006) dans la catégorie des films dingues avec des insectes en pleine possession de vos moyens.
Critique de Frédéric Mignard