En 2013, Les Croods était un nouveau must dans une animation de comédie que l’on n’avait pas vue aussi dynamique depuis longtemps.
Synopsis : Les Croods est l’histoire de la première famille moderne du monde. Elle se déroule à une époque jusqu’à présent inconnue, l’ère Croodéolithique – lorsque Mère Nature en était aux premières étapes de ses expériences, dont le résultat était une flore et une faune incroyablement bizarres. C’est dans ce monde à la fois comique et dangereux que la famille Crood doit s’aventurer pour trouver une nouvelle maison, leur cave ayant été détruite. Comme si la loi du plus fort n’était pas un problème suffisant, le père, Grug, tombe rapidement sur quelqu’un de beaucoup plus fort que lui – un jeune nomade plein d’imagination, Guy, qui en pince pour Eep, la fille de Grug. Les Croods sont contraints d’évoluer, de conquérir leur peur du monde extérieur et de découvrir que la seule chose vraiment nécessaire pour survivre, c’est de pouvoir compter les uns sur les autres.
L’ère du Croodéolithique a sonné
Critique : On commençait à s’ennuyer fort du côté de l’animation yankee au début des années 2010 : les gamineries du Monde de Ralph, les crises d’adolescente de Rebelle, les sequels inutiles de Dreamworks (Kung-fu panda 2, Madagascar 3)… A l’exception de L’étrange pouvoir de Norman, rien ne nous excitait plus vraiment dans le blockbuster animé familial, le pire étant L’âge de glace complètement plombé par la niaiserie et la répétition narrative…
On a pris alors peur devant les premières affiches et bandes-annonces des Croods, une famille préhistorique qui fuyait le grand chaos, comme Sid, Manny et leurs potes détalaient face à la fonte des glaces dans le deuxième opus de la franchise. Les premiers instants de promotion semblaient recycler en version humaine les mauvaises formules de L’âge de glace, sans Scrat pour relever un peu la sauce. D’ailleurs, dans le troisième volet, les animaux de L’âge de glace se retrouvaient dans une jungle exotique, comme les Croods, une fois leur caverne quittée…
La comparaison entre L’âge de glace et Les Croods, qui marque l’âge de pierre, s’arrête là ! Force est d’admettre que le Dreamworks du printemps 2013 était à mille ères des productions précitées, tant il nous renvoyait au meilleur de l’animation américaine, celle de Toys Story 3 ou Rango, pour mentionner deux coups de cœur dans le genre de l’époque.
Toutefois, la réussite des Croods ne relève en rien des qualités de Rango, mètre étalon dans la prise de risque adulte du cartoon décalé : le film de Gore Verbinski était entièrement conçu comme une œuvre destinée aux adultes avant d’être retravaillée pour séduire aussi la marmaille. La famille Cro-Magnon des Croods était avant tout bel et bien un pur délire pour mômes, dont chaque membre avait été judicieusement pensé pour susciter le rire des gamins devant leurs aventures pittoresques et tonitruantes.
Les Croods, rire familial garanti
Un bonheur réservé aux bambins ? Que nenni ! Le résultat est tellement burlesque et si bien animé (le film a coûté 135M$, le second épisode, huit ans plus tard en coûtera la moitié!) qu’on se surprend à marcher à fond, et ce jusqu’au bout !
L’ouverture relève de l’anthologie, avec une mise en bouche comique de haut vol : on nous présente les caractéristiques d’une famille soudée, plus animale qu’humaine, qui a survécu aux dangers d’un environnement hostile en se repliant sur elle-même, au fond d’une caverne. Le mythe de Platon revisité par Dreamworks est forcément loufoque.
