L’oiseau de paradis est un conte social sur fond de castes et de remous politiques en Polynésie française, une œuvre à la beauté ravageuse et aux mystères étincelants qui en font un thriller subjuguant pour les amateurs de cinéma de l’étrange.
Synopsis : Jeune assistant parlementaire métis, amoral et séducteur, Teivi revoit un jour Yasmina, une lointaine cousine maorie aux pouvoirs mystiques, qui lui fait une étrange prédiction. Mais en proie à des malaises hallucinatoires et empêtré dans une affaire de corruption immobilière, Teivi perd pied. Persuadé que Yasmina peut le guérir, il part à sa recherche et chemine jusqu’à la presqu’île fantasmagorique de Tahiti. L’Oiseau de paradis raconte un Tahiti intime et légendaire, métis et vivant. Un conte mystique et contemporain sur le plus beau des paradis perdus.
L’oiseau du paradis captive les sens et interpelle l’intelligence
Critique : C’est en VOD que la crise du Covid-19 a précipité L’oiseau de paradis, éloge au folklore tahitien originellement destiné à une sortie salle au printemps. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est bel et bien un objet de cinéma, de ceux, lancinants, qui hantent longtemps l’esprit. Le premier long de fiction de Paul Manate appartient aux œuvres qui imprègnent le visionnage de son ambiance, happent l’attention, captivent les sens et interpellent l’intelligence, sans qu’on ne cherche à apporter trop d’importance aux points un peu abscons qui resteront de l’ordre de l’inexpliqué et peut-être bien de l’inexplicable.
Toute la complexité des inégalités en Polynésie qui tourne au cauchemar éveillé
Avec L’oiseau de paradis, le cinéaste français Paul Manate nous baigne dans la culture, le social et la politique d’une société polynésienne diverse qu’il ne connaît que trop bien. C’est un monde pluriel : des castes, des communautés, des nantis de la métropole, des opportunistes locaux, des laissés-pour-compte qui n’auront jamais rien, si ce n’est la promesse d’être les perdants de grands plans d’urbanisation ou de développements touristiques, avec toutes les conséquences que cela implique.
Cinéma paradiso
Via la personnage de Yasmina, héroïne mutique, à la carrure et au visage signifiants, et aux pouvoirs quasi surnaturels, le film oscille entre le drame social au conte ténébreux, baignant dans l’irrationalité de croyances et d’histoires orales, dont la jeune femme incarne la continuité. Cassandre et Cendrillon aux yeux d’un cousin puissant aux dents qui rayent le plancher, elle va devenir l’objet de fascination du jeune homme, alors qu’elle lui prédit les pires maux. Il faut dire que les accointances politiques louches de ce dernier, son arrogance de bellâtre, cristallisent l’animosité d’une population locale désorientée par une réinvention de leurs terres, redessinées par la métropole.
La richesse des thématiques humaines et la poésie locale, accentuée par des éléments troubles qui peuvent faire basculer le film dans le cauchemar éveillé, s’associent finement pour aboutir à une ouverture des interprétations qui gratifie encore le spectateur de ce pouvoir d’imagination qui tend à disparaître.
L’oiseau du paradis, magnifié par ses cadrages et sa photographie, est à l’image des paysages paradisiaques, une véritable pépite.
Les sorties de la semaine du 29 juillet 2020
Sorties VOD de la semaine du 18 mai 2020