Œuvre hermétique, Institut Benjamenta est un film à la saisissante beauté formelle. On regrette d’autant plus que ce formalisme ne débouche sur aucune thématique forte.
Synopsis : L’institut Benjamenta, délabré et moribond, est une école de formation pour majordomes auxquels est perpétuellement enseignée la même et unique leçon. Jakob, qui vient de s’inscrire, erre parmi les couloirs labyrinthiques de l’institut, essayant de percer les mystères de la vie des occupants hagards de cet étrange établissement.
Critique : Les frères Quay se sont fait un nom dans le domaine du court-métrage basé sur l’animation de marionnettes. Toutefois, ces œuvres avant-gardistes ne sont aucunement destinées au jeune public et constituent plutôt des expérimentations dignes de figurer dans des expositions d’art contemporain.
Avec Institut Benjamenta, ils se lancent en 1995 pour la première fois dans le domaine du long-métrage live et adaptent pour cela un roman de Robert Walser intitulé Jakob von Gunten. Cet écrivain suisse de langue allemande décrit dans son roman datant de 1909 les différentes étapes qui permettent à un homme de devenir un domestique. Le lecteur suivra donc la dissolution progressive d’un être humain dans sa fonction et non l’affirmation de sa personnalité, comme dans la plupart des romans traditionnels.
Toutefois, les amateurs du bouquin seront pour le moins étonnés de ne pas retrouver grand-chose de l’œuvre originale dans un film qui se veut avant toute chose une expérimentation visuelle et auditive. Loin de proposer une structure narrative claire, les frères Quay préfèrent laisser errer leurs personnages au fil de séquences plus ou moins oniriques.
Dans ce délire visuel qui s’appuie sur un splendide noir et blanc de Nicholas Knowland, les acteurs ne sont plus que des modèles qui n’expriment rien. On pense au cinéma formaliste de Peter Greenaway, Guy Maddin ou Derek Jarman, tandis que le cadre de l’institut elle-même nous fait songer à La clepsydre de Wojciech Has.
Malheureusement, les frères Quay se noient bien souvent dans leur esthétisme de pacotille et oublient de proposer autre chose qu’un bel objet en papier glacé. Oubliant de raconter une histoire ou même d’approfondir une thématique pourtant intéressante (une sorte de traité sur la servitude volontaire), les frangins livrent une œuvre à la beauté transcendantale inversement proportionnelle à la profondeur du propos. Devant tant de préciosité, il n’est pas interdit de s’ennuyer ferme, entre deux séquences réellement ébouriffantes.
A noter que le film ressort en salles à partir du 4 décembre 2019 dans une nouvelle copie HD, histoire d’en prendre davantage plein les yeux. Les amateurs du long-métrage ne s’en priveront pas.
Le film sur le site du distributeur
Critique de Virgile Dumez