L’as de pique : la critique du film (1965)

Comédie dramatique | 1h26min
Note de la rédaction :
8/10
8
L'as de pique, l'affiche 2019

  • Réalisateur : Miloš Forman
  • Acteurs : Jan Vostrčil, Ladislav Jakim, Pavla Martinkova, Vladimír Pucholt
  • Date de sortie: 01 Déc 1965
  • Nationalité : Tchécoslovaque
  • Titre original : Cerný Petr
  • Titres alternatifs : Pedro, el negro (Argentine et Espagne) / L'asso di picche (Italie) / O Ás de Espadas (Portugal) / Black Peter (Grande-Bretagne et Etats-Unis) / Der schwarze Peter (Allemagne)
  • Année de production : 1964
  • Scénariste(s) : Miloš Forman, Jaroslav Papoušek
  • Directeur de la photographie : Jan Němeček
  • Compositeur : Jiří Šlitr
  • Société(s) de production : Filmové studio Barrandov
  • Distributeur (1ère sortie) : Les Films de l’Atalante
  • Distributeur (reprise) : Carlotta Films
  • Date de reprise : 20 novembre 2019
  • Éditeur(s) vidéo : Fravidis (VHS) / Malavida Films (DVD, 2008)
  • Date de sortie vidéo : 15 décembre 2008 (DVD)
  • Box-office France : 93 437 entrées (1965) / 66 600 entrées
  • Box-office nord-américain -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.37 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : 1964 : Léopard d'or au Festival international de Locarno / 1964 : Prix Jussi du meilleur réalisateur étranger aux prix Jussi du cinéma finlandais
  • Illustrateur / Création graphique : Zig et Puce (affiche d'origine)
  • Crédits : © NÁRODNÍ FILMOVÝ ARCHIV.
Note des spectateurs :

Proche du cinéma-vérité et du documentaire, L’as de pique est un remarquable premier film de la part de Miloš Forman. Son regard affuté y est déjà d’une justesse absolue.

Synopsis : Petr est un jeune apprenti de seize ans qui vient de décrocher un petit boulot d’été. Au lieu de bronzer au bord de la piscine et de draguer les filles, il doit surveiller les clients d’une supérette afin d’empêcher d’éventuels vols. Sa filature catastrophique lors de son premier jour lui vaut un sermon par son père. Mais Petr n’y prête guère attention, tout occupé qu’il est à essayer de courtiser la jolie Asa…

Avec L’as de pique, la Nouvelle Vague déferle en Tchécoslovaquie

Critique : Vers 1962, un vent de liberté commence à souffler sur le cinéma tchécoslovaque avec l’arrivée de jeunes créateurs qui entendent s’insinuer dans le mouvement de la Nouvelle Vague européenne. Ainsi, malgré des contraintes politiques fortes liées à la domination du parti communiste, les jeunes auteurs sont encouragés à innover et à rendre compte de la réalité sociale du pays par des autorités qui acceptent encore des voix discordantes.

L'as de pique, affiche d'origine

© NÁRODNÍ FILMOVÝ ARCHIV. / Affiche : © Puce – Zig. Tous droits réservés.

Au sein de cette jeune génération, un trio commence à se distinguer. Il est formé par Miloš Forman, Ivan Passer et Jaroslav Papousek. Le premier a déjà tourné quelques documentaires dont L’audition (1964), le second est encore simple assistant réalisateur mais en passe de développer son propre univers cinématographique et le troisième est le scénariste du lot.

La volonté de coller au réel

Si Forman est la personnalité forte du trio, les deux autres ont une influence manifeste sur son travail et notamment sur la volonté d’apporter une structure narrative à sa vision documentaire.

Effectivement, comme le précise Miloš Forman dans son autobiographie Et on dit la vérité (Robert Laffont, 1994, page 173) :

A cette époque, déjà, je savais que, si je faisais un jour mes propres films, ils seraient le plus proches possible de la réalité. Je ferais en sorte que mes personnages ressemblent aux gens que je voyais autour de moi, qu’ils parlent et agissent comme eux.

