Polar efficace, mais un brin superficiel, Les complices de la dernière chance mérite d’être vu pour la prestation de George C. Scott et une certaine noirceur du propos. Sans être pour autant un incontournable.
Synopsis : Un ancien bandit vivant reclus dans un village de pêcheurs au Portugal accepte un dernier contrat, qui consiste à conduire un prisonnier évadé jusqu’en France.
Un tournage sous haute tension
Critique : Scénariste britannique spécialisé dans les œuvres télévisuelles, Alan Sharp propose au début des années 70 un scénario aux grands studios américains qui deviendra Les complices de la dernière chance. La MGM se porte acquéreur et propose d’abord le projet à John Boorman, avant d’approcher plus sérieusement le réalisateur John Huston. Celui-ci se déclare intéressé, d’autant que le long-métrage lui permet de retrouver l’acteur George C. Scott qu’il avait déjà dirigé dans Le dernier de la liste en 1963. Entre-temps, l’acteur est devenu une star grâce à son rôle dans Patton (Schaffner, 1970) et son fort caractère s’est affirmé.
Alors que le tournage débute avec Huston à la barre et l’actrice Tina Aumont, des tensions très vives apparaissent avec George C. Scott qui veut faire remplacer la jeune femme. Ne parvenant pas à régler le différend, le studio remplace Tina Aumont par Trish Van Devere et John Huston quitte le navire, remplacé au pied levé par Richard Fleischer. Ce dernier est alors en mauvaise posture à Hollywood puisqu’il vient d’essuyer plusieurs gros échecs financiers (L’extravagant Docteur Doolittle, Che et Tora ! Tora ! Tora !). Il est donc temps pour lui de montrer patte blanche en prouvant qu’il est un exécutant de confiance.
De belles idées, mais qui ne sont pas suffisamment approfondies
Le script n’est d’ailleurs pas dépourvu d’intérêt puisqu’il tente de ressusciter l’atmosphère des films noirs des années 40, tout en offrant au spectateur un certain dépaysement par la localisation des événements au Portugal. De même, le personnage principal incarné avec autorité par George C. Scott est loin d’être inintéressant. L’homme est arrivé au bout de son existence, alors que sa femme l’a quitté juste après le décès prématuré de leur enfant. N’ayant plus rien à perdre, le truand qui est surtout un transporteur, s’engage alors sur un dernier coup qui soit lui apportera la rédemption, soit le mènera à la mort. Il lui donne surtout l’occasion de vivre à nouveau de manière intense alors qu’il n’est plus que l’ombre de lui-même.
Cette noirceur du personnage n’est malheureusement pas suffisamment approfondie et on a le sentiment permanent que le scénario n’a pas été assez fouillé. A partir du moment où le film devient un road movie suivant la cavale folle du trio principal, les personnages sont comme abandonnés à eux-mêmes, dans une sorte de fuite en avant qui s’appuie sur l’action et non la psychologie. C’est d’autant plus dommage que tous les éléments étaient réunis pour faire de ce long-métrage un poignant récit. Les images superbes de Sven Nykvist et le joli thème musical de Jerry Goldsmith participent au plaisir indéniable éprouvé durant la projection. Pourtant, quelque chose ne fonctionne pas totalement et le spectateur regarde l’ensemble sans déplaisir, mais également sans passion.
Un résultat inégal qui fut un échec cinglant au box-office
En réalité, le film pourrait apparaître comme le brouillon annonçant la pleine réussite des Flics ne dorment pas la nuit (Fleischer, 1972), tourné l’année suivante encore avec George C. Scott. Dans celui-ci, l’extrême noirceur du propos pourra enfin s’exprimer pleinement. On peut accuser ici le scénario d’Alan Sharp qui semble avoir été remanié, mais aussi le peu de charisme de Tony Musante qui n’arrive pas à nous intéresser à son personnage, contrairement à Trish Van Devere qui est une vraie surprise. Le duo qu’elle forme avec George C. Scott est tout à fait satisfaisant et il n’est pas étonnant d’apprendre que les deux acteurs sont tombés amoureux l’un de l’autre durant le tournage. Ils se marièrent ensuite et vécurent ensemble jusqu’au décès de George C. Scott, preuve d’un réel attachement réciproque.
Polar sympathique à suivre, Les complices de la dernière chance n’est donc pas un incontournable dans la riche carrière de Richard Fleischer, mais au vu de sa gestation compliquée, il n’est pas non plus l’accident de parcours prévu. Sorti dans l’indifférence générale en plein mois de juin 1972 en France, le long-métrage fait partie des plus gros échecs du cinéaste sur notre territoire en ne cumulant que 96 490 entrées sur l’ensemble de l’Hexagone. Autant dire que personne n’a vu ce film en France et qu’il est aujourd’hui totalement oublié. Il ne mérite ni des louanges excessives, ni l’opprobre et peut donc être visionné par les cinéphiles complétistes.
Critique de Virgile Dumez