L’équipage : la critique du film et le test blu-ray (1935)

Mélodrame, Film de guerre | 1h44min
Note de la rédaction :
8/10
8
affiche originale film L'équipage d'après Joseph Kessel

Note des spectateurs :

Grand mélodrame de guerre, L’équipage s’appuie sur une écriture subtile et une réalisation discrète mais efficace parvenant à bouleverser le spectateur. Reste un jeu d’acteurs un peu daté qui obtiendra l’indulgence des cinéphiles amoureux des années 30.

Synopsis : Sur le point de rejoindre le front en 1918, l’aspirant Herbillon rencontre une jeune femme dont il devient l’amant. Au camp des aviateurs, il se lie d’amitié avec le Lieutenant Maury qu’il ignore être le mari de sa maîtresse…

Critique : En 1927, le triomphe obtenu par Les Ailes de William Wellman a enclenché une mode du film d’aviation qui s’est propagée dans le monde entier, y compris en France où Maurice Tourneur adapte le roman de Joseph Kessel intitulé L’équipage (1928). Cette adaptation muette a rapidement fait l’objet d’une nouvelle version, sonore cette fois, avec la complicité bienveillante de Joseph Kessel qui a travaillé au scénario avec son ami Anatole Litvak. Ce dernier, russe d’origine, est un célèbre polyglotte qui a déjà tourné quelques films en Allemagne et vient de signer un premier film français intitulé Cette vieille canaille (1933) avec Harry Baur.

© 1935 Pathé Consortium Cinéma / Illustrateur : Jean-Adrien Mercier. Tous droits réservés.

Des séquences aériennes impressionnantes pour l’époque

Si la réalisation de Litvak est quelque peu datée, elle recèle de belles trouvailles de mise en scène qui ont pour office de servir au mieux l’histoire, et non de se faire démonstrative. Il suffit parfois d’un léger panoramique sur une pièce où les personnages sont occupés pour que naisse une ambiance, une émotion subtile qui, à terme, se révèle bouleversante. Dès les premières séquences, le réalisateur parvient à créer une unité au sein de cette escadrille plongée au cœur des combats sanglants de la Première Guerre mondiale. Avec subtilité, le cinéaste signifie l’horreur des combats sans les montrer. Il préfère effectivement se concentrer sur quelques batailles aériennes qui sont assez impressionnantes pour l’époque. Bien entendu, l’usage de transparences vient ruiner la crédibilité des évolutions des personnages au sein de leur appareil, mais les plans larges sont réellement effectués par des têtes brûlées de la cabriole, sans trucage, ni filet de sécurité.

Le mensonge comme ciment social

Toutefois, ce ne sont plus les combats aériens qui retiennent l’attention de nos jours, mais bien plutôt la puissance évocatrice du mélodrame qui se tisse entre les personnages. Pris entre leur amour fou, leurs liens d’amitié, ainsi que leur fidélité envers la patrie, les protagonistes doivent opérer des choix qui leur crèvent le cœur, mais qui sont nécessaires à leur dignité personnelle. Dessinée avec délicatesse, la psychologie des personnages est respectée de bout en bout. Les auteurs semblent d’ailleurs chanter les vertus du mensonge comme ciment social. L’intégralité de l’intrigue repose effectivement sur cette idée qu’il ne faut jamais dire la vérité pour pouvoir continuer à vivre et à aimer son prochain. Idée plutôt audacieuse pour l’époque, d’autant que l’ensemble de l’histoire est fondée sur un adultère.

Un jeu d’acteurs daté, mais qui possède un charme fou

Dans un contre-emploi total de femme infidèle, mais passionnément amoureuse, Annabella conserve sa diction si personnelle, très théâtrale, qui rend son jeu assez daté. Pour autant, cela fait aussi partie du charme des œuvres de l’époque. Le jeune premier Jean-Pierre Aumont est aussi parfaitement à son aise, même si son jeu est également typique de l’époque. Finalement, celui qui propose une composition beaucoup plus intériorisée – et partant plus moderne et conforme à notre goût actuel – est sans conteste le formidable Charles Vanel en cocu magnifique. Son personnage, apparemment en retrait, est sans aucun doute le plus beau de ce long-métrage où brille également Jean Murat (par ailleurs époux d’Annabella à la ville).

Finalement bouleversant – pour qui supporte le genre du mélodrame – L’équipage s’impose comme une œuvre d’une belle sensibilité, sans pour autant tomber dans la sensiblerie, aidée en cela par la musique inventive du grand Arthur Honegger. Le cinéaste confirma d’ailleurs l’année suivante en signant un autre classique intitulé Mayerling (1936) avec Charles Boyer et Danielle Darrieux. Le succès international obtenu par ce long-métrage permit alors à Anatole Litvak de s’exiler à Hollywood.

Le test du blu-ray :

© 2019 Pathé. Tous droits réservés.

Compléments & packaging : 4/5

Nous ne pouvons pas juger l’emballage car nous n’avons reçu qu’une galette sans jaquette. Toutefois, le disque recèle un bonus absolument remarquable d’une durée conséquente de 50min où s’entrecroisent trois entretiens avec Nedjma Moussaoui qui nous parle en détail de la carrière d’Anatole Litvak, Philippe Roger qui évoque Annabella et enfin Eric Antoine Lebon qui analyse en profondeur le film. Chaque intervenant apporte une connaissance pointue qui éclaire différemment le long-métrage. Au petit jeu des préférences, nous saluerons la contribution très éclairante de M. Lebon dont les analyses sont d’une belle pertinence. Son apport s’avère essentiel pour juger le film à sa juste valeur.

Les autres bonus sont constitués par des archives Pathé qui ne sont pas liées directement au film lui-même. Ils sont historiquement intéressants, mais sans plus. Cela n’est pas grave puisque le documentaire principal est largement suffisant pour combler les cinéphiles les plus pointus.

L’image : 3/5

Le film a bien fait l’objet d’une restauration en 4K, mais on peine à imaginer l’état déplorable dans lequel devait être le master d’origine. Ici, la copie a bien été nettoyée des scories comme les brûlures, déchirures et autres points blancs. Par contre, l’ensemble nous est présenté avec un grain très prononcé qui ne s’efface même pas lors des plans plus lumineux. La « neige » est donc permanente et l’on est donc à des années-lumière de la beauté de certaines restaurations récentes, ce qui est sans aucun doute lié à l’âge respectable du métrage.

Le son : 3/5

Un gros travail de restauration a été effectué sur la piste sonore d’origine présentée ici en mono DTS HD Master-Audio. Cela passe par une clarification des dialogues qui sont encore nasillards – une constante des films de l’époque – et par une musique parfois un peu brouillonne. Un certain souffle demeure, même si l’ensemble a été atténué.

Critique du film et test blu-ray : Virgile Dumez

© 1935 Pathé Consortium Cinéma / Illustrateur : Jean-Adrien Mercier. Tous droits réservés.

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