Les damnés du cœur : la critique du film (1930)

Drame | 2h07min
Note de la rédaction :
7/10
7
Les damnés du coeur, affiche du film de Cecil B. DeMille

Note des spectateurs :

Malgré un sujet casse-gueule et une volonté manifeste de prosélytisme chrétien, Les damnés du cœur est assurément un bien bel objet cinématographique, porté par une réalisation brillante et inspirée.

Synopsis : Une jeune fille étant morte suite à l’affrontement entre deux groupes d’étudiants, l’un athée et l’autre fanatique religieux, leurs deux meneurs sont envoyés en maison de correction.

Le dernier film muet de Cecil B. DeMille

Critique : Lorsque Cecil B. DeMille entame la production de ce qui restera comme son ultime film muet, il est déjà un cinéaste en vue qui a à son actif des superproductions comme Les Dix Commandements (1923) ou encore Le batelier de la Volga (1926). Il dispose donc d’un budget conséquent pour l’époque afin d’évoquer un problème sociétal de premier plan, à savoir les conditions de détention inhumaines de certains adolescents dans des maisons de correction des Etats-Unis. Toutefois, si l’aspect social intéresse le cinéaste, il en profite surtout pour dénoncer l’emprise de plus en plus importante de certaines sociétés athéistes au sein des écoles du pays. N’oublions pas que le réalisateur s’est toujours déclaré un fervent chrétien et que cette particularité se ressent dans l’ensemble de sa filmographie.

cecil B. demille, coffret DVD

© 2015 Bach Films. Tous droits réservés.

Une croisade contre l’athéisme ?

Au début du long-métrage, on craint d’ailleurs le pire puisque le cinéaste semble dénoncer l’emprise des athées de manière caricaturale, décrivant ce groupe comme des gens dépourvus de morale et souhaitant la disparition pure et simple du christianisme.

Pour un peu, on se croirait revenu au temps de Naissance d’une nation (1915), le brûlot raciste de David Wark Griffith. Toutefois, passé un premier quart d’heure outrageusement partisan, un drame vient remettre à plat la situation puisque les deux groupes (athées et chrétiens) se retrouvent responsables de la mort d’une jeune fille par accident.

Dès lors, le sujet du film évolue vers une chronique plus sociale et progressiste, cherchant à dénoncer notamment les mauvais traitements subis par les jeunes délinquants au sein d’établissements pénitentiaires aux pratiques odieuses. A partir de là, le cinéaste construit sa réflexion de manière plus pertinente, démontrant notamment que rien de bon ne peut ressortir de cet enfermement contraint. Reprenant à son compte tous les passages obligés de ce que l’on peut appeler un film de prison, il déploie un réel savoir-faire pour livrer une vision humaniste finalement poignante, par-delà son insistance sur la religiosité de certains protagonistes.

Une dénonciation puissante des maisons de correction

Long de plus de deux heures, le film n’en demeure pas moins passionnant de bout en bout grâce à une alternance judicieuse de passages comiques, dramatiques ou fondés sur le suspense. Brillamment construit sur un scénario classique, mais efficace, Les damnés du cœur est également sublimé par le talent d’un réalisateur déjà en pleine possession de ses moyens. Cela commence fort avec l’accident de la jeune fille que la caméra accompagne de manière audacieuse dans sa chute mortelle. Effet garanti. Cela se confirme lors des brillantes séquences de rébellion dans les dortoirs ou encore lors de l’incendie final où les acteurs ont d’ailleurs payé de leur personne, jetés en pâture aux flammes avec un minimum de sécurité (comme souvent à l’époque). Le résultat est assurément impressionnant et le sentiment d’urgence et de danger ressort particulièrement bien.

Dans le rôle de l’athée qui finira par trouver la foi, Lina Basquette est absolument formidable, d’autant qu’elle était elle-même très anticléricale. Elle est vaillamment secondée par Tom Keene dont ce fut le premier emploi à l’écran dans un long-métrage. Mais il faudrait également citer l’ensemble d’un casting parvenant à caractériser les personnages en quelques scènes seulement.

Un cuisant échec au box-office américain

Malgré l’incroyable efficacité du film, celui-ci fut un cuisant échec commercial aux Etats-Unis, obligeant notamment Cecil B. DeMille à passer un contrat de trois films avec la MGM afin d’éponger ses dettes. L’explication généralement avancée par les historiens du cinéma pour expliquer un tel désaveu vient de la concurrence du cinéma parlant qui venait tout juste d’apparaître, ringardisant immédiatement le muet et ses tics. Alors qu’il n’était apparemment pas disposé à passer au parlant, DeMille fut ainsi contraint d’évoluer et Les damnés du cœur fut officiellement son tout dernier muet. Si l’on excepte son prosélytisme chrétien un brin irritant et caricatural, il s’agit assurément d’une œuvre de grande qualité.

Acheter le film sur le site de l’éditeur

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 14 mars 1930

Les damnés du coeur, affiche du film de Cecil B. DeMille

© 1928 C.B. DeMille Productions / illustration : Rohman. Tous droits réservés.

x