Marc Dugain modernise Eugénie Grandet, le roman de Balzac, en observant d’un œil perspicace l’émancipation d’une jeune femme prise au piège du pouvoir et de l’argent.
Synopsis : Félix Grandet règne en maître dans sa modeste maison de Saumur où sa femme et sa fille Eugénie, mènent une existence sans distraction. D’une avarice extraordinaire, il ne voit pas d’un bon œil les beaux partis qui se pressent pour demander la main de sa fille. Rien ne doit entamer la fortune colossale qu’il cache à tous. L’arrivée soudaine du neveu de Grandet, un dandy parisien orphelin et ruiné, bouleverse la vie de la jeune fille. L’amour et la générosité d’Eugénie à l’égard de son cousin va plonger le père Grandet dans une rage sans limite. Confronté à sa fille, il sera plus que jamais prêt à tout sacrifier sur l’autel du profit, même sa propre famille…
Marc Dugain adapte Balzac
Critique : Écrivain (son dernier roman La volonté se range au côté des succès annoncés pour cette rentrée littéraire 2021) et réalisateur, Marc Dugain se plaît à revisiter l’histoire pour lui donner des accents de modernité. Après Une exécution ordinaire (2010) qui décrypte avec une précision méthodique les mécanismes de la terreur sous le régime de Staline, puis L’échange des princesses (2017) relatant la cruauté de l’union de très jeunes enfants royaux sacrifiés sur l’autel des jeux de pouvoir, il continue de dénoncer, à travers ce portrait d’un père obnubilé par le pouvoir et l’argent la destruction des rapports humains par la finance. Un sujet d’une brûlante actualité.
© 2021 High Sea Production – Tribus P Film – Ad Vitam Production – Scope Pictures – Featuristic Films. Tous droits réservés.
Dans cette campagne grise du 19e siècle, peuplée d’arbres décharnés, Félix Grandet achète ou peut-être n’achète pas une ruine. Il discute, ergote, étrangle financièrement son interlocuteur. Car il n’est pour lui pas de plus grande jouissance que d’amasser de l’argent, toujours plus, encore et toujours. Il est prêt, pour y parvenir, à tout sacrifier, y compris sa famille, à commencer par sa fille. C’est pourtant un révolutionnaire, qui lutté contre les privilèges. Mais l’appât du gain lui fait oublier tous ses beaux principes, le réduisant à l’état de capitaliste contemporain. Olivier Gourmet accorde à ce personnage complexe la brutalité et la rouerie nécessaires tout en laissant la place à une surprenante sensibilité. Rude à l’intérieur, il déploie des trésors de séduction à l’extérieur.
Eugénie Grandet est une brillante étude psychologique aux accents féministes
S’éloignant subrepticement de l’observation sociale, le récit prend la forme d’une étude psychologique aux accents féministes. Si les hommes sont emberlificotés dans leurs petits intérêts stratégiques tant sur le plan de l’amour que de l’argent, les femmes apparaissent plus dignes et futées. Madame Grandet, incarnée par Valérie Bonneton agréablement surprenante dans ce rôle de femme effacée, délivre une finesse d’analyse inattendue. Mais c’est vers Joséphine Japy que se tournent tous les regards, dont la photographie, entre ombre et lumière, souligne merveilleusement la pureté du visage.
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Confinée par son père qui la considère comme sa propriété et la tient sous son joug par tous les moyens, y compris celui de la religion alors qu’il se revendique laïc, Eugénie s’échappe de sa prison en imaginant l’amour absolu, celui qu’elle idéalise à travers le maintien avantageux de son séduisant cousin Charles, à qui César Domboy accorde toute sa grâce. Paradoxalement, son inconsistance couplée à la violence du père Grandet va révéler chez cette jeune femme, condamnée aux travaux d’aiguille et à la contemplation de la nature, une forme de combativité, dont elle-même ignorait tout.
Un rythme ralenti qui laisse toute latitude à l’imaginaire, un texte modernisé mais fidèle à l’esprit balzacien, une mise en scène qui privilégie l’authenticité des décors et des costumes, des seconds rôles judicieusement choisis, dont l’impeccable Nathalie Bécue, contribuent à la réussite de cette comédie de mœurs qui prend quelques libertés avec le roman afin d’en faire un manifeste optimiste pour une humanité plus harmonieuse.
Critique de Claudine Levanneur
Les sorties de la semaine du 29 septembre 2021
La fiche du film sur le site du distributeur
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