Mirage de la vie, remake d’Images de la vie est un beau mélodrame, porté par une réalisation classique et élégante. Une référence dans un genre généralement méprisé.
Synopsis : Sur la plage de Coney Island, près de New York, Lora Meredith, une jeune mère célibataire aspirant à devenir actrice, rencontre Annie Johnson, une sans-abri noire s’occupant elle aussi seule de sa fille. Les deux femmes sympathisent et Lora propose bientôt à Annie de rester chez elle, devenant ainsi la nourrice et la domestique de la maison. La fille d’Annie, Sarah Jane, semble ne pas supporter la couleur de sa peau à une époque où cela l’exclut socialement ; elle est jalouse de Susie, la petite fille blonde de Lora. Cependant, les deux enfants grandissent ensemble, comme de véritables sœurs.
Critique : En 1958, Douglas Sirk entame la réalisation d’un remake du mélodrame de John M. Stahl intitulé Images de la vie (1934). Après Le secret magnifique (1954) et Les amants de Salzbourg (1957), c’est la troisième fois que le cinéaste s’attache à moderniser l’œuvre de Stahl. Afin de personnaliser l’intrigue, Sirk choisit de transposer l’histoire dans le monde du spectacle et notamment celui du théâtre, ce qui lui permet de donner un double sens au titre original.
L’œuvre créée est ainsi un modèle de mélo lacrymal, mais elle nous fait également réfléchir sur le genre lui-même. Ainsi, lorsque le personnage principal fond en larmes, on se demande toujours si ce n’est pas l’actrice en elle qui s’exprime. Dans un monde dominé par les apparences et par le mensonge, tout sonne faux et le metteur en scène joue à de nombreuses reprises avec cette ambiguïté, rendant son film bien plus intéressant et profond qu’à l’accoutumée.
Au passage, l’auteur en profite pour égratigner la bonne conscience américaine en prenant pour cible l’intolérance raciale et le culte absurde de la réussite à tout prix. Il écorne de manière subtile les valeurs de l’american way of life, simple mirage ne pouvant mener qu’au vide et à la mort. Pour le servir, Sirk s’est entouré de collaborateurs de premier ordre : Lana Turner est immédiatement crédible en femme ambitieuse et aux dents longues, tandis que le fade John Gavin est parfait dans le rôle de l’artiste raté dominé par cette actrice égocentrique. Mais les interprétations vraiment marquantes sont celles des jeunes Sandra Dee et Susan Kohner (qui ne firent malheureusement pas une grande carrière par la suite), ainsi que celle de Juanita Moore dans le rôle bouleversant de cette femme noire rejetée par sa propre fille.
Avec un savoir-faire indéniable, le cinéaste a réalisé ici un mélodrame luxueux et d’une redoutable efficacité, qui fut aussi son dernier film hollywoodien. Par la suite, il s’exila à Munich et se consacra essentiellement au théâtre. Le mirage de la vie, chant du cygne à la hauteur de son talent, a rencontré un magnifique succès, aussi bien aux Etats-Unis qu’à l’étranger. En France, ils furent plus d’un million de spectateurs à venir pleurer devant ce magnifique mélodrame qui anoblit ce sous-genre généralement conspué.
Preuve de son inoxydable longévité, le métrage ressort régulièrement en salles, ce qui sera à nouveau le cas à partir du 7 août 2019 dans une version numérique restaurée.
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Critique de Virgile Dumez