Dynamique et terriblement séduisant, Le silence est d’or est une comédie touchée par la grâce d’une écriture savoureuse, d’une réalisation inspirée et d’acteurs au diapason. Un amour de film.
Synopsis : Émile Clément, un séduisant cinéaste quinquagénaire s’éprend d’une jeune et prometteuse actrice, Madeleine. Cependant Franck, son fils adoptif, plus sentimental et moins expérimenté, à qui il a tout appris en matière de séduction, tombe également amoureux de la jeune femme…
Critique : Après un long exil à Hollywood au cours de la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste René Clair compte revenir sur le devant de la scène dans son pays d’origine. Il cherche donc un projet fédérateur qui pourrait lui permettre de renouer avec le succès. Il écrit donc un scénario dont la trame s’inspire très librement de L’école des femmes de Molière. Toutefois, il en situe l’action durant la Belle Epoque, histoire de rendre hommage au passage aux pionniers du cinématographe.
Toujours sous contrat avec la RKO, René Clair propose donc de monter une coproduction avec la firme Pathé, afin de bénéficier d’un confortable budget. Il peut ainsi reconstituer le Paris du début du 20ème siècle avec un luxe de décors et de costumes qui donne toute sa crédibilité à l’intrigue. Pour être sûr de plaire au public international, il offre le rôle principal à un Maurice Chevalier qui – la publicité l’affirme – ne chante pas dans le long-métrage.
Effectivement, le chanteur était sans doute l’un des Français les plus connus dans le monde grâce à sa voix agréable et son sourire charmeur. Ici, il prend un léger risque puisqu’il incarne pour la première fois de sa longue carrière un personnage de son âge, sorte de séducteur sur le retour qui doit céder sa place à la jeune génération représentée par François Périer. Si cette proposition pouvait étonner le grand public d’alors, elle a le grand mérite de crédibiliser l’intrigue.
Sorte de triangle amoureux, Le silence est d’or est une œuvre absolument charmante qui semble tout d’abord se conformer au moule de la comédie romantique de l’époque, avant de bouleverser certains clichés. Ainsi, la jeune oie blanche incarnée par la fraîche Marcelle Derrien n’est finalement pas si innocente qu’elle veut bien le dire. Elle est ainsi parfaitement consciente d’être assaillie par les boniments de ces messieurs, mais n’en est pas dupe pour autant. Mieux, elle finit par obtenir ce qu’elle souhaite et se trouve être maîtresse de son destin. Alors que le ton général du film peut sembler patriarcal, il n’en est finalement rien.
Si l’intrigue sentimentale fonctionne encore parfaitement malgré son classicisme, c’est aussi parce qu’elle se double d’un hommage vibrant et sincère au cinéma des origines. On adore notamment toutes les scènes qui décrivent les tournages de l’époque du muet. Non seulement René Clair se souvient de sa propre expérience dans le domaine, mais il redonne vie aux studios artisanaux comme ceux de Méliès avec un regard à la fois chaleureux, passionné et vaguement nostalgique.
Doté d’une réalisation inspirée, faite de nombreux mouvements d’appareil, pour la plupart gracieux, Le silence est d’or est donc un amour de film, comme touché par la grâce. Il s’agit d’un véritable manifeste de la part de son auteur qui y clame son amour des femmes, mais aussi son goût pour la comédie et les spectacles légers qui apportent bonheur et gaieté aux spectateurs.
Le pari fut entièrement gagné puisque le film a dépassé les 4 millions d’entrées sur le territoire national, arrivant à se hisser à la 11ème marche du podium d’une année cinématographique exceptionnelle. Cela a permis non seulement de relancer le cinéma français d’après-guerre, mais aussi les carrières de René Clair et de Maurice Chevalier, tout en confirmant le talent des jeunes François Périer et Dany Robin.
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L’éditeur nous offre un entretien avec deux spécialistes de René Clair (35min) où ils reviennent abondamment sur le contexte de création du film, ainsi que sur celui de l’après-guerre. Ils en profitent aussi pour analyser les thèmes développés dans le film et les mettent en regard avec le reste de la filmographie de l’auteur. L’ensemble est absolument passionnant à suivre.
Outre, ce document récent, l’éditeur nous propose de suivre un court portrait de René Clair (13min) datant des années 50. Et enfin, on célèbre le retour en France de Maurice Chevalier dans un très court document d’archives (1min).
Le silence est d’or bénéficie ici d’une restauration absolument magnifique, avec un travail impeccable sur les contrastes. Le noir et blanc est tout bonnement merveilleux, tandis que le degré de détail de l’image nous permet de profiter pleinement des décors grandioses de Léon Barsacq. La restauration 4K effectuée en 2018 est donc de toute beauté.
La restauration est également probante car le nettoyage des pistes offre un rendu très clair et propre. Pas de souffle à déplorer et des voix bien mises en avant, sans que cela nuise à la retranscription de la musique de Georges van Parys.
Critique et test blu-ray : Virgile Dumez