Puissant film féministe qui dénonce la situation des femmes en Jordanie, Inchallah un fils parvient à scandaliser et émouvoir grâce à un scénario implacable et des actrices formidables. A découvrir.
Synopsis : Jordanie, de nos jours. Après la mort soudaine de son mari, Nawal, 30 ans, doit se battre pour sa part d’héritage, afin de sauver sa fille et sa maison, dans une société où avoir un fils changerait la donne.
Un premier film inspiré d’une histoire vraie
Critique : Réalisateur jordanien qui a tourné de nombreux courts métrages au cours de la décennie 2010, pour la plupart primés, Amjad Al Rasheed a souhaité passer au format long en évoquant la situation des femmes à l’intérieur de son pays. Il a donc rédigé un script intitulé Inchallah un fils qui est largement inspiré par l’histoire vécue par une parente proche. Toutefois, contrairement à ce qui se passe dans le film, la situation réelle fut moins dramatique car la famille en question était suffisamment aisée pour ne pas réclamer son dû. Afin de construire une histoire qui captive le public tout en dénonçant une réalité sociale scandaleuse, Amjad Al Rasheed a été aiguillé dans son écriture par sa productrice jordanienne Rula Nasser, puis la Française Delphine Agut. Ainsi, le scénario a pu prendre sa forme définitive.
Un matin, la trentenaire Nawal ne parvient pas à réveiller son mari qui est décédé durant son sommeil. Mais comme le couple n’a qu’une fille, la jeune veuve ne peut donc prétendre à l’héritage et doit même acquitter les dettes de son époux auprès de sa famille proche. Si le début du film laisse entrevoir une forme de solidarité familiale de façade, le scénario glisse progressivement vers une forme de harcèlement de la part d’une structure familiale qui se ligue intégralement contre la veuve éplorée.
Inchallah un fils dénonce le patriarcat implacable en Jordanie
Bien que travaillant comme domestique dans une famille de la bourgeoisie, son salaire misérable ne lui permet pas d’envisager le remboursement des dettes de son défunt époux et la jeune femme risque donc de se retrouver à la porte de son appartement dont elle dit avoir payé une partie, sans pouvoir fournir de preuve puisque seul le mari a signé les papiers.
Amjad Al Rasheed, précipite donc son héroïne et sa petite fille dans une spirale infernale où chaque geste de la jeune femme entraine un problème. Il dénonce ici avec force une société entièrement basée sur la patriarcat. Ainsi, la veuve n’aurait eu aucun problème si elle avait eu un fils. Pour créer un climat constant de tension, le réalisateur multiplie les plans où il enferme ses personnages dans des espaces clos, comme pour signifier que les femmes de son pays vivent dans une véritable prison.
Le film évoque aussi la problématique de l’avortement en pays arabe
Afin de renforcer son propos, il évoque également la problématique de l’avortement avec le personnage bouleversant de Lauren, pourtant issue de la haute bourgeoisie, mais tout autant prisonnière du système que sa consœur plus désargentée. Inchallah un fils dénonce donc avec force la toute-puissance masculine d’une société où punir sa femme en la battant est considéré comme tout à fait normal. Cela donne lieu à une scène glaçante, même si le réalisateur ne fait que la suggérer.
Inchallah un fils, de Amjad Al Rasheed, avec Mouna Hawa, sélection Cannes 2023 © The Imaginarium Films, Bayt Al shawareb, Georges Films. Tous droits réservés.
Le drame est porté par des actrices formidables, parmi lesquelles on citera en premier lieu la remarquable Mouna Hawa, comédienne palestinienne déjà plusieurs fois primée. Elle incarne avec une détermination sans faille une Nawal qui n’entend pas se laisser dicter son comportement par les hommes, au risque de tout perdre. Près d’elle, on peut également citer l’excellente actrice libanaise Yumna Marwan qui nous bouleverse dans l’arc narratif consacré à l’avortement.
Comme un air de film iranien
Œuvre féministe puissante, Inchallah un fils peut largement être comparé aux films iraniens qui tentent d’alerter sur la situation catastrophique des femmes dans l’espace musulman. Il les vaut sans problème car sa mécanique narrative se révèle implacable et que sa réalisation adopte une belle efficacité, tout en révélant la situation d’un pays, la Jordanie, dont on entend moins souvent parler que d’autres pays de la région.
Présenté dans de nombreux festivals du monde entier, Inchallah un fils a été sélectionné pour représenter la Jordanie aux Oscars, puis a été le tout premier film jordanien a être pris à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes en 2023. Il y a glané le Prix de la Fondation Gan pour la diffusion.
Box-office français d’Inchallah un fils
Proposé dans les salles françaises par Pyramide Distribution à partir du 6 mars 2024, Inchallah un fils n’a eu le droit qu’à un parc réduit de 77 salles d’art et essai, limitant nécessairement son impact au box-office. Le métrage entame sa carrière avec 14 474 féministes à son bord. En deuxième semaine, ses entrées chutent de moitié pour se situer à 7 326 retardataires.
Toutefois, le bouche à oreille fonctionne plutôt bien car le long métrage va ensuite poursuivre sa carrière autour des 4 000 entrées par semaine. Soutenu par les salles d’art et essai, le drame tient l’affiche jusqu’au début du mois de juin pour un résultat final de 37 080 entrées sur toute la France, soit un peu plus du double de ses chiffres inauguraux.
Pas de quoi permettre la sortie d’un blu-ray, puisque Pyramide a édité le film en DVD à partir du mois de juillet 2024. Il faut donc se reporter sur la VOD pour découvrir le long métrage en HD. Il en vaut la peine.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 6 mars 2024
Acheter le film en DVD
Voir le film en VOD
© 2023 The Imaginarium Films, Bayt Al shawareb, Georges Films / Affiche : Pyramide, Louise Matas, Saomé Wojtowiez. Tous droits réservés.