Maman est un drame familial davantage porté sur la souffrance infligée par les traumas familiaux que sur la comédie, malgré un très beau trio d’actrices que l’on espérait plus cocasses.
Synopsis : Deux sœurs vont kidnapper leur mère pour l’obliger à les aimer.
Critique : Alexandra Leclère, après Le prix à payer (2007) et Les soeurs fâchées (2004), nous a démontré avec panache toute la complexité des rapports humains au coeur de la famille. L’hystérie des règlements de compte en milieu bourgeois laissait toujours beaucoup de place à l’humour corrosif qu’elle assumait goulument. Sa marque de fabrique, en quelque sorte. Dans Maman, on retrouve bien la patte de la réalisatrice qui s’insinue cette fois-ci dans les rapports névrosés et cassés, entre deux sœurs qui n’ont jamais réussi à se bâtir dans la solidité, et leur mère qu’elles n’ont pas revue depuis vingt ans, après l’avoir fuie pour maltraitance psychologique.
Au vu de la personnalité de ce trio fort en gueule (Mathilde Seigner, Marina Foïs et Josiane Balasko, excusez du peu), on imaginait bien le potentiel des dialogues en diatribes et autres répliques assassines dévastatrices. Et on assiste effectivement à de jolis numéros de malaise verbaux, du moins en début de film, lorsque la mère, inchangée, bourrue devant l’éternel, revient dans la vie de ses enfants quadra désormais, qu’elle va écraser de son mépris de pachyderme. Balasko joue avec ténacité l’indifférence sentimentale ou la torture sur l’enfant, jetant ses pics de marâtres là où cela fait le plus mal. On n’avait pas vu Balasko aussi efficace dans l’humour peste depuis bien longtemps.
Malheureusement, le ton change trop vite, dès que les deux femmes décident de kidnapper la méchante mère pour chercher à comprendre son aridité sentimentale à leur égard, et de la séquestrer dans une immense maison de bord de mer, au style légèrement tortueux et au charme automnal quasi fantastique. La comédie devient alors bergmanienne, donc dramatique et plus lente aussi, cassant le rythme des premières instants que l’affiche nous avait vendu avec succès. Ce n’est pas que la réalisatrice emprunte une direction malheureuse, le propos fort de la cristallisation des souffrances ancrées dans l’enfance qui pèsent sur ces deux femmes non-aimées et détruites par l’être fondateur depuis le plus jeune âge, est même douloureux à suivre. Le trio est au sommet d’un art dramatique, où chacun se raidit dans ses traumas, se déchire de tourments et se heurte à la difficulté d’émettre des justifications ou de pardonner. Mais à ce niveau, le drame matriarcal l’a définitivement emporté sur le prétexte comique des premiers instants, celui que nous vendait un peu trop facilement la “com”. Dommage que la réalisatrice-scénariste n’ait pas harmonisé davantage la trame, dans la comédie ou le drame, car trop de dichotomie au cinéma, cela amoindrit toujours les meilleures intentions.
Box-office : Maman a tort
Véritable échec de par son budget de 7 millions d’euros et ses 277 000 entrées, Maman fait suite à deux succès à plus d’un million d’entrées pour Alexandra Leclère qui s’était distinguée avec les Sœurs fâchées (1 450 000, 2004) et Le Prix à Payer (1 368 000, 2007).
Les critiques ternes et un mois de mai peu remarquable pour l’exploitation l’ont catapulté en 6e place, avec 116 000 entrées en première semaine dans 291 salles, soit la 3e meilleure nouveauté de la semaine après Dark Shadows de Tim Burton (676 000) et Street Dance 2 3D (141 000). Dans le cinéma national, les spectateurs préféraient célébrer Le Prénom qui était encore acclamé par 333 000 spectateurs en 3e semaine, pour un total de 2 millions d’entrées.
En 2e semaine, Maman ne perdra que 17% de ses entrées et se retrouve 11e. A priori, on pourrait penser que le bouche-à-oreille fonctionnait. Il n’en était rien. Il s’agissait de la plus grosse baisse dans le top 15, dans un contexte d’une grande stabilité avec 6 films en hausse dans le top 15.
En 3e semaine, la mère Balasko se brouille avec les spectateurs (-78%). Sa chronique familiale passe de 90 000 à 21 000 entrées.
Les sorties de la semaine du 9 mai 2012
Biographies +
Alexandra Leclère, Josiane Balasko, Mathilde Seigner, Marina Foïs, Michel Vuillermoz, Serge Hazanavicius
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Le Test DVD
Edition minimaliste d’une oeuvre intimiste qui a été maladroitement vendue comme une comédie désopilante alors qu’elle se situe davantage dans le drame.
Habituée à dépasser le million d’entrées à chacun de ses films, la réalisatrice Alexandra Leclère a sévèrement déchanté devant les 263 800 entrées de son Maman. Déception au box-office pour cette comédie dramatique qui a été vendue au grand public comme un film drôle, alors même que le ton est essentiellement dramatique. De l’affiche jusqu’à la bande-annonce, la promotion a été mensongère de bout en bout. Faut-il pour autant jeter la pierre à ce long-métrage somme toute attachant ? Non, puisque le trio d’actrices fonctionne à merveille et que le malaise qui entoure leurs relations conflictuelles est particulièrement bien rendu. Sans doute légèrement déséquilibré, le résultat final demeure éminemment sympathique et agréable à suivre.
Compléments : 1 .5/5
Si l’on peut trouver la partie bonus quelque peu frustrante puisqu’elle ne comporte qu’un making of d’une vingtaine de minutes, la pertinence de ce supplément permet de compenser la déception première. Outre de nombreuses images du tournage, la réalisatrice évoque avec pas mal de recul le sujet de son film et l’évolution prise par une œuvre qui s’est construite au fur et à mesure. On peut parier que son but était d’abord de réaliser une comédie amère et que le drame s’est peu à peu imposée à elle. Les entretiens avec les trois actrices nous montrent la complicité qui s’est immédiatement établie entre elles. On regrette tout de même l’absence de la bande-annonce.
Image : 2.5/5
Si le rendu global est plutôt correct, on est vraiment en présence d’un DVD classique qui ne semble pas avoir fait l’objet d’un soin particulier. Les couleurs sont un peu pâles et les scènes plus sombres souffrent d’une compression un peu trop visible. Quant aux noirs, ils n’ont rien de profond.
Son : 3/5
La piste en 5.1 est à privilégier, même si elle se concentre essentiellement sur les enceintes avant. Ainsi, les dialogues se détachent clairement des ambiances qui ont été réparties sur les autres enceintes. A noter la présence de sous-titres pour malentendants.