L’Audition : la critique du film (2019)

Drame | 1h39min
Note de la rédaction :
7/10
7
Affiche française de L'Audition de Ina Weisse

  • Réalisateur : Ina Weisse
  • Acteurs : Simon Abkarian, Nina Hoss, Jens Albinus, Serafin Gilles Mishiev, Ilja Monti
  • Date de sortie: 06 Nov 2019
  • Nationalité : Allemand, Français
  • Titre original : Das Vorspiel
  • Scénario : Daphne Charizani, Ina Weisse
  • Distributeur : Les Films du Losange
  • Éditeur vidéo :
  • Date de sortie vidéo :
  • Box-office France / Paris-Périphérie :
  • Classification : Tous publics
  • Festivals : Festival de Hambourg 2019, Festival de San Sebastián 2019
  • Récompenses : Festival de San Sebastián 2019 : prix de la meilleure actrice pour Nina Hoss
Note des spectateurs :

L’Audition, récit d’un challenge musical, est une analyse subtile des rapports de pouvoir et le beau portrait d’une femme merveilleusement interprétée par Nina Hoss. 

Synopsis : Anna Bronsky est professeure de violon au Conservatoire. Contre l’avis de ses collègues, elle impose l’admission d’un élève , en qui elle voit un grand talent. Avec beaucoup d’implication, elle prépare Alexander à l’examen de fin d’année et néglige de ce fait son jeune fils Jonas, lui aussi élève violoniste et passionné de hockey sur glace. Elle s’éloigne de plus en plus de son mari, si aimant à son égard, le luthier français Philippe Bronsky. A l’approche de l’audition, Anna pousse Alexander vers des performances de plus en plus exceptionnelles…

Les névroses d’une société obsédée par le perfectionnisme

Critique : L’Audition est le second long métrage de fiction d’Ina Weisse, après L’Architecte (2008), également coecrit avec Daphne Charizani. Sans être autobiographique, le scénario est inspiré de l’expérience personnelle des deux femmes, qui avait toutes les deux joué du violon et étaient membres d’un orchestre. Le travail quotidien de l’exercice musical avec ses exigences et sa pénibilité leur est donc familier. En outre, le caractère de film témoignage est renforcé par le choix du jeune Ilja Monti pour jouer le violoniste élève d’Anna, le jeune homme ayant été repéré dans un lycée musical par la réalisatrice qui l’a accompagné pendant les deux années qui ont précédé le tournage. Il ne faudrait pourtant pas réduire L’Audition à une docu-fiction ou un drame réaliste. Le film peut d’abord être lu comme une métaphore des névroses d’une société obsédée par le perfectionnisme et le culte de la performance, la technique et l’art musicaux amenant une autodestruction de l’individu, plus qu’une véritable émancipation.

On peut ici rapprocher l’attitude d’Anna de l’intransigeance d’Erika dans La Pianiste de Michael Haneke, d’après le roman d’Elfriede Jelinek, même si les auteures contournent les éléments de perversion qui semblent s’emparer de la professeure. L’œuvre est aussi une belle réflexion sur les enjeux du rapport pédagogique dans l’éducation musicale, faisant écho à Whiplash de Damien Chazelle. Elle met également en avant des conceptions divergentes sur l’art, comme avaient pu le faire Amadeus de Miloš Forman ou Tous les matins du monde d’Alain Corneau, deux œuvres qui exploraient en outre les relations de fascination et envie, à l’instar de L’Effrontée de Claude Miller ou La Tourneuse de pages de Denis Dercourt. On le voit bien : L’Audition permettra au cinéphile mélomane d’être bercé de souvenirs de septième art, ce qui n’occulte en rien les qualités inhérentes au métrage.

L’Audition confirme l’immense talent de l’actrice Nina Hoss

Ilja Monti et Serafin Gilles Mishiev dans L'Audition de Ina Weisse

Copyright Judith Kaufmann / Port au Prince Pictures

Le film est un beau portrait de femme. Frustrée sur le plan familial (son couple est en phase d’usure, son fils lui reproche sa sécheresse), déçue au niveau professionnel (elle se perçoit comme une musicienne ratée), Anna voit dans son travail avec Alexander l’ultime chance de donner un sens à son existence et de combler ses propres frustrations d’artiste, jouant à quitte ou double avec la conviction de celle qui n’a plus rien à perdre. Ina Weisse précise ainsi dans le dossier de presse : « Anna est convaincue que tout doit être subordonné à la musique, qu’il faut lutter sans cesse, que même si on se donne à fond rien n’est jamais assez bon ni assez achevé, et cela la soumet à une pression énorme. Cette pression augmente (…) quand elle pousse son élève à des performances exceptionnelles. Ce qui lui importe est ce garçon, mais en fin de compte c’est aussi elle-même ».

Le récit est limpide, bien construit, sans fioritures, et le montage efficace de Hansjörg Weissbrich parvient à saisir l’alternance de tensions, passant avec brio du stress des leçons de violon aux conflits conjugaux et filiaux, y compris dans les moments de détente des protagonistes (un repas au restaurant où choisir son siège est un dilemme, un dimanche à la campagne au cours duquel Anna entre en conflit avec son père). D’aucuns reprocheront au film son classicisme formel assumé, ou des passages plus faibles (l’aventure amoureuse avec un collègue, qui n’apporte pas grand-chose à la narration, sans être pour autant une digression marquante). Cela entrave peu le mérite du film, par ailleurs bien servi par ses interprètes. Simon Abkarian dans le rôle du mari est excellent comme à son habitude. Quant à Nina Hoss, elle confirme, après Barbara et Phoenix, qu’elle est la plus grande actrice allemande de sa génération. Son jeu à la fois sobre et expressif n’est pas pour rien dans la réussite de L’Audition.

Critique : Gérard Crespo

Les sorties de la semaine du 6 novembre 2019

Affiche française de L'Audition de Ina Weisse

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