Ni brûlot politique engagé, ni film d’auteur puissant et encore moins bon thriller, L’ambassadeur est un échec artistique sur toute la ligne. Un accident industriel de plus pour la firme Cannon.
Synopsis : L’ambassadeur américain en Israël tente de résoudre la question palestinienne, mais est critiqué de toutes parts et subit un chantage lié à l’infidélité de sa femme.
La firme Cannon nourrit des ambitions de grandeur
Critique : En 1984, la firme Cannon menée par les Israéliens Menahem Golan et Yoram Globus cherche à se diversifier et obtenir une forme de reconnaissance artistique. Jusque-là spécialisée dans le film d’action de série B bourrin, la compagnie est alors synonyme à Hollywood de réussite commerciale, mais fondée sur des produits de médiocre qualité. Aussi, les deux complices cherchent à acquérir une certaine respectabilité en produisant désormais des œuvres plus ambitieuses. Parallèlement à leurs produits habituels mettant en scène des ninjas, Charles Bronson ou Chuck Norris (au choix), les Israéliens produisent par exemple Love Streams de John Cassavetes ou encore Maria’s Lovers d’Andreï Konchalovski.
Le cas de L’ambassadeur (1984) est un peu plus complexe puisque le long-métrage se retrouve à la croisée des chemins. Sa thématique fondée sur une œuvre culte d’Elmore Leonard (le roman 52 Pick-Up) et sa transposition au cœur du conflit israélo-palestinien en faisait un candidat sérieux pour créer un long-métrage au discours pertinent sur le plan politique. Réalisé par un artiste comme Costa-Gavras (qui s’est emparé du thème dans Hanna K en 1983 par exemple), L’ambassadeur aurait pu être un grand film politique, porté par la vision d’un auteur exigeant et concerné.
Le conflit israélo-palestinien pour les nuls
Malheureusement, la réalisation du film est tombée dans l’escarcelle de Jack Lee Thompson, cinéaste qui est un habitué de la Cannon pour avoir tourné plusieurs films avec Charles Bronson. Certes, Jack Lee Thompson est un artisan sérieux capable de tourner des œuvres carrées comme Les canons de Navarone (1961) ou encore Les nerfs à vif (1962). Toutefois, si son efficacité et son sens du spectacle ne font aucun doute, il n’a jamais fait preuve de subtilité.
Si L’ambassadeur est si embarrassant, c’est que le film ne parvient jamais à se situer entre œuvre à message et gros film d’action bourrin. Les premières séquences sont ainsi assez hallucinantes puisque le fameux ambassadeur se trouve pris au milieu d’une fusillade que l’on croirait directement issue de la saga des Ninjas. Les Palestiniens sont armés jusqu’aux dents et s’en prennent notamment à un hélicoptère, comme si l’on était dans un Rambo. Par la suite, les tractations entre différentes factions tentent de ramener le film dans une respectabilité plus importante, mais les dialogues sont tellement signifiants et pesants que tout sonne faux, au point de déclencher parfois l’hilarité.
Un film vraiment pas canon
De cette dichotomie trop importante entre le fond et la forme naît donc un étrange sentiment : celui d’assister à un naufrage artistique qui ne pourra plaire ni aux amateurs de films d’action (trop mou), ni aux amoureux de films d’auteur. L’équation est ici impossible à résoudre et le long-métrage se vautre dans presque tous les écueils. Au moins évite-t-il celui de prendre parti pour l’un ou l’autre camp, ce qui est plutôt une satisfaction.
Formellement pauvre, L’ambassadeur souffre également d’un casting vieillissant et déjà obsolète à l’époque. Robert Mitchum trimbale sa carcasse alcoolisée sans aucune conviction, Fabio Testi fait un membre de l’OLP peu crédible, lui qui porte haut le charme à l’italienne. Ellen Burstyn est sans doute celle qui s’en sort le mieux. Quant à Rock Hudson, il fait vraiment peine à voir, lui qui luttait déjà contre le virus du sida qui l’emporta un an plus tard. Visiblement fatigué, l’acteur n’est que l’ombre de lui-même dans cet ultime film d’une carrière pourtant impressionnante.
Mais qui se souvient encore de ce vilain petit canard boiteux ?
Venus présenter leur film au Marché du film de Cannes en 1984, Golan et Globus ne sont pas parvenus à le vendre en France où le vilain petit canard n’est sorti qu’en VHS. Quelques copies cinéma auraient traîné ici et là en province lors de séances spéciales, mais on peut considérer le film comme inédit et, au vu de sa piètre qualité, on comprend aisément pourquoi.
L’ambassadeur fut d’ailleurs une telle déception pour les producteurs qu’ils ont décidés d’en produire une nouvelle version, plus fidèle au roman d’origine. Le film en question s’intitule Paiement cash (Frankenheimer, 1986) et celui-ci a eu cette fois les honneurs d’une sortie salle en France.
Critique du film : Virgile Dumez