Des instantanés de vie captés avec attention

Se dessine ici un véritable manifeste esthétique qui explique effectivement a posteriori l’ensemble de la filmographie du réalisateur, au moins dans sa partie tchèque. On relève déjà dans L’as de pique (1964), son tout premier long-métrage de fiction, cette attention maniaque aux détails de chaque jour. Le but n’est aucunement de raconter une histoire qui aurait un début, un milieu et une fin, mais bien de regarder des personnages vivre au cours d’un temps donné. Il s’agit de créer des tranches de vie qui seraient autant d’instantanés capables de faire sourdre la vie à chaque plan. Pour cela, Miloš Forman s’est entouré d’acteurs non professionnels et de jeunes gens dont ce fut parfois l’unique expérience devant une caméra.

Le point de départ est un court récit de Jaroslav Papousek comme l’indique Miloš Forman (même livre p 184) :

J’appelai Papousek pour lui proposer de travailler avec moi à l’adaptation de son récit. L’entente entre nous fut immédiate, et il nous fallut très peu de temps pour écrire le scénario. […] Une fois satisfaits de notre script, nous l’apportâmes à Sebor, qui entreprit les démarches auprès des studios Barrandov pour décrocher un petit budget.

Un sens de l’atmosphère remarquable

Tourné avec peu de moyens dans des conditions proches de celles d’un simple documentaire, L’as de pique n’en est pas moins soigné sur le plan formel. Le film bénéficie d’une superbe photographie en noir et blanc de Jan Nemecek et d’une volonté de Forman de multiplier les plans-séquences, sans que cela n’apparaisse jamais comme une démonstration de virtuosité. A chaque fois, le but du réalisateur est de capter l’atmosphère d’un lieu (la longue scène de bal par exemple) ou de laisser les acteurs vivre l’instant présent et improviser. Forman précise d’ailleurs qu’il ne donnait jamais les dialogues à l’avance à ses acteurs non professionnels pour préserver leur naturel et leur fraîcheur.

L'as de pique, photo d'exploitation 1

© NÁRODNÍ FILMOVÝ ARCHIV. TOUS DROITS RÉSERVÉS.

Cela se ressent dès les premiers instants d’une œuvre remarquable où le naturalisme ne cherche jamais à imposer une idée préconçue au spectateur. On ne tente pas ici de vanter les mérites du système communiste, ni même de le critiquer sévèrement. Certes, le rôle de surveillant délateur du jeune apprenti peut être vu comme une pique lancée à la face d’un système politique où la liberté est toujours sous surveillance, mais Miloš Forman ne se fait pas pour autant contestataire. Il préfère suivre le développement naturel de chacun de ses personnages.

Comment trouver le meilleur en chacun !

Au passage, il en profite pour signer une œuvre d’apprentissage poignante pour quiconque se souvient de son adolescence, et donc de ce moment de bascule entre une enfance confortable et l’incertitude de l’avenir. Pris entre plusieurs feux – ses parents qui veulent consolider son avenir, sa copine qu’il aimerait bien séduire et son patron – le jeune Petr est quelque peu paumé et n’arrive pas vraiment à se situer. Toutefois, Miloš Forman n’en fait pas un psychodrame et l’ensemble du long-métrage est marqué par une légèreté que l’on retrouvera intacte dans toute sa filmographie future. Marqué par un optimisme manifeste et une volonté de toujours trouver le meilleur en chacun de ses personnages, Forman signe dès son premier film une œuvre à la maturité étonnante, pleine de petites notations d’une justesse bouleversante.

Présenté au Festival de Locarno en 1964, L’as de pique a pris tout le monde par surprise en recevant le Léopard d’Or devant un parterre de pointures internationales. En France, le film a été présenté pour la première fois au public le 23 octobre 1964 lors d’une semaine consacrée au cinéma tchécoslovaque. Il faudra pourtant attendre le mois de décembre 1965 pour que le film soit enfin officiellement distribué dans les salles françaises avec un cumul de 93 437 entrées.

L’as de pique doit être revu dans sa superbe version restaurée

Depuis, le cinéaste a fait une grande carrière internationale et son premier long-métrage a été à nouveau repris dans les salles françaises, une première fois en 2009 et plus récemment en novembre 2019 dans une version restaurée tout à fait magnifique – et qui a servi de référence pour rédiger ce texte.

D’une simplicité absolue, ce tout premier long-métrage du cinéaste est assurément une belle entrée en matière pour aborder l’œuvre du réalisateur, mais aussi la Nouvelle Vague tchécoslovaque qui nous as donnés tant d’œuvres majeures.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 1er décembre 1965

Les sorties de la semaine du 20 novembre 2019

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L'as de pique, l'affiche 2019

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L'as de pique, l'affiche 2019

Bande-annonce de la reprise Forman de 2019

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