Œuvre grandiose injustement inédite en salle, Judo (Throw Down) est pourtant l’un des meilleurs films de Johnnie To. Enfin disponible en HD.
Synopsis : Fêtard et alcoolique notoire, gérant d’un club qui croule sous les dettes, Sze-To était dans une ancienne vie un grand champion de judo. Un soir débarque Tony, un jeune et enthousiaste judoka qui souhaite défier l’ex-prodige. Le lendemain, c’est au tour de Mona, une apprentie chanteuse bien décidée à se produire dans son club. Ces deux nouveaux venus vont apporter à Sze-To un regain d’énergie et d’espoir pour affronter Kong, l’adversaire qu’il aurait dû combattre deux ans auparavant, avant d’abandonner le judo…
Critique : Avec près de trente longs métrages tournés, les années 2000 comptent parmi les plus prospères pour Johnnie To qui était un cinéaste adoubé par les festivals de Cannes et Venise et voyait pléthore de ses films sortir dans nos salles chaque année.
Curieusement, Throw Down (Judo en français) ne fut pas distribué au moment d’une incontestable euphorie. On aurait pu le comprendre s’il avait s’agit d’une comédie populaire ou romantique typiquement locale, comme le cinéaste est très souvent capable d’en faire. Mais ses films plus sombres ont toujours été plus accessibles aux Occidentaux qui pouvaient y retrouver virtuosité, esthétique, action et sens du rythme d’un artisan épatant.
Judo, une œuvre maudite en France
Judo a donc connu une sortie en DVD chez Pathé, avant d’être réhabilité par Carlotta en blu-ray/DVD en 2021. L’éditeur, également distributeur de films du répertoire en salle, avait d’ailleurs prévu une sortie sur le grand écran pour la fin de l’année, mais la Covid-19 a eu raison de la reprise. En avant-première, du 8 au 10 mai 2020, la copie restaurée avait même été proposée en exclusivité sur la plateforme SVOD de l’éditeur. A l’occasion de la sortie salle, l’éditeur avait d’ailleurs proposé l’affiche que vous trouverez ci-dessous, qui sera reprise pour l’édition vidéo blu-ray.
Cherrie Ying – © Judo (Throw Down) © 2004 One Hundred Years Of Film Company Limited. Tous Droits Réservés.
Judo est une merveille d’ambiance. A mi-chemin entre l’esthétique sublime de Wong Kar-wai et la virtuosité dans ses plans d’un Tsui Hark, Throw Down déploie un récit plus humain et plus intime que certains des films d’action pure, alternant les genres : comédie, polar, buddy movie, hommage à la Nouvelle Vague française, film sportif de judo à la Kurosawa, œuvre nocturne d’une jeunesse euphorisante comme seule les années 90 et le début des années 2000 pouvaient encore en livrer…
Deux garçons, une fille, de multiples possibilités
Face à des archétypes (trois jeunes personnages, dont un judoka déchu qui s’associent pour retrouver un peu de dignité) le cinéaste ne se passionne pas pour ceux qu’il dépeint. Il les plonge dans un univers urbain mafieux, où il les promène à la croisée des genres, tout en évitant la romance et les chichis sentimentalistes.
Sze-To, l’ancienne gloire de judo, réduit à la figure pathétique d’escroc alcoolique, Tony, judoka casse-cou qui veut en découdre avec sa majesté déchue, et Mona, chanteuse de bazar désespérée à l’idée de trouver du travail, s’associent avec succès pour une forme de complicité inhérente aux productions des années 90 qui invite la nostalgie humide au regard. Ils participent dans leur jeu à une ambiance qui les dépasse, celle émergeant d’une mise en scène esthétique totale, d’une réalisation visionnaire, et d’un sens de la chorégraphie sportive qui force l’épate -elles sont signées Yuen Bun).
Inclassable, Judo (Throw Down) n’a finalement que peu à voir avec le premier film de Kurosawa sur le judo, La légende du grand judo (1943). Plus artistique que martial, le classique instantané de Johnnie To est entré dans sa propre légende.