Planté au cœur de montagnes majestueuses, La tête froide de Stéphane Marchetti explore une histoire terriblement humaine qui analyse la frontière ténue entre survie personnelle et altruisme véritable.
Synopsis : Dans les Alpes enneigées, en plein hiver. Pour boucler ses fins de mois, Marie, 45 ans, trafique des cartouches de cigarettes entre la France et l’Italie avec l’aide de son amant Alex, policier aux frontières. Lorsqu’elle rencontre Souleymane, jeune réfugié, prêt à tout pour rejoindre sa petite sœur, elle s’embarque dans un engrenage bien plus dangereux qu’elle ne l’avait imaginé.
Une histoire contemporaine, un drame universel
Critique: Marie (Florence Loiret-Caille) vit dans la précarité et accumule les dettes. Elle vit dans une caravane, installée à l’année dans un camping mais est menacée d’expulsion par le propriétaire. Elle travaille le soir dans un bar et pour arrondir ses fins de mois, fait du trafic de cigarettes entre la France et l’Italie. Trafic facilité par la complaisance de son compagnon, Alex, (Jonathan Couzinié) un policier qui ne manque pas de la renseigner sur le rythme des rondes organisées entre les frontières des deux pays.
Un soir, elle croise la route de Souleymane (Saabo Balde), un migrant africain déterminé à rejoindre l’Angleterre où vit sa sœur. Touché par la détresse du jeune homme, elle le prend en charge et le conduit vers un centre d’accueil de migrants. Peu encline à toute forme de sentimentalisme, Marie ne prévoit pas de se préoccuper davantage du sort de son jeune protégé. Jusqu’à ce que poussée par un instinct de survie plus animal que réfléchi, elle comprend que les capacités de Souleymane à réunir des migrants désireux de passer la frontière additionnées à ses atouts personnels (elle possède une voiture et bénéficie d’une relative immunité grâce à Alex) peuvent déboucher sur une organisation rentable pour eux deux.
Le récit du sauvetage mutuel dans le cadre de l’aide aux migrants a déjà été abordé à travers le film Le prix du passage de Thierry Binisti en avril 2023. Si Binisti avait opté pour un récit romanesque, Stéphane Marchetti, dont c’est le premier long-métrage après trois court-métrages dont Calais, les enfants dans la jungle réalisé en 2017, propose une histoire bien ancrée dans la réalité. Au creux de ces montagnes gigantesques et oppressantes, baignées dans une immensité blanche dont l’uniformité à gommé tout repère, il fait le choix d’une mise en scène à la précision chirurgicale pour bâtir un thriller captivant. La caméra capte la lumière inquiétante de la nuit autant que la force des intempéries pour nous plonger au plus profond de l’engrenage dans lequel s’enfoncent les personnages, sans jamais porter sur eux un quelconque jugement moral.
La tête froide, un premier long porté par son duo d’acteurs
Ne s’attardant que peu sur la relation mère/fille qui aurait pourtant pu apporter un éclairage supplémentaire sur la complexité du personnage principal, La tête froide esquisse, avant tout, le portrait de deux anti-héros qui, au-delà des considérations morales que peut susciter leur petit commerce illicite, restent le symbole d’un monde qui a tôt fait de broyer ceux qui ne cherchent qu’à survivre, qu’ils soient d’ici ou qu’ils viennent d’ailleurs.
Entre rudesse et fragilité, Florence Loiret-Caille trouve ici un premier rôle à sa juste mesure. Son énergie mâtinée d’ingénuité habille d’une parfaite authenticité cette femme fissurée que n’existe qu’à travers le combat. Avec l’impressionnant Saabo Balde, déjà remarqué dans Twist à Bamako, la comédienne forme un duo tout à fait convaincant. En propageant une belle dose d’humanité, tous deux donnent à ce premier film et authentique thriller, une ambiance bien moins glaciale que son titre et son décor ne le laissent supposer.
Les sorties de la semaine du 17 janvier 2024
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Stéphane Marchetti, Florence Loiret-Caille, Saabo Balde, Jonathan Couzinié, Marie Narbonne, Aurélia Petit