Les vampires du docteur Dracula est le premier film mettant en scène Paul Naschy dans son rôle culte du loup-garou Waldemar Daninsky. L’ensemble, assez pauvre et totalement bis, est sauvé du désastre par une esthétique baroque séduisante.
Synopsis : En pillant le caveau d’un vieux château, des bohémiens retirent une croix en argent du cœur de Imre Wolfstein. Loup-garou revenu à la vie, celui-ci sème à nouveau la terreur dans la région. Participant à une battue pour occire la bête, le comte Waldemar Daninsky se fait mordre, et devient loup-garou à son tour. Pour contrer cette malédiction, il demande l’aide du professeur Mikhelov et de sa femme, réputés pour être des spécialistes de la lycanthropie. Mais ces derniers sont en réalité des vampires qui veulent utiliser Daninsky.
Les vampires du docteur Dracula : la naissance d’un personnage culte pour Paul Naschy
Critique : Haltérophile ayant fait essentiellement de la figuration dans les années 60, l’Espagnol Jacinto Molina a toujours été passionné par le cinéma horrifique des années 30 signé la Universal. Ces longs-métrages ont marqué durablement son enfance, lui offrant une échappatoire aux horreurs bien réelles de la guerre civile qui faisait rage. Vers 1967, l’acteur qui va bientôt être connu sous le pseudonyme de Paul Naschy (imposé par le coproducteur allemand) écrit un scénario de film d’horreur gothique qu’il peine à monter dans l’Espagne franquiste.
Certes, le cinéaste Jesús Franco a montré la voie quelques années auparavant avec L’horrible docteur Orlof (1962), mais le réalisateur erre désormais entre plusieurs pays pour parvenir à financer ses films, en proie à une censure sévère. Afin de rendre hommage au cinéma de son enfance, Paul Naschy propose même le rôle principal de ce qui deviendra Les vampires du docteur Dracula à l’acteur Lon Chaney Jr. Malheureusement, celui-ci refuse la proposition, ce qui contraint Paul Naschy à interpréter lui-même le rôle de Waldemar Daninsky, suivant ainsi la suggestion de son coproducteur allemand.
Pas de Dracula à l’horizon, mais un loup-garou vorace!
Refusé par de nombreux cinéastes, le projet est finalement accepté par le réalisateur Enrique López Eguiluz qui va ainsi donner naissance à une saga longue d’une douzaine de longs-métrages ayant pour héros le lycanthrope Waldemar. Effectivement, malgré le titre français trompeur qui met en avant le comte Dracula, le long-métrage en question met en scène les aventures d’un loup-garou, comme le précise d’ailleurs le titre original : La marca del hombre Lobo. Si les distributeurs français ont exploité la présence de vampires dans le film pour intégrer au titre la figure populaire du comte sanguinaire, les Américains n’ont pas fait mieux puisque le monstre de Frankenstein s’invite à la fête (Frankenstein’s Bloody Terror), alors qu’il n’est absolument pas présent dans le métrage. Ce sont une fois de plus les joies de l’exploitation.
Hommage sincère aux films de la Universal et notamment au Loup-garou (Waggner, 1941), le film écrit par Paul Naschy s’inscrit pleinement dans un univers gothique proche de celui déployé par la Hammer dans La nuit du loup-garou (Fisher, 1961), tout en étant similaire à des déclinaisons plus latines comme les films italiens de Mario Bava. On remarquera notamment l’usage intensif d’éclairages bariolés qui, s’ils n’ont pas le goût exquis de Bava, ont le mérite de créer une ambiance fantastique du plus bel effet. Malgré un budget que l’on imagine étriqué, les décors sont profus et mettent en avant tout un bric-à-brac d’objets hétéroclites en mode surcharge baroque. Le tout est nappé d’une bonne dose de fausses toiles d’araignées et de fumée afin de créer une atmosphère angoissante.
Les vampires du docteur Dracula : de beaux éclairages pour une histoire incohérente
Esthétiquement séduisant, Les vampires du docteur Dracula pâtit pourtant de plusieurs défauts qui laissent présager une trop grande rapidité d’exécution. Ainsi, on note un certain nombre d’ellipses narratives plutôt étranges et assez incompréhensibles, tandis que des erreurs de continuité, et donc de montage, viennent troubler la bonne marche d’une intrigue assez cryptique.
Effectivement, le plus gros défaut du film vient de son scénario abracadabrantesque où Paul Naschy semble avoir glissé toutes ses références en même temps, sans souci de cohérence. Débutant comme un classique film de loup-garou, le métrage évoque ensuite des rites sataniques pratiqués par des sorcières au Moyen Age, avant de nous balancer à la figure un couple de vampires qui serait finalement à l’origine de la malédiction frappant Waldemar.
Un film d’horreur encore trop sage, surveillé de près par la censure franquiste
L’explication n’est pas particulièrement pertinente et l’ensemble sombre donc assez rapidement dans le plus pur cinéma bis, d’autant que le vampire principal en fait des tonnes avec sa cape, de même que Paul Naschy qui gesticule beaucoup en loup-garou. Outre des effets sanglants assez mal fichus, le rythme est quelque peu languissant dans cette aventure qui souffre d’une autocensure évidente. Alors que l’acteur semble désireux d’aller vers des débordements bis, il semble bridé dans sa volonté, alors même que nous avons visionné la version complète du long-métrage.
On notera enfin que l’intrigue fait la part belle aux élites qui représentent le bien face aux forces obscures de la nuit, forcément néfastes et qui doivent être combattues par la religion. Si l’on ajoute à cela une localisation de l’action dans une Europe de l’Est de carnaval, Paul Naschy a pris toutes les précautions possibles pour ne pas subir les foudres de la censure franquiste.
Les vampires du docteur Dracula : le premier film d’une longue série délirante
Cela lui a d’ailleurs permis de rencontrer un joli succès un peu partout en Europe (et un score très correct en France avec 278 347 entrées, même si le film n’est resté qu’une seule semaine à l’affiche sur Paris) et de devenir une figure majeure du cinéma bis ibérique. Effectivement, l’impact du film a fait de Paul Naschy une star de l’horreur à petit budget, initiant même une saga longue de douze titres, mettant en vedette le personnage de Waldemar Daninsky. On notera d’ailleurs qu’aucune continuité n’existe entre les différents longs-métrages de la saga. Le spectateur peut donc les découvrir dans le désordre le plus absolu.
Critique de Virgile Dumez