La vie est un long fleuve vraiment pas tranquille
La peur, notamment du noir, est le leitmotiv familial, pleinement assumé, alors qu’il faut bien parfois sortir de son trou pour manger… La partie de chasse en famille pour récupérer l’œuf d’un oiseau loufoque est un grand moment de cinéma. Dans une fluidité absolue où les personnages et les décors échappent toujours plus à l’animation pour approcher l’esthétique du réel, chacun se livre à un stratagème délirant pour un résultat culinaire bien maigre.
Entre le bébé à quatre pattes qui relève plus du chien de chasse, la grand-mère à queue de lézard, totalement increvable au grand désespoir de son beau-fils qui n’a rien contre un entremets cannibale, ou l’adolescente robuste qui, avec sa carrure carrée, rappelle énormément son patriarche baraqué jusque dans ses mauvaises manières… tout ce microcosme nous apparaît aux antipodes de la civilité, celle-là même surgissant soudainement sous les traits d’un adolescent plus évolué et qui va, pour son plus grand malheur, croiser la route d’une smala encombrante !
La peur du noir et des lumières
La vie est un long fleuve tranquille version animée ? Effectivement, c’est plus ou moins cela. Une famille qui n’est jamais sortie de son trou, décérébrée, qui réagit à l’instinct et non à l’épiphanie, brute et craignos, éduquée dans les ténèbres de l’ignorance crasse et n’ayant toujours pas connu son âge du feu, élément que manie très bien le jeune adolescent… Le feu intrigue les Croods et donnera naissance à une avalanche de situations épiques… est-ce une créature vivante ? Question récurrente alors qu’ils se brûlent à ses étincelles.
Les Croods 2 la critique
La Terre ne tourne plus très rond et la caverne fœtale des Croods est détruite par le grand néant. Voilà les gaillards contraints de suivre l’intello qui a depuis longtemps compris que l’homme se devait de marcher avec des chaussures et utiliser… un parapluie!
Les situations sont cocasses et le niveau des gags est aussi élevé qualitativement que quantitativement. Les rencontres avec le bestiaire imaginaire d’une époque fantasmée de toutes pièces ponctuent le film de créatures irrésistibles, tordantes ou mignonnes, qui, dans tous les cas, ne nous laissent jamais indifférents.
Si l’on reste moins client du discours sur la crise d’adolescence contre le père trop protecteur (ressassé déjà dans L’âge de glace 4 ou chez Pixar dans Rebelle), celui-ci n’est jamais dans la lourdeur et ne gâche en rien ce qui reste un pur bijou d’animation où la 3D est utilisée à bon escient, à grand renfort d’effets tape-à-l’œil qui participent au bon esprit de l’ensemble.
Bref, avec Les Croods, Dreamworks frappait fort et pouvait espérer enfin lancer une nouvelle franchise, alors que le box-office fut très positif, aux USA (180M$), en France (près de 2 500 000 d’entrées) et dans le monde. Après les flops de Megamind et des Cinq légendes, c’était du pain béni pour le studio qui avait pu compter sur Chris Sanders (la dernière réussite du département animation du studio, Dragons, était déjà de lui !) pour légitimer encore l’existence de cette structure à la dérive depuis bien trop longtemps maintenant et qui allait encore se fourvoyer (Turbo, à la Toussaint de cette année-là, M. Peabody et Sherman, En route!…).
Finalement, il faudra huit ans pour que Dreamworks, un moment donné en difficulté financière et revendu, accouche d’un nouvel épisode familial des Croods quand, entre-temps, Dragons allait connaître deux chapitres de plus, Les Trolls, nanar effarant, et Kung Fu Panda, son chapitre final de trilogie.
En 2021, désormais sous la coupe de Comcast (dont Universal est une division) depuis cinq ans, Dreamworks semble parti pour devenir une machine à sequels. Outre Les Croods 2, on recense Baby Boss 2 (cinq années après l’accouchement initial) et le reboot féminin de Spirit, l’étalon des plaines (dix-neuf ans après le premier galop). Dreamworks est dans une nouvelle ère. Celle du dytique des Croods restera de loin la plus satisfaisante.