Dans un jardin qu’on dirait éternel sillonne les saisons de l’existence avec la dévotion et l’émotion de l’intime. A travers l’apprentissage de l’art de la préparation du thé, l’œuvre nous convie à une leçon de vie simple, pure et in fine bouleversante.
Synopsis : Dans une maison traditionnelle à Yokohama, Noriko et sa cousine Michiko s’initient à la cérémonie du thé. D’abord concentrée sur sa carrière dans l’édition, Noriko se laisse finalement séduire par les gestes ancestraux de Madame Takeda, son exigeante professeure. Au fil du temps, elle découvre la saveur de l’instant présent, prend conscience du rythme des saisons et change peu à peu son regard sur l’existence. Michiko, elle, décide de suivre un tout autre chemin.
Dans un jardin qu’on dirait éternel, œuvre testamentaire d’une actrice immense
Critique : Du cinéaste Tatushi Omori nous ne connaissions rien. Sa filmographie est pourtant longue pour ce cinéaste d’une cinquantaine d’années et, en 2020, on découvre enfin l’un de ses jalons, Dans un jardin qu’on dirait éternel. Le film de 2018 est émouvant à bien des égards, déjà de par son sujet. Le film montre dichotomie d’une jeunesse japonaise, divisée entre la soif de vie, la dynamique du progrès d’un côté, et de l’autre, cette difficulté d’adaptation aux changements et la tentation de s’adapter au rythme des traditions que cultive ici une maîtresse du thé, interprétée par l’immense Kirin Kiki.
L’actrice signe son œuvre testamentaire, puisqu’elle décéda un mois avant la sortie officielle au Japon, délivrant l’une de ses plus emblématiques interprétations. Elle se montre à la fois simple et paradoxalement complexe, dans son rapport à la vie, aux saisons, et à l’équilibre que lui procurent les rituels d’une vie humaine qui ne se font que l’écho de ceux d’une nature. Le thé qui se déverse dans un bol devient le murmure de la nature, celle des pluies, des torrents (la belle métaphore de la cascade) et des cours d’eau. L’acuité du son est exceptionnel. Dans un jardin qu’on dirait éternel, si riche sur le plan sensoriel, est l’adaptation d’une œuvre littéraire qui se veut une leçon de vie inattendue pour l’héroïne, jouée par Haru Kuroki, dont la voix, très belle, sert à de nombreux doublages de films d’animation, notamment pour Hosoda.
De l’art du thé vient la raison
Les deux générations de femmes se complètent et, à l’heure où la Covid défie les générations en les érigeant les unes contre les autres, le film de Tatsushi Omori apaise. Le jeu de Kirin Kiki a tant à apprendre aux comédiennes qui l’entourent, ou à la jeunesse japonaise qui s’émancipe. La bonté qui émane de son personnage, non dénué d’humour – et il y en a beaucoup dans cette œuvre qui évite la lourdeur du drame -, l’érige parmi les grands rôles de l’actrice qui était si chère au cinéaste Hirokazu Kore-eda.
Face à elle, la jeune Haru Kuroki interprète une jeune femme timide, qui attend beaucoup de la vie mais et pourtant ne voit pas grand-chose venir. Les leçons de thé, tous les samedis, pendant des années, lui confèrent un apprentissage essentiel, celui de l’humanité et de la maturité. Elle découvre le recul sur sa vie qui va apaiser ses craintes, ses tourments et ses frustrations, professionnelles ou affectives. La caméra du cinéaste capte l’évolution de ce personnage a priori fragile, qui doit notamment traverser l’épreuve du deuil, et qui pourtant trouve une sérénité qui la rend éblouissante.
Une leçon de vie
Dans un jardin qu’on dirait éternel rejoint cette tradition des grandes œuvres asiatiques sur l’art culinaire qui enseigne l’osmose et le plaisir simple du partage, celui d’être avec l’autre dans un respect du microcosme humain au sein du macrocosme de la nature. On en ressort assagi, soi-même apaisé, avec ce sentiment très fort d’être plus fort et meilleur en fin de projection. Un exploit qui démontre toute la réussite de cette œuvre lente, répétitive dans sa mise en scène des rituels de la vie, mais tout en émotions pures. Dans un jardin qu’on dirait éternel saura toucher un public curieux et exigeant qui aura beaucoup à savourer et à apprendre. Une leçon de vie, tout simplement.
Sorties de la semaine du 26 août 2020
Notes : Dans un jardin qu’on dirait éternel devait initialement sortir le 1er avril 2020. La crise du coronavirus ayant entraîné la fermeture des cinémas pendant de longs mois, il ne sort finalement que le 26 août 2020.