Longlegs est un hommage diabolique aux thrillers méphistophéliques des années 90, incarnés par une angoisse viscérale et une terreur palpable. Le premier -très- grand film d’Oz Perkins, fils d’un certain Norman Bates…
Synopsis : L’agent du FBI Lee Harker, une nouvelle recrue talentueuse, est affectée sur le cas irrésolu d’un tueur en série insaisissable. L’enquête, aux frontières de l’occulte, se complexifie encore lorsqu’elle se découvre un lien personnel avec le tueur impitoyable qu’elle doit arrêter avant qu’il ne prenne les vies d’autres familles innocentes.
Engeance maudite
Critique : Dire que Longlegs est une œuvre angoissante qui laissera des traces est un euphémisme. Pour la première fois de sa carrière, Oz Perkins (aussi connu sous son vrai nom, Osgood Perkins) peut porter fièrement la paternité d’un film après des essais cinématographiques qui relevaient davantage de la VOD (le brouillon February, avec Emma Roberts), ou de la SVOD (le fade I Am the Pretty Thing That Lives in the House, sur Netflix). Et quand, il proposait enfin un film convenable, en 2020 (sa relecture du conte Hansel et Gretel), le monde était confiné ; l’écho ne fut pas à la hauteur de ses attentes.
Or, la paternité est essentielle chez Oz Perkins. Après tout, il est le fils d’Anthony Perkins, célèbre Norman Bates chez Hitchcock, mort du sida après une existence dans le placard de la honte, pour son homosexualité refoulée. Par ailleurs, dans la famille du cinéaste, sa mère, la photographe Barry Berenson, était l’une des passagères à bord du premier avion qui heurta le World Trade Center, le 11 Septembre 2001, dans ce qui devînt l’un des attentats terroristes les plus meurtriers de l’histoire, une date qui allait redéfinir le monde au XXIe siècle. Osgood Perkins est, contre son gré, au centre de tragédies personnelles devenues universelles. Trop pour les épaules d’un seul homme?
Féminicides en série
Aussi, il n’est pas étonnant, après une existence de traumas difficiles à surmonter, que le quinquagénaire décide d’exorciser ses angoisses dans un thriller de terreur pure, entièrement construit sur un rituel diabolique de démolition de la famille, par la figure d’un père aliéné qui va hacher menu son engeance et son épouse, sous l’impulsion d’un psychopathe méphistophélique, que l’on baptisera Longlegs et qui va s’acharner à détruire les familles où une jeune fille est née un 14… Et ce, sur plusieurs décennies.
Ces meurtres qui relèvent, dans leur occurrence, de l’énigme pour le FBI, servent de liant à une narration opaque et participent à construire une bizarrerie cinématographique implacable. Longlegs, le film, relève de l’étrange où l’on pressent que l’horreur psychologique palpable peut basculer dans l’épouvante surnaturelle à n’importe quel moment, tout en manipulant les codes de cinématographies différentes. L’on baigne dans le cinéma de genre, mais aussi dans une atmosphère charismatique de cinéma indépendant où tout est possible.
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Longlegs est un hommage glaçant aux thrillers des années 90
Agencé au cœur du même effort artistique, le mariage entre cinéma de genre et cinéma d’auteur, à l’instar d’Hérédité et Midsommar, donne naissance à un véritable film monstre, un phénomène de foire loin d’être honteux car puissamment frappadingue. Longlegs macère dans un bain de démence et de dépression comme les deux grands thrillers qui ont marqué de leur ADN les années 90, à savoir Le silence des agneaux de Jonathan Demme et Se7en de David Fincher, deux authentiques chefs d’œuvre qui ne prêtaient pas à rire, et dont on ressent chez Perkins la volonté d’un hommage évident. On pensera aussi aux grands thrillers espagnols comme Tesis d’Alejandro Amenabar ou La secte sans nom de Jaume Balaguero.
Cette quatrième réalisation d’Osgood Perkins ne prête pas à rire. Comme ses illustres modèles, le ton est constamment pesant, mortifère, dépressif, torturé, glauque, et invariablement anxiogène. Perkins ose l’un de ces métrages qui se caractérisent par un avant la projection que l’on qualifierait d’insouciance, un pendant dont on ressent à chaque instant l’intensité, et un après, celui de la marque indélébile de l’innocence perdue.
Une expérience cinématographique douloureuse et angoissante
La trame qui s’ouvre – entre autres – sur une traumatisante séquence pour une jeune femme du FBI, incarnée par Maika Monroe (l’héroïne de It Follows, qui n’est jamais très loin non plus dans le caractère farouchement indépendant du choc cinématographique), est portée par un climat constamment pesant. Le réalisateur pose ses pions au gré d’une intrigue aussi tendue que tordue, et jamais il ne relâche la pression. Le spectateur n’a pas d’autres choix que de pactiser avec le malin (le cinéaste – scénariste) et de subir (ce n’est pas un plaisir) l’atmosphère effroyable. Longlegs n’est pas un “divertissement aimable”, contrairement à beaucoup de séries B, mais une formidable expérience sensorielle et artistique, dans ce qu’elle a de perturbant et de troublant.
Evidemment, le spectateur qui ignore la présence de Nicolas Cage au générique sera surpris de découvrir le nom de la star a posteriori. L’acteur transformiste, malgré la possibilité de cabotinage dans l’incarnation du psychopathe, est au contraire très à l’aise pour créer un nouveau mythe du cinéma horrifique. Il sait effacer toute trace de son identité et habite de façon singulière l’étrangeté de ce que cet être infernal représente : une anomalie humaine qui a basculé de l’autre côté, du côté d’une iconographie diabolique qui va à l’encontre de 20 ans de productions surnaturelles pour adolescents, de produits fades et indolores, mal fignolées jusque dans leur prédictibilité, à l’instar des franchises Annabelle, Conjuring et Insidious.
Longlegs, graine de phénomène au box-office ?
Distribué aux USA par la société culte Neon et en France par Métropolitan FilmExport, Longlegs appartient à ces tours de force qui mettent tout le monde d’accord, de par leur originalité de ton et d’histoire. La promotion absconse, à base de teasing vidéo et d’affiches étranges, a bâti, pendant trois mois, l’identité d’une œuvre sûre d’elle-même et du potentiel qu’elle recèle. Ce marketing ne ment pas, même une fois le choc digéré. Longlegs a tout d’un phénomène de l’angoisse, comme ses illustres références des années 90. Il est l’assurance d’une nouvelle date dans le cinéma de genre.
Les sorties de la semaine du 10 juillet 2024
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