Le batelier de la Volga : la critique du film (1926)

Drame, Romance, Muet | 2h
Note de la rédaction :
8/10
8
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Note des spectateurs :

Cette première adaptation filmée du roman de Konrad Bercovici est une belle réussite à mettre sur le compte de Cecil B. DeMille. Il parvient ainsi à évoquer la révolution russe de 1917 sans prendre parti. Une sacrée gageure remportée haut la main.

Synopsis : Les amours d’un batelier et d’une princesse, au moment de la Révolution russe.

Une grande fresque sur la révolution russe

Critique : Déjà à la tête de sa propre compagnie de production au milieu des années 20, Cecil B. DeMille est en quête d’un bon sujet lorsqu’il tombe sur le roman de Konrad Bercovici (1882-1961) intitulé Les bateliers de la Volga. Il y trouve matière à réaliser une grande fresque sur la révolution russe où il pourrait mettre en exergue une bouleversante histoire d’amour entre un simple batelier et une princesse issue de l’aristocratie tsariste.

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DeMille refuse de prendre parti

Que Cecil B. DeMille, connu pour son anticommunisme farouche, se penche sur le berceau de la révolution bolchevique pouvait légitimement faire peur. Le cinéaste s’en tire toutefois avec les honneurs en ne prenant absolument pas parti, renvoyant même dos à dos les deux camps (rouges et blancs). Ainsi, il n’hésite pas à justifier les actes des paysans qui se révoltent face aux injustices flagrantes du régime autocratique.

Par la suite, il décrit tout de même les hordes de communistes comme des bêtes sauvages assoiffées de sang et ivres de vengeance. Mais comme il n’a guère de sollicitude envers les aristocrates oisifs et méprisants qui forment l’armée blanche, cela permet de renvoyer chacun à ses défauts.

Au milieu de ces foules déchaînées, le couple apparaît comme ballotté par les événements, pris en étau au cœur d’une Histoire qui leur échappe. Cette philosophie générale opposant les aspirations d’un individu au destin collectif est à la fois purement américain par son ancrage individualiste, mais aussi profondément humain. Cela évite de tomber dans une quelconque propagande qui vieillirait l’oeuvre instantanément, n’en faisant plus qu’une curiosité pour historiens du cinéma.

L’intelligence de DeMille est donc d’avoir privilégié le cinéma dans ce qu’il peut avoir de plus pur au discours politique forcément daté. Alors bien entendu, sa vision de la révolution russe reste entachée de simplisme, notamment dans le déroulé des événements. Souvenons-nous toutefois que le film a été tourné moins de dix ans après les faits, ceux-ci étant encore mal connus.

Ensuite, la vision de la Russie relève parfois du cliché, mais finit par paraître crédible. Une sacrée  performance quand on sait que le film a été intégralement tourné aux Etats-Unis. Cette gageure est notamment relevée grâce à la pertinence des costumes signés Adrian (1903-1959), l’un des plus grands couturier de l’âge d’or hollywoodien. Enfin, la plupart des décors de Mitchell Leisen (futur réalisateur) en imposent par leur degré de détail et leur taille impressionnante pour l’époque.

De nombreuses séquences mémorables

Toujours doué pour mettre en mouvement des foules, Cecil B. DeMille signe un nombre considérable de plans mémorables. On peut également signaler la présence d’une scène très osée où l’héroïne est contrainte d’effectuer un strip-tease devant une compagnie de soudards. Jamais montré, l’effeuillage est uniquement suggéré par les différents vêtements ôtés, accentuant encore la tension sexuelle inhérente à ce type de séquence. Souvent moralisateur, le cinéaste DeMille aimait pourtant plus que tout le stupre. Il était d’ailleurs très doué pour créer une ambiance érotique, ceci en ne montrant quasiment rien de l’être désiré.

Malgré l’extrême qualité du long-métrage, celui-ci n’a guère connu le succès, du moins aux Etats-Unis. Il y fut plutôt mal reçu, notamment à cause de son absence de condamnation du communisme. Echec critique et surtout public, Le batelier de la Volga est aujourd’hui une œuvre passionnante à redécouvrir de toute urgence pour les amateurs de films muets. Il s’agit d’un film remarquable à plus d’un titre, et qui permet de nuancer l’image que l’on se fait de Cecil B. DeMille.

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Critique de Virgile Dumez

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Copyright 1926 DeMille Pictures Productions.

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