Drame poignant virant à la tragédie, La Pampa est un premier film valeureux porté par une réalisation efficace et des acteurs formidables de naturel. A découvrir.
Synopsis : Willy et Jojo, deux ados inséparables, passent leur temps à chasser l’ennui dans un petit village au cœur de la France. Ils se sont fait une promesse : ils partiront bientôt pour la ville. Mais Jojo cache un secret. Et quand tout le village le découvre, les rêves et les familles des deux amis volent en éclat.
Des épisodes de séries télé au premier film de cinéma
Critique : Autodidacte venu de sa province angevine, Antoine Chevrollier vient de tourner son tout premier long métrage de cinéma, près de vingt ans après sa montée sur Paris. Pourtant, son parcours est marqué par une dizaine d’années au service des cinéastes en tant qu’assistant, puis par la formidable opportunité de devenir lui-même réalisateur de séries télévisées. Ainsi, on lui doit de nombreux épisodes de séries culte comme Le bureau des légendes ou encore Baron noir. Mieux, son nom est également attaché à la mini-série événement Oussekine (2022) qui lui a permis de faire la connaissance du jeune comédien Sayyid El Alami.
© 2024 Agat Films & Cie. Tous droits réservés.
Pour son tout premier film vraiment personnel, Antoine Chevrollier a fait le choix de revenir hanter la région de son enfance, allant même jusqu’à donner à son film le nom du terrain de motocross proche de chez lui, à savoir La Pampa (2024). Afin de s’approcher le plus possible des ambiances de son enfance, le cinéaste a donc tourné dans les rues où il a grandi et dans plusieurs lieux emblématiques du coin. Pour autant, cette dimension autobiographique ne doit pas faire oublier l’importance de la fiction dans cette œuvre coécrite avec Bérénice Bocquillon et Faïza Guène, afin d’offrir au film un scénario bien structuré et charpenté.
Des thématiques actuelles abordées avec talent
Fondé sur un secret qui n’est dévoilé qu’au bout d’une vingtaine de minutes, La Pampa ne nous facilite pas la tâche puisque le simple fait d’évoquer les thématiques développées par les auteurs révèle nécessairement une partie de l’intrigue. On se bornera donc à dire que La Pampa embrasse des thématiques très actuelles comme le rejet de l’autre et de la différence, mais aussi le harcèlement par le biais des réseaux sociaux et les ravages occasionnés dans des provinces où les rumeurs circulent bien plus vite que la vérité.
Outre cette dimension sociale, La Pampa cherche à embrasser un milieu particulièrement viriliste – celui du motocross – pour mieux le faire voler en éclat et en sonder la violence sourde charriée en son sein. Mais le plus intéressant vient de cette belle histoire d’amitié adolescente entre Jojo (très bon Amaury Foucher) et Willy (Sayyid El Alami qui confirme la puissance intérieure de son jeu). N’allant pas forcément là où on l’attend, le script développe aussi une étonnante histoire de substitution, plutôt troublante, dans la dernière partie du long métrage. Ainsi, le curieux manège qui se joue entre Sayyid El Alami et Damien Bonnard met parfois mal à l’aise, avant que la résolution ne vienne régler ce complexe psychanalytique.
Un drame à l’ambiance proche d’un thriller
Drame qui tourne à la tragédie dans son dernier tiers, La Pampa est également tourné comme un thriller, avec une volonté évidente d’Antoine Chevrollier de ne jamais lâcher le spectateur. Sans doute est-ce là une habitude née de ses années au service de séries aux intrigues tendues. Pour rendre la situation encore plus intenable, il a eu recours à la musique particulièrement stressante des frères Evgueni et Sacha Galperine qui prend de plus en plus d’ampleur à mesure que la tragédie se noue.
© 2024 Agat Films & Cie. Tous droits réservés.
Réalisé avec une redoutable efficacité, notamment lors des compétitions de motocross, La Pampa bénéficie aussi de belles images signées Benjamin Roux. Enfin, signalons la bonne tenue générale de l’interprétation, que ce soit celle de Florence Janas, excellente en mère quelque peu dépassée, ou encore celle d’Artus dans un contre-emploi qui ne fera certainement pas l’unanimité.
Présenté dans plusieurs grands festivals dont celui de Cannes en 2024 à la Semaine de la Critique, puis aux Premiers plans d’Angers en 2025 où il a décroché le Prix du public, ainsi que celui du meilleur acteur pour Sayyid El Alami, La Pampa est un premier long métrage fort intéressant. Non exempt de quelques défauts, le drame mérite bien les louanges lues dans la presse spécialisée. A découvrir en salles, donc.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 février 2025
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Biographies +
Antoine Chevrollier, Damien Bonnard, Florence Janas, Laëtitia Clément, Artus, Sayyid El Alami, Amaury Foucher, Mathieu Demy
Mots clés
Cinéma provincial français, Films sur le sport, Les drames de l’adolescence, LGBTQ+, Premier film
