La leçon d’allemand pose un regard métaphorique et intemporel sur les conséquences sociétales de l’obéissance servile à un pouvoir autoritaire.
Synopsis : Siggi Jepsen est enfermé dans une prison pour jeunes délinquants après avoir rendu copie blanche lors d’une épreuve de rédaction. Le sujet : « Les joies du devoir ». Dans l’isolement de sa cellule, il se remémore la période qui a fait basculer sa vie. En 1943, son père, officier de police, est contraint de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures liberticides à l’encontre de l’un de ses amis d’enfance, le peintre Max Nansen, privé d’exercer son métier. Siggi remet alors en cause l’autorité paternelle et se donne pour devoir de sauver Max et son œuvre.
Quand les devoirs priment sur les droits!
Critique : « Les devoirs valent sur les droits » assène sans état d’âme le président de la République lors de son allocution du 31 décembre dernier. Nul ne conteste que les citoyens soient soumis à des devoirs. Mais en réduisant le droit à une simple récompense accordée à ceux qui se soumettent au bon vouloir d’un pouvoir qui en dicte lui-même les limites à l’aune de son autoritarisme, il porte une sévère atteinte aux principes d’égalité de la République. Toute démocratie digne de ce nom se doit d’assurer un parfait équilibre entre obligation et liberté. Face à ceux qui en font fi, la désobéissance n’est-elle pas salutaire ? Tel est le cas de conscience qui s’offre à Siggi Jepsen, un jeune garçon qui ne vit pas dans l’Europe du XXIe siècle mais dans l’Allemagne du IIIe Reich.
Tobias Moretti et Levi Eisenblätter dans La leçon d’allemand – © Photo : Georges Pauly / © 2019 NETWORK MOVIE Film-Und Fernsehproduktion Jutta Lieck-Klenke, SENATOR FILM KÖLN, ZDF. Tous droits réservés
En adaptant le best-seller de Siegfried Lenz (1926-2014) traduit dans une vingtaine de langues, Christian Schwochow (l’un des réalisateurs allemands les plus prolifiques à qui l’on doit Je suis Karl, Paula ou De l’autre côté du mur, entre autres) nous convie à une immersion onirique au cœur de la Seconde Guerre mondiale, du nazisme et de l’immédiat après-guerre (les fait se déroulent de 1940 à 1954), où aucun signe de violence guerrière n’apparaît. Car l’ambition de Schwochow n’est pas de relater des faits historiques mais plutôt de dénoncer, sans parti-pris et de manière intemporelle, les dégâts d’une obéissance aveugle à un régime oppressif quel qu’il soit, à l’heure où les démocraties vacillent sous les coups de boutoir de courants autoritaires.
La leçon d’allemand réfléchit sur la notion d’obéissance aveugle
Profitant de son isolement dans la cellule d’un établissement pénitentiaire, Siggi revient sur les événements qui ont marqué son enfance et déterminé le sens de sa vie.
Dans cette région rurale du Nord de l’Allemagne vivent en bonne entente Jens Ole Jepsen et Max Ludwig Nansen. Ils se connaissent depuis l’enfance. L’un est policier, l’autre peintre. Leur amitié est consolidée par l’arrivée de Siggi, fils de Jens, un gamin éveillé qui voue respect au premier et admiration au second. Mais quand le régime nazi décide que la peinture est subversive et que les peintres doivent être pourchassés, aucun sentiment n’arrêtera plus Jens dans son obstination à remplir sa mission sans la moindre faille, au point de déstabiliser son fils qui ne peut se résoudre à devoir abandonner son ami le peintre.
Un sujet passionnant, parfois noyé dans la fantasmagorie
Par devoir pour la patrie, le représentant de l’état ira même jusqu’à dénoncer son autre fils déserteur et ce fanatisme à accomplir sans l’once d’une réflexion ce qu’il estime être son devoir le poursuivra au-delà de la guerre. Quand l’ordre et la discipline valent plus que les valeurs morales, que reste-t-il de l’humanité ? Où se place la responsabilité individuelle ?
Levi Eisenblätter dans La leçon d’allemand – © Photo : Georges Pauly / © 2019 NETWORK MOVIE Film-Und Fernsehproduktion Jutta Lieck-Klenke,
SENATOR FILM KÖLN, ZDF. Tous droits réservés
De vastes paysages de dunes, de tourbière et de mer offrent un écrin de plein air et de liberté à ces anti-héros (Si Jepsen s’emprisonne dans une radicalité féroce, on découvre que Nansen n’est pas parfait non plus) dont l’esprit s’égare peu dans le brouillard de théories perverses. Si les images de cieux tourmentés donnent naissance à des tableaux de toute beauté, la fantasmagorie excessive dans laquelle ils baignent affadit la pertinence de son sujet primitif pourtant passionnant. Fort heureusement, un casting de haut niveau, armé d’une force de conviction sans failles, démontre de manière saisissante comment l’excès d’absolutisme et la volonté d’exclusion anéantissent les individus et les relations. Un avertissement d’une actualité brûlante.
Critique de Claudine Levanneur
Box-office :
Echec au box-office français, en raison de la fragilité du marché art et essai post-Covid, La leçon d’allemand a fini sa carrière autour des 15 000 entrées France, après un démarrage à 7 358 spectateurs dans 40 cinémas. En deuxième semaine, le drame de guerre dégringolait à 2 307 curieux (39 salles), puis 1 310 retardataires (40 écrans). Aucun film Wild Bunch n’a à ce point réalisé aussi peu d’entrées depuis le documentaire de Delphine Gleize, Beau Joueur qui n’avait été diffusé que dans 2 cinémas. Une prière avant l’aube du même distributeur, en 2018, avait également déçu avec 18 000 entrées dans 44 salles en fin de carrière. Jadis distributeur qui comptait et qui alignait les films millionnaires (Largo Winch, Le petit Nicolas, Paranormal activity, Le discours d’un roi, La vie d’Adèle, 9 mois ferme, Sous les jupes des films), Wild Bunch ne semble plus capable de dépasser les 500 000 entrées depuis 2019 et à désespérément besoin d’un succès.
La leçon d’allemand est proposé en VOD en mars 2022, trois mois après sa sortie cinéma.
Les sorties de la semaine du 12 janvier 2022
Design : Monsieur X © Photo : Georges Pauly / © 2019 NETWORK MOVIE Film-Und Fernsehproduktion Jutta Lieck-Klenke, SENATOR FILM KÖLN, ZDF. Tous droits réservés