Le Bandit (1956)

western | 1h22min
Note de la rédaction :
7/10
7
Affiche du Bandit, western de 1956

  • Réalisateur : Edgar G. Ulmer
  • Acteurs : Arthur Kennedy, Betta St. John, Eugene Iglesias
  • Date de sortie: 09 Mar 1956
  • Nationalité : Américain
  • Titre original : The Naked Dawn
  • Distributeur : Universal S.A.
  • Éditeur vidéo : Sidonis Calysta
  • Date de sortie vidéo : 23 mai 2019
  • Box-office France / Paris-périphérie : 532 936 entrées / 149 801 entrées
Note des spectateurs :

Réputé dans un petit cercle cinéphile, Le Bandit possède, malgré ses moyens très limités, un charme indéniable, fondé sur un scénario étrange et le charisme de deux acteurs dans le rôle de leur vie.

 Synopsis :  Santiago, l’auteur d’un hold-up pris dans l’engrenage de la violence, trouve refuge dans une ferme isolée du Haut-Mexique. Le couple de fermiers est attiré par cet intrus : l’homme par cupidité, la femme par désir…

 

Edgar George Ulmer, cinéaste maudit

 Critique : On connaît finalement assez mal la carrière d’Edgar George Ulmer (1900-1972), présenté souvent comme un petit maître ayant transcendé le manque patent de moyens qui le brima dans toute sa période hollywoodienne. D’où une réputation de cinéaste maudit, empêché, et néanmoins glorifié pour de petites productions cultes, comme son fameux Détour (1945), petite perle noire chérie par de nombreux cinéphiles dont nous sommes.

Plus encore, ce Bandit n’a cessé de fasciner, de Jacques Lourcelles à Bertrand Tavernier, un club plutôt fermé d’amoureux transis, qui glosent sur la beauté réelle de Betta St John et l’érotisme de la scène de la douche, ou le sens de cette parabole lyrique. On aborde donc avec précaution un film ayant suscité de tant de passion.

 

La bizarrerie d’une œuvre qui a fasciné les plus grands

Mais ce qui frappe d’abord, c’est les limites d’une œuvre aussi modeste : les toiles peintes, le jeu caricatural d’Eugene Iglesias, aussi mal à l’aise dans la pleurnicherie que dans la contrition, la bagarre mal fagotée… On ne peut s’empêcher de regretter ces défauts, mais on sait que les thuriféraires parleront plutôt de naïveté touchante.

De même les dialogues fleuris sont-ils vus comme une transgression des stéréotypes. On est prêt à se demander d’où vient cet aveuglement, quand, malgré des réticences, le film happe et séduit. Rien à faire : son charme ineffable est bien réel et ne cesse d’étendre son empire jusqu’à la fin, à la fois banale et étrange. Banale parce qu’il est normal (ou moral) que le méchant, fût-il le héros, soit puni ; étrange, parce que Manuel, personnage finalement peu sympathique et assez méprisable, s’en sort avec honneurs et musique triomphante.

Faire voler en éclats l’innocence de ses personnages

 Ce n’est pas la seule bizarrerie d’une œuvre qui commence par un braquage inhabituel (un vol de montres), la mort d’un des deux voleurs au terme d’un curieux monologue qui reviendra en écho à la fin.

Reste donc, seul vivant, Santiago, figure complexe, à la fois père, tentateur, ermite, hors-la-loi  insouciant ou désabusé. Il tombe par hasard sur Maria, magnifiquement aperçue à la rivière, en une séquence d’une belle simplicité, puis sur son mari, Manuel. A priori, il entre dans ce milieu simple pour l’utiliser ou le corrompre. L’argent pour lui, le rêve d’une vie meilleure pour elle, vont agir pour les faire dévier d’une existence humble et de prime abord idyllique. Une sorte d’Adam et Eve dans un Éden misérable.

Mais Santiago n’est pas qu’un serpent entré par effraction. Il va surtout révéler la part sombre du couple, entre violence, cupidité et ennui. Et voici que ces deux innocents étalent leurs insatisfactions, brisent leur apparence morale et inspirés par la foi. Ulmer a le talent de montrer par des séquences fulgurantes ces moments où s’incarnent les fissures de personnages d’abord perçus comme lisses. Bertrand Tavernier a ainsi raison de souligner la beauté du passage dans lequel Maria casse de la vaisselle « pour qu’il se passe quelque chose », passage frappant et très original. Mais Santiago lui aussi évolue, se méprend sur les intentions de Manuel, hésite entre égoïsme et altruisme et finit par se racheter.

Une œuvre unique, loin des canons du western ou du film noir

 On en oublie le vol et ses conséquences, qui n’apparaît finalement que comme un prétexte pour explorer des caractères qui ne se résument pas à un trait grossier. Curieusement, dans ce film très court, Ulmer prend le temps de longues discussions révélatrices, plutôt que de se concentrer sur des scènes d’action ; c’est qu’il a créé une œuvre unique, loin des canons du western ou du film noir. Le bandit échappe ainsi aux classifications, s’éloigne des clichés, et fait figure d’ovni, en marge aussi bien des éclats hollywoodiens que des séries B nerveuses. C’est autre chose, ce qui lui permet d’accéder sans mal au rang de film culte que cette édition soignée devrait confirmer.

Affiche du Bandit, western de 1956

Copyrights : Universal

 

Le test DVD

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Le Bandit d'Edgar Ulmer en vidéo (2019) Suppléments : 3,5 / 5

Bertrand Tavernier (38mn) raconte sa fascination, après Truffaut, pour ce « film différent », « plus germanique que l’ensemble des westerns », cette « fable morale », dont « toutes les scènes sont vitales ». Il en souligne la singularité (les lieux clos, le ton lyrique), avant de raconter en détails l’énigme du scénariste et d’énumérer les thèmes. On aura donc une idée assez nette et complète du film après cet entretien. Patrick Brion est beaucoup plus bref (8mn) mais précise la dimension « métaphysique » de ce western décidément original, sans éviter les redites. À ces monologues datant de 2013, et donc d’une édition précédente, s’ajoutent la bande-annonce et une galerie photos.

 Image : 2,5

Il y a relativement peu de parasites dans la copie proposée, mais l’image reste épaisse, les couleurs souvent délavées. L’âge du film n’explique pas tout, d’autres œuvres contemporaines font meilleure figure. Sans doute a-t-on le meilleur état possible, mais il n’a rien de flamboyant.

 Son : 3

Les conditions d’enregistrement se font sentir : musique quelque peu éraillée, dialogues étouffés … Mais vu la modestie de la production, on s’en contentera, appréciant au moins les voix et leurs inflexions respectées. Il y a bien un VF, mais, outre le fait qu’elle a également subi les outrages du temps, elle paraît singulièrement décalée.

Critique et test DVD : François Bonini

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