La chose (The Deadly Spawn) est un délirant moment de science-fiction amateur adulé par beaucoup pour son impressionnante créature tentaculaire et ses séquences éminemment gore. Tout un art à partir d’un budget dérisoire.
Synopsis : Une créature extra-terrestre, issue d’une météorite, trouve refuge dans la cave d’une maison isolée. Véritable reine mère, elle va lancer son effroyable progéniture à l’assaut de la demeure avant d’aller conquérir le monde…
La chose (The Deadly Spawn) est un sous Alien qui n’en est même pas un
Critique : John Carpenter ne fut pas le seul à réaliser un remake de La chose d’un autre monde dans les années 80. Le réalisateur (d’un film) Douglas McKeown et le producteur Ted A. Bohus ont eux aussi adapté, à leur façon, c’est-à-dire de manière très éloignée, le classique d’Howard Hawks, surfant ainsi sur la juteuse vague de la terreur extra-terrestre lancée par Alien, le huitième passager. A vrai dire, en y réfléchissant bien, ce micro budget du New Jersey n’a vraiment rien à voir avec le classique de Ridley Scott, mais pourtant son distributeur américain original, 21st Century Film Corporation (L’avion de l’apocalypse, Cauchemars à Daytona Beach, Manhattan Baby, L’éventreur de New York), le ressortira en salle en 1984 sous un autre titre, Return of the Alien’s Deadly Spawn. Ce titre d’exploitation pure devint carrément le sien pendant 20 longues années aux USA, jusqu’à sa sortie DVD, chez Synapse, qui restaurera les bonnes intentions originales de 1983.
The Deadly Spawn, The Millenium Edition (2012, Elite Entertainment) Design : Stephen BlickenStaff © Filmline Communication / Ted A. Bohus © Elite Entertainment
Excessivement courte (1h20), extrêmement mal réalisée avec sa photographie qui baigne bien trop souvent dans l’obscurité, La chose (The deadly spawn) relève du défi entre amateurs. Le producteur Ted A.Bohus voulait exploiter l’idée d’un alien carnassier qui tombe sur Terre, et a insisté pour que Douglas McKeown, dont c’était le premier film, dirige les acteurs, de par son C.V. d’art dramatique. Il refuse. Il veut diriger l’affaire, sinon cela ne sera rien. Face à une absence de scénario, McKeown, tristement décédé en 2022, improvise et doit faire avec 20 000/30 000$ de budget. Cette somme varie selon les sources, mais reste cantonnée à cette tranche des 20 000$ (inflation non comprise).
Dans cette aventure on retrouve le grand illustrateur Tim Hildebrandt (celui qui brossera la première affiche de Star Wars) qui, avec sa femme, après avoir été convaincu de se lancer dans l’affaire, à la suite d’une rencontre dans une convention, prêtera sa maison pour le tournage le week-end – et la nuit-, avec reproduction de pluie battante, en pleine sécheresse, et permettront à leur rejeton Charles George Hildebrandt de devenir le jeune acteur principal… Celui-ci d’ailleurs osera dire une vérité criante, il ne jouait pas, il restait l’ado de 13-14 ans qu’il était, jeune gamer, amateur de S.F. et d’horreur.
Une série B bricolée qui ne manque pas de charme dans ses excès
Forcément, le côté bricolé du film donne au premier abord un aspect ringard à l’ensemble. Après tout personne n’était payé ; tout le monde officiait pour l’art ! Amateur jusqu’au bout, le long-métrage est pourtant loin d’accoucher d’une mauvaise série B. The Deadly Spawn, qui a fédéré une importante fanbase avec le temps, possède un charme indéniable qui séduira sans grand mal les amoureux des monster movies des années 50, dont le cinéaste est beaucoup plus fan que des slashers de l’époque. Les amateurs y retrouveront ici tous les ingrédients de ce type de productions des fifties, plus le gore inhérent aux années 80 et la production l’est particulièrement. Le producteur voulait un classement R, mais le réalisateur lui offrit davantage par un recours accru à la violence qu’aux scènes déshabillés. Très humaniste, Douglas McKeown se définissait comme un féministe.
Les incroyables plans gore façon année 80 de La chose (The deadly spawn) sont un petit bonheur nourri de références et d’amour pour un genre qui n’est jamais trahi, même s’il n’est, par ailleurs, jamais transcendé.
© Exclusive Art by Rick Melton, pour Arrow Vidéo. All Rights Reserved.
Un fantasme de dentiste et de boucher inhérent aux années 80
Véritable star du film, la créature à la dentition spectaculaire, croisement entre la plante carnivore de La petite boutique des horreurs, le Parasite de Charles Band et un autre contemporain, The Being de Jackie Chong, est impressionnant de détails caoutchouteux. Une véritable ode au latex qui synthétise tout le génie des maquilleurs de l’époque, capables sans recourir au numérique, de concevoir des effets spéciaux organiques démentiels pour une poignée de pain. Les effets spéciaux de John Dods et Robert Bohus, ainsi que les maquillages d’Arnold Gargiulo qui finira par travailler sur Le jour des morts-vivants de Romero, Spookies et Frankenhooker, sont jubilatoires.
