Avec sa sortie repoussée d’un an et demi et un refus du studio de dévoiler le film à la presse, contrairement à l’euphorisant Vice-versa, Le Voyage d’Arlo pouvait inquiéter…
Synopsis : Et si l’astéroïde responsable du cataclysme qui a radicalement bouleversé la vie sur Terre n’avait jamais heurté notre planète ? Si du coup les dinosaures n’avaient pas disparu ? Avec Le voyage d’Arlo, le studio d’animation Pixar nous entraîne dans une formidable épopée à travers le monde des dinosaures. Livré à lui-même, Arlo, un Apatosaure, va se faire un ami tout à fait improbable : un humain. Durant leur périple, en parcourant des terres aussi hostiles que mystérieuses, Arlo va apprendre à affronter ses peurs et découvrir ce dont il est réellement capable…
Critique : Annoncé depuis des années, repoussé d’une date estivale en 2014 en cette saison de fêtes 2015, Arlo est la victime collatérale de différends artistiques qui ont précipité la sortie du réalisateur Bob Peterson, remplacé par Peter Sohn, arrivé bien plus tard aux commandes officielles de ce Pixar mal-aimé. Le studio ne l’a ainsi que peu ou pas partagé avec la presse, aux USA comme en France, changeant de tactique après l’incroyable euphorie autour de la sortie du formidable Vice-versa qui, de surcroît, connaissait l’exposition cannoise en complément. Le voyage d’Arlo arrive donc par la petite porte, dans la méfiance des uns, l’incompréhension des autres… Tous les Pixar à ce jour avaient connu des approches marketing plus démonstratives.
Sur un scénario original, alors que le studio présentera bientôt des Cars 3, Le monde de Nemo 2, et autre Toy Story 4, cette épopée préhistorique faisait envie. Énormément. Son pitch malin, consistant à dévier la fameuse comète qui aurait précipité la fin des dinosaures et l’âge glaciaire, pour permettre aux majestueux reptiles de poursuivre leur domination du monde et rabaisser l’homme à une petite espèce dépourvue de langage audible, était une relecture de l’histoire de la Terre qui pouvait laissait présager un nouveau discours savoureux et unique de la part du studio.
Il n’en sera jamais ainsi. Mou, ennuyeux, en quête d’un récit palpitant, Le voyage d’Arlo cherche une autre voie, celle d’un concept auteurisant, où l’animation servirait à brosser le peinture d’une Amérique profonde à la Malick, misant davantage sur la majesté de paysages reconstitués époustouflants, que sur l’animation pertinente des personnages qui restent grossièrement définis, et parfois naïvement intégrés dans un cadre redneck à la musicalité country. Les images évoquent le luminisme, courant réunissant ces grands maîtres de la peinture de paysage américains qu’étaient Frederic Edwin Church, Kensett ou Thomas Cole. Au cœur de ce temple naturel, ouvert sur la grandeur et l’esprit de découverte, les créatures du jurassique et les humains ont du mal à trouver leur légitimité d’être et donc cohabiter dans cette grande galaxie panthéiste.
L’initiation à la vie d’Arlo, petit dinosaure peureux, séparé de sa famille, peu après la mort de son père agriculteur, passe par la cohabitation avec une créature bestiale et un peu crasseuse, qui grogne et se faufile avec dextérité sur ses quatre pattes, un petit homme… Le récit peu ambitieux s’inscrit dans la grande tradition narrative des productions Disney, entre Bambi ou le Roi Lion, avec une complicité naissante entre les deux personnages que tout oppose mais qui vont fondre l’un pour l’autre, jusqu’à un final remettant chacun à sa place, confondant de prévisibilité.
Le voyage d’Arlo ©2015 Disney•Pixar. All Rights Reserved.
Une narration calme souffle paisiblement sur ce voyage au grand air qui place la démesure visuelle, l’humour et même les dialogues en retrait, une audace qui avait fait le charme de la première partie de WALL-E, mais n’est ici que langueur.
A défaut d’être un grand Pixar ou même un grand ratage, Le voyage d’Arlo est surtout une odyssée en mode mineur, dont l’approche peu conventionnelle se contente d’accoucher de bonnes intentions qu’on a toutefois du mal à blâmer. Au moins a-t-il le mérite d’être différent.
Le voyage d’Arlo dans l’ombre des attentats du Bataclan
Douloureux souvenir pour les Français, Le voyage d’Arlo est d’abord sorti en exclusivité au Grand Rex dans la foulée des attentats du 13 novembre 2021, qui avaient traumatisé les Parisiens. L’avant-première devait commencer le 14 novembre, mais démarra avec quelques jours de retard, en raison du sinistre contexte.
Avec 2 750 616 spectateurs, Le voyage d’Arlo est le Pixar qui a le moins fonctionné durant la décennie 2010. Seuls En avant (953 123 entrées, juste avant la fermeture historique des salles en raison du premier confinement), Cars Quatre roues ( 2 084 883) et Monstres Academy (2 138 388 spectateurs) ont engrangé moins d’entrées sur les 22 premiers films Pixar à être sortis en salle entre 1995 et 2020.
Un accident industriel à l’échelle mondiale
Aux USA où la moyenne des productions Pixar est de 264 000 000$ entre 1995 et 2020, le dinosaure est penaud, en avant-dernière place, devant Onward (En avant) qui, là encore, a été victime de la pandémie historique avec fermeture des écrans américains et seulement 61M$.
A l’échelle internationale, même les productions sorties avant l’émergence des marchés comme la Russie, le Brésil ou la Chine, ont fait mieux. Là encore, Le voyage d’Arlo se positionne avant-dernier avec un total catastrophique de 333 317 030$, pour une moyenne de 587 000 000 pour les productions Pixar dont quatre ont dépassé le milliard de recettes dans le monde.
Pour Disney, l’accident est industriel. Le film, hors frais promotionnels, a coûté 200 millions de dollars. La malédiction reptilienne se poursuivait pour le studio. En 2000, Dinosaure d’Eric Leighton et Ralph Zondag avait à peine glané 350M$ dans le monde malgré son budget monstre et ses effets spéciaux révolutionnaires.