Cold War : la critique du film (2018)

Drame, Romance | 1h28min
Note de la rédaction :
8/10
8
Affiche française de Cold War

  • Réalisateur : Pawel Pawlikowski
  • Acteurs : Jeanne Balibar, Cédric Kahn, Joanna Kulig, Tomasz Kot, Borys Szyc, Agata Kulesza
  • Date de sortie: 02 Juin 2018
  • Nationalité : Polonais, Britannique, Français
  • Scénario : Pawel Pawlikowski
  • Distributeur : Diaphana Distribution
  • Éditeur vidéo : Diaphana
  • Date de sortie vidéo : 5 mars 2019 (DVD & Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 339 763 entrées / 129 138 entrées
  • Box-office USA : 4 600 000 $
  • Budget : 5 750 000€
  • Festivals : Compétition officielle Cannes 2018 : Prix de la mise en scène
  • Récompenses : Prix du cinéma européen 2018 : Meilleur film européen, Meilleur réalisateur, Meilleure actrice, Meilleur scénario, Meilleur montage
  • Crédit visuels : © 2018 - Diaphana Distribution. Tous droits réservés. Photo : Lukasz Bak
  • Formats : 1.37 : 1 / Dolby Digital
Note des spectateurs :

Cold War est, avec Ida, le film le plus abouti à ce jour de Pawel Pawlikowski. Son romanesque épuré en fait un bel objet sensoriel, qui n’a pas volé son prix de la mise en scène à Cannes 2018.

Synopsis : Pendant la guerre froide, entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 1950, Viktor, un musicien épris de liberté et Joana, une jeune chanteuse passionnée, vivent un amour impossible dans une époque qui ne l’est pas moins…

Est-Ouest

Critique : Pawel Pawlikowski était réputé pour avoir été l’auteur de My Summer of Love, touchant récit d’initiation, et surtout Ida, bijou d’esthétisme se déroulant dans la Pologne des années 60 et axé sur un douloureux secret de famille remontant à l’occupation nazie. Cold War est dans leur prolongement puisqu’il emprunte au deux films la dimension romanesque et au second l’ancrage historique, avec une critique politique en filigrane. Si le métrage est dédié aux parents du réalisateur, il ne se présente pourtant pas comme leur biographie, Viktor et Joana étant des personnages de fiction mais similaires à bien des Polonais pendant la guerre froide. Le film est d’abord une touchante love story, effleurant l’émotion sans vouloir la susciter vraiment, et le mérite du récit est de montrer l’évolution de leur idylle (et de leurs séparations) sur un intervalle de quinze années, dans plusieurs cadres géographiques, de la campagne polonaise d’après-guerre à la Yougoslavie, en passant par le Paris jazzy de Saint-Germain-des-Prés. Les nombreuses ellipses, loin d’obscurcir la narration, lui confèrent un supplément de charme et de mystère : pourquoi et comment Viktor a-t-il fui la Pologne sans Joana ?

Comment l’a-t-elle retrouvé par la suite ? Cold War mêle donc une chronologie structurée et découpée en segments précis avec de nombreuses zones d’ombre qui amplifient son pouvoir attractif. Pawlikowski a ainsi déclaré : « Très souvent les films, surtout les biopics, sont alourdis par un trop-plein d’informations et d’explications, et la narration se retrouve réduite aux causes à effets. Mais dans la vie, il y a tant de causes cachées et d’effets imprévisibles, tant d’ambigüité et de mystère qu’il est difficile de les retranscrire comme causes conventionnelles et drame à effet. Mieux vaut montrer les moments forts et laisser les spectateurs combler les trous avec leur imagination et leur propre expérience de la vie. J’aime distiller les histoires avec des moments forts et laisser les spectateurs vivre l’histoire à leur manière, sans qu’ils se sentent manipulés ».

Cold War allie bonheur émotion et vision d’auteur

Cold War – © 2018 Lukasz Bak. Tous droits réservés.

La psychologie des amants est ainsi abordée sans gros sabots, et l’on ne sait véritablement si le comportement fantasque de Joana à Paris est dû à une personnalité caractérielle ou à sa déception face à une capitale qu’elle avait idéalisée et dont les habitants, y compris (et surtout) les artistes lui paraissent superficiels et opportunistes (succulente apparition de Jeanne Balibar en poétesse traductrice). Quant au contenu politique de l’œuvre, il est certes une satire des canons du réalisme socialiste sous le stalinisme : Viktor est un esthète issu de l’intelligentsia citadine, qui dirige contre son gré un groupe de jeunes chanteurs dans des spectacles folkloriques imposés par les autorités, avant que celles-ci ne décident d’orienter les chansons dans la voie de la pure propagande autour du culte du chef et des mérites du prolétariat.

On pourrait trouver la charge désormais moins puissante, compte tenu de l’écroulement du système communiste, mais Pawlikowski établit d’audacieux parallèles avec la situation actuelle : rhétorique anti-occidentale et nationaliste, propagande primaire des médias officiels, instauration d’un climat de peur, stigmatisation des élites intellectuelles traîtresses… Et le constat ne vaut pas que pour la Pologne ! Mais Cold War brille aussi et surtout par ses choix plastiques : son utilisation de la photo (noir et blanc sublime de Lukasz Zal et format carré identique à Ida), est en osmose avec une musique qui entraîne la caméra dans des travellings et panoramiques jamais gratuits, dont la beauté culmine dans les séquences de spectacles (du folklore des scènes de Berlin-Est aux cabarets enfumés de la Rive gauche). Cette alchimie de la lumière et de la bande sonore et musicale n’est pas pour rien dans la fascination exercée par cette romance hors des sentiers battus, aussi belle et concise qu’un morceau d’Ella Fitzgerald, et plus proche des fulgurances de In the Mood for love que des chichis lelouchiens. Du grand art ! Le film obtint un Prix de la mise en scène mérité au Festival de Cannes 2018, avant de connaître un joli succès d’estime et de recevoir d’autres récompenses dont cinq trophées aux Prix du cinéma européen.

Critique de Gérard Crespo

Les sorties de la semaine du 2 juin 2018

Affiche française de Cold War

© 2018 – Diaphana Distribution. Tous droits réservés.

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