Le renard et l’enfant, second film de Luc Jacquet, réalisateur de La marche de l’empereur, est un conte champêtre délicieux traité avec une sensibilité esthétique originale qui confine au sublime. Si l’international n’a pas craqué, les Français ont été sous le charme.
Synopsis : Un matin d’automne, au détour d’un chemin, une petite fille aperçoit un renard.
Fascinée au point d’oublier toute peur, elle ose s’approcher. Pour un instant, les barrières qui séparent l’enfant et l’animal s’effacent. C’est le début de la plus étonnante et de la plus fabuleuse des amitiés. Grâce au renard, la petite fille va découvrir une nature secrète et sauvage. Commence alors une aventure qui changera sa vie, sa vision et la nôtre…
Rouquin, rouquine
Critique : Il n’est pas évident d’amorcer un deuxième long après le triomphe sans précédent d’un film comme La marche de l’empereur. Des nominations aux Oscars et César, des dizaines de millions de dollars de bénéfices pour une histoire de manchots… Un succès aussi inattendu, cela peut aussi bien tuer une carrière que la catapulter au sommet en permettant à son auteur extravagances et folie des grandeurs.
Luc Jacquet, visiblement homme d’inspiration au regard mélancolique quant aux dernières splendeurs naturelles, a préféré l’option de la singularité à gros budget, prenant le risque de nous confier ses fantasmes de gamin à travers le récit touchant d’une amitié entre une enfant toute rouquine et un goupil tout roux. Une drôle d’idée presque aussi invraisemblable que le budget énorme que lui ont confié ses producteurs pour relater ce conte sans dialogues (ou presque – l’enfant parle peu et Isabelle Carré intervient de temps à autre en qualité de narratrice) qui se veut exclusif dans l’intérêt qu’il porte à ses deux protagonistes.
Notre interview de Luc Jacquet
Vagabondages champêtres, errances bucoliques… Le renard et son amie vagabondent, traversent les beautés surannées d’une campagne d’antan, celle de nos grands-parents. Une campagne sensorielle où le cinéaste nous guide avec un plaisir de môme. Il la caresse, la sonde. Il immerge sa caméra dans ses courbes, ses retranchements les plus secrets. Ses yeux s’infiltrent dans les creux d’une grotte, le vide des falaises, par-dessus les vallées, aux fins fonds des terriers. Les sensations de régénérescence et d’ivresse sont palpables dès les premiers instants. Par sa caméra amourachée, il exacerbe nos sens, nous rendant sensibles aux saisons et éléments qui frappent en toute légitimité sans que l’on ne se préoccupe d’un quelconque dérèglement climatique.
Le renard et l’enfant transcende les beautés naturelles
La nature trône en reine dans cet espace de conte aux saveurs du terroir. L’homme n’y est que périphérique (un feu de bois laissé par des bûcherons, les cris distants des parents de la jeune fille) et ce n’est pas cette dernière qui nous renvoie à cette humanité. Au milieu des ours, des loups, des renards et autres cerfs, l’enfant a retrouvé sa place dans une terre nourricière, un Eden resplendissant où tout n’est que jeu et oisiveté. Du moins dans un premier temps. La dernière partie durant laquelle la jeune rouquine réalise l’incongruité de son amitié avec le goupil met en scène la peur (l’incroyable séquence de la caverne, l’effroyable séquence de nuit en forêt), le suspense (l’introduction du feu laisse présager des catastrophes) et laisse planer un goût de mort.
Les photos de Luc Jacquet sur Instagram
Luc Jacquet offre cette histoire avant tout aux plus jeunes enfants, dévoilant sans didactisme l’incroyable richesse sensorielle, ludique et contemplative de cet espace délaissé depuis trop longtemps par des générations de mômes qui ont cessé d’y croire. L’héroïne (à la bouille adorable) se laisse absorber pendant plus d’un an par ce macrocosme de fantasmes cent pour cent naturel loin des artifices contemporains (les jeux vidéo et la télévision n’ont pas sa place dans son imagination). Le message est clair : il faut savoir sortir et observer les merveilles offertes par notre monde. On y est sensible, même si la beauté excessive de la nature, sublimée par des plans assez artificiels, et la musique, omniprésente tendent parfois à rendre le spectacle par trop enfantin.
Critique : Frédéric Mignard