Visiblement fier de sa mascotte, Douglas McKeown ne cherche pas à la dissimuler pour nourrir le suspense. Il la laisse déambuler dans toutes les pièces de la maison. Les dents de la cave sortent de la nuit et ont une faim extra-terrestre de viandard. Le réalisateur la dévoile très vite, dans des gros plans assez réjouissants, lors de scènes de chasse et de repas anthropophages on ne peut plus saignants.
Jamais repue, la créature s’offre un bon nombre de victimes, ces dernières répondant ainsi à une logique du divertissement par le rythme dont on ne se plaindra pas, surtout vu l’inexistence du scénario. En résumé La chose (The deadly spawn) n’est peut-être pas une référence, ni un incontournable du genre, mais la série B s’avère être éminemment charismatique et efficace. Son plus récent avatar dans le cinéma horrifique contemporain est peut-être Horribilis qui sortit dans les salles quelques mois avant la première édition DVD du film en France, chez le Chat qui Fume, en 2006.
Edité seulement en vidéo en France
Si elle obtint un joli succès aux USA, grâce à un tirage d’environ 70 copies en circulation, La chose (The deadly spawn) ne connut néanmoins que les étalages des vidéoclubs sur le territoire français, les distributeurs de l’époque ayant sûrement été peu convaincus par l’aspect amateur et très Bricomarché de cette minuscule production de 25 000$. La copie vidéo qui a sévi dans les années 80 à partir de 1984 (ABC, MPM, puis une édition probablement sans droit chez Prism Vision) était tout bonnement exécrable, tant au niveau de l’image, très sombre, et du son, quasiment inaudible.
La sortie du DVD collector chez le Chat qui Fume fut donc en son temps l’occasion de redécouvrir dans des conditions enfin favorables ce moment fun et décomplexé de la S.F. des années 80. A ranger du côté de l’excellent X-Tro de Harry Bromley Davenport. Le producteur Ted A. Bohus envisagea une suite, mais celle-ci ne se fit pas. Malgré tout, sa production Metamorphosis : The Alien Factor (Métamorphose en VF), en 1990, fut exploitée sur certains marchés comme sa première suite. Pis, Regenerated Man que le producteur mit également en scène en 1994, fut exploité au Japon comme le troisième volet d’une franchise qui n’exista jamais.
Quant à savoir ce que le réalisateur Douglas McKeown devint, pour sa part, on peut vous dire qu’il ne réalisera jamais de second film de cinéma. Pourquoi? Il répondra volontiers qu’on ne le lui a tout simplement jamais demandé.
Paix à son âme. Son œuvre est un testament au cinéma horrifique indépendant des années 80.
© Filmline Communication / Ted A. Bohus
Test DVD
Test vidéo rédigé en juin 2006, à l’occasion de la sortie française du premier film de l’éditeur Le Chat qui fume. Depuis, le film est paru dans le monde dans de très nombreuses éditions blu-ray et Synapse en prépare une sortie Ultra HD 4K pour les USA.
Compléments & packaging : 3.5 / 5
Pour sa première galette, l’éditeur Le chat qui fume propose un impressionnant panorama de bonus. Rien d’étonnant quand on connaît la passion des gens de cette boîte pour le DVD ! Le producteur Ted A. Bohus se livre à un commentaire audio de vrai passionné, complètement humoristique, et nous invite également à visiter son bureau où il a rassemblé les nombreux objets collectors de son film (cinq minutes). Un making-of de neuf minutes revient sur les effets spéciaux qui sont décortiqués et commentés avec respect par le maquilleur Jacques-Olivier Molon et le journaliste Julien Dupuy du magazine Mad Movies. On passera vite sur les vidéos du casting des acteurs (pas moins de quinze minutes), vu le peu de bien que l’on pense de leur jeu. Un bonus illustratif sans grand intérêt. En revanche, la présentation du film au journal télévisé américain, avec son caméo de la créature sur le plateau, est un must. Evidemment, il s’agit d’une petite chaîne locale.
La comparaison entre la bande annonce d’origine et sa version restaurée nous permet de voir les miracles de la restauration. Le travail est impressionnant et on se dit que pour rien au monde on n’aimerait se retrouver dans les conditions de visionnage d’il y a vingt-cinq ans.
Enfin, des galeries de photos nous proposent différents visuels internationaux du film, ainsi que des clichés de sa créature, des maquillages et du tournage. Des bonus conséquents, tous sous-titrés en français, qui légitiment l’estampille collector de cette édition.
L’image : 3,5 / 5
Un impressionnant travail de restauration a été effectué. Ceux qui se souviennent de la copie VHS absolument effroyable se réjouiront de découvrir La chose (The deadly spawn) dans une copie moins sombre et plus contrastée, même si certaines scènes, notamment celles de la cave, souffrent encore d’un manque évident de luminosité.
Le son : 2 / 5
Au niveau du son, la VOST et la VF sont proposées en mono. Rien d’exceptionnel car les conditions d’enregistrement de l’époque, épouvantables d’amateurisme, rendent l’espoir d’un son plus audible inenvisageable. En résumé le DVD nous dévoile une copie de qualité plus qu’honnête qui transcende sans grand mal l’abominable VHS de l’époque.
Le site officiel du film
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© Filmline Communication / Ted A. Bohus