A mi-chemin entre polar et film d’auteur, Le môme ne parvient pas à choisir et perd sur tous les tableaux. Un Corneau mineur.
Synopsis : La rencontre d’un flic marginal et d’une métisse sans racines entrainés par une enquête dans un monde dangereux qu’ils ne soupçonnaient pas.
Alain Corneau revient au polar noir, mais sans réelle conviction
Critique : Alors qu’il sort tout juste du tournage monumental et éreintant de Fort Saganne (1984), Alain Corneau éprouve le besoin de se ressourcer en revenant au cinéma noir qui a fait sa renommée. Effectivement, malgré un nombre d’entrées conséquent, sa superproduction s’est révélée être une déception au box-office au vu de son budget astronomique. Quoi de mieux que se replonger dans un univers sombre dont il maîtrise la grammaire sur le bout des doigts ?
© 1986 Orly Films – Sara Films / Illustrateur : © Guy Peellaert. Conception jaquette : Proserpine. Tous droits réservés.
Toutefois, en écrivant Le môme, Alain Corneau semble déjà en quête d’un autre type de cinéma, sans arriver vraiment à en définir les contours. Il se réfugie donc dans la facilité d’une intrigue policière qui ne tient pas vraiment la route, assaisonne le tout par des dialogues très écrits de Christian Clavier et tente de s’aventurer par moments dans le cinéma d’auteur qu’il cherche à embrasser.
Un auteur en quête d’un autre cinéma
Le problème majeur du Môme vient de cette hésitation d’un auteur qui se cherche une nouvelle voie artistique. De plus en plus attiré par les marginaux et leurs errances nocturnes, Corneau devra subir l’échec commercial de ce nouveau long-métrage pour enfin balayer ses appréhensions et se lancer dans un cinéma plus intimiste et intériorisé avec le magnifique Nocturne indien (1989). On en sent vaguement les prémices dans Le môme, mais à un état embryonnaire. Corneau ne se résout pas ici à abandonner une trame policière qui n’est qu’un prétexte pour suivre l’errance de deux êtres à la dérive.
Une avalanche de clichés pour un duo d’acteurs faiblard
Malheureusement, si l’intrigue policière ne tient pas vraiment la route, le cheminement des deux personnages principaux non plus. Il faut tout d’abord signaler que cette histoire d’amour entre une prostituée et un flic tient du cliché pur et dur. Pire, les dialogues soulignent par leur pauvreté cette tendance à enfoncer des portes ouvertes.
Enfin, le long-métrage ne se remet pas d’une grave erreur de casting. Effectivement, le couple formé par Richard Anconina et Ambre ne fonctionne tout simplement pas à l’écran. La jeune comédienne au jeu fragile n’est absolument pas attachante, tandis qu’Anconina a du mal à incarner un flic crédible, à cause de son éternel air de chien battu. Il a beau être un excellent comédien, Alain Corneau n’est pas parvenu à faire exister son personnage au-delà d’un archétype mal digéré.
Quelques bonnes scènes dans un ensemble bancal et ennuyeux
Reste à sauver de l’ensemble une réelle appétence du cinéaste pour filmer le Paris nocturne et sa proche banlieue. On peut également trouver assez réussie la course-poursuite finale en voiture. Enfin, incongruité parmi d’autres, le règlement de compte final à coup de lance-roquette étonne au cœur de la production française traditionnelle – mais peut également faire sourire par son outrance.
Coup d’épée dans l’eau, Le môme n’a pas réussi à capitaliser sur la (trop) récente notoriété de Richard Anconina pour s’imposer au box-office national. Pourtant, lors de sa première semaine sur Paris, le film décroche bien la première place avec 77 768 entrées, mais il s’écroule dès la semaine suivante, à la fois par la faute d’un mauvais bouche-à-oreille et par la sortie de Jean de Florette (Berri, 1986) qui le foudroie. Le long-métrage de Corneau perd environ 50 % de ses entrées d’une semaine à l’autre et finit donc à 140 000 spectateurs parisiens et seulement 665 730 entrées dans l’Hexagone.
Critique du film : Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 20 août 1986
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