Entre humour et drame, la réalisatrice australienne Shannon Murphy réussit avec Milla l’exploit de proposer un film pétillant et coloré sur un sujet particulièrement sombre.
Synopsis : Milla n’est pas une adolescente comme les autres et quand elle tombe amoureuse pour la première fois, c’est toute sa vie et celle de son entourage qui s’en retrouvent bouleversées.
Critique : Isolée de ses camarades, l’air perdu dans son uniforme scolaire, Milla (Eliza Scanlen des Filles du Docteur March) attend son train sur le quai de la gare quand elle se fait aborder par un jeune homme au look peu engageant dont on l’inciterait instinctivement à se méfier, mais qu’elle prendra pourtant un malin plaisir à présenter à ses parents. Par pure provocation adolescente, imagine-t-on ? On apprend bien vite qu’il n’en est rien et qu’il ne s’agit pas d’une énième comédie sur ces tourments pubères dont le cinéma raffole. Caracolant de ruptures de textes en cascades d’émotions, le récit prend un malin plaisir à se jouer des apparences.
Les premières séquences délibérément décalées se révéleront sans doute déroutantes. Elles servent néanmoins à annoncer ce qui fait toute l’originalité de cette histoire : prendre à contre-pied des situations attendues pour emmener le spectateur dans un univers insolite et rendre supportable une réalité inacceptable.
Milla, un triomphe aux neuf Oscars australiens
Car, contrairement à ce que laisse supposer les images d’ouverture, Milla ne souffre nullement d’un mal être inhérent à son jeune âge. Elle est atteinte d’un mal bien plus incurable. Moses, (Toby Wallace), quant à lui, cache sous ses allures de voyou débraillé, des trésors de tendresse et de sensibilité. Sans doute ne correspond-il pas à l’ami dont les parents de Milla (une mère instable et fantasque et un père aimant mais débordé de sentiments contradictoires) auraient rêvé pour elle mais tous finiront par apprendre à s’accepter et à faire corps pour affronter le pire. A ce quatuor haut en couleurs se joignent quelques personnages non moins pittoresques qui font de cette fresque en demi-teinte un hymne à la vie, judicieusement rythmé par des titres chapitres qui sont autant d’indicateurs d’émotions que de décomptes de ce temps devenu si précieux pour Milla qui ne doit pas en perdre une miette.
Une narration directe dépourvue de tout sentimentalisme, l’incessant équilibre entre dérision et gravité, une mise en scène dynamique soutenue par un éclairage lumineux en toutes circonstances, même les plus dramatiques, et enfin une interprétation magistrale laissent libre cours à une multitude de sentiments à fleur de peau où se percutent pêle-mêle non-dits, pudeurs inavouées, bonheur et désespoir. Milla est une première œuvre prometteuse qui pourrait bien marquer pour la jeune réalisatrice le début d’une longue carrière. La pluie de récompenses en Australie (neuf équivalents d’Oscar sur treize nominations) va dans ce sens.