Chronique d’une liaison passagère n’est pas la plus belle des histoires d’amour contées par Emmanuel Mouret, mais elle sait distiller un charme et un enchantement persistant.
Synopsis : Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité…
Chronique d’une liaison passagère, conte des quatre saisons
Critique : Avec Chronique d’une liaison passagère, le plus rhomérien de nos auteurs contemporains confirme la haute tenue de ces derniers longs (Mademoiselle de Joncquières, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait) que l’on présente à Cannes avec succès et qui caracolent à des sommets au box-office rares pour un cinéma de l’intime et du placard. Elle est loin l’époque où Emmanuel Mouret rassemblait 1 000 spectateurs pour un moyen métrage paru en catimini, en 1999 (Promène-toi donc tout nu!) ; désormais le cinéaste compte. Ses mots touchent. Ses arguments du cœur enchantent.
Chronique d’une liaison passagère, est une nouvelle comédie du verbe urbaine et raffinée dans un répertoire fleuri. Elle réunit les talents lunaires de Sandrine Kiberlain et Vincent Macaigne, deux audaces de jeu qui se complètent. La fronde insolente de Kiberlain et la timidité protectrice de Macaigne se prêtent parfaitement à la fausse spontanéité d’écriture et de jeu de l’artiste. Les deux comédiens s’approchent avec une maîtrise du temps et de l’espace et ne semblent nullement empêtrés dans des dialogues qu’ils ne maîtriseraient pas. Ils semblent trouver les mots avec le film, dans tout ce que l’amour sans lendemain peut avoir de romanesque lorsqu’il se répète, lorsque les émotions se meuvent dans les contradictions de sentiments écartelés entre préceptes engageants et réalité d’une passion qui se brosse sans vouloir dire son nom.
Une comédie du verbe d’une belle justesse
Lui a une vie conjugale qu’il ne veut pas risquer ; elle lui inspire une liberté qu’elle brandit comme une arme pour ne blesser personne. Mais la complicité d’un quotidien de rencontres de cinéma entre Woody Allen et Rohmer ébranle les armures et se fend d’un rebondissement aussi cocasse que coquin en la personne de Georgia Scalliet, grande actrice de théâtre, révélée au cinéma dans L’odeur de la mandarine en 2015, qui installe une troisième voix troublante dans cette liaison pas si passagère qui ne sait finalement pas articuler l’authentique désir de l’autre au-delà de l’anonymat de l’adultère.
Avec sa réalisation fine et racée, un rapport stimulant à la culture, Chronique d’une liaison passagère nous saisit et nous comble. Certes, l’histoire d’amour n’est pas la plus belle du conteur Emmanuel Mouret, mais elle est capiteuse et sait perdurer loin de l’évanescence des plaisirs ponctuels, distillant ses humeurs, son charme et son enchantement longtemps après le premier visionnage.