Chaque chose en son temps (The Family Way) : la critique du film et DVD (1968)

Comédie romantique | 1h50min
Note de la rédaction :
8/10
8
Chaque chose en son temps affiche du film

  • Réalisateur : Roy Boulting John Boulting
  • Acteurs : Hayley Mills, John Mills, Hywel Bennett, Barry Foster
  • Date de sortie: 10 Jan 1968
  • Nationalité : Britannique
  • Titre original / Titre alternatif The Family Way / The Family Way (DVD, 2020)
  • Scénariste : Bill Naughton, Roy Boulting, Jeffrey Dell, d'après la pièce de Bill Naughton
  • Compositeur : Paul McCartney
  • Directeur de la photo : Harry Waxman
  • Distributeur : Warner Bros
  • Editeur vidéo : Tamasa
  • Date de sortie vidéo : 17 mars 2020 (DVD)
  • Illustrateur : Affiche originale par Jean Mascii
Note des spectateurs :

Il faut découvrir Chaque chose en son temps (The Family way, en VO), œuvre attachante qui gratte les apparences d’une société étriquée à travers le parcours de couples scellés par des secrets et des failles.

Synopsis : Arthur et Jenny, beaux, jeunes et innocents, s’aiment et se marient. Par souci d’économie, ils s’installent chez les parents d’Arthur dans une banlieue britannique. Mais à la suite d’une mauvaise plaisanterie, la nuit de noces tant attendue tourne au fiasco. S’ensuivra une terrible réaction en chaîne dans une difficile promiscuité…

Ciel, mon mari est impuissant !

 Critique : Peu connus en France mais relativement réputés pour des comédies satiriques dans les années 50, les jumeaux Boulting ont œuvré ensemble et séparément et, en 1966, signé ce film singulier dont le point de départ pourrait donner lieu à un traitement graveleux : Arthur, jeune marié, se révèle impuissant et devient la risée de tous. Mais le graveleux se limite à quelques dialogues balourds et à un personnage, le patron d’Arthur, peut-être en partie responsable du fiasco, macho bas du front et interprété par Barry Foster, l’inoubliable assassin de Frenzy (Hitchcock, 1972). Au contraire, The Family way avance sur les pointes, en délicatesse et non-dits, s’éparpillant parfois à vouloir trop embrasser. Ce n’est pas sa moindre originalité que de commencer par une voix off et les mots trompeurs : « il était une fois » ; car si le film débute là où les contes traditionnels finissent, le mariage, il va en constituer peu à peu l’envers avec, si l’on excepte un dénouement décevant, le délitement progressif d’un couple victime, non pas d’éléments surnaturels, mais au contraire d’un trop-plein de réel.

Chaque chose en son temps hywel bennett

© 1967 Warner Bros – © 2020 Tamasa Distribution

Les inadaptés de la révolution sexuelle

Les réalisateurs choisissent en effet l’accumulation de détails des plus précis, qui vont jouer un rôle séparément, mais aussi ensemble pour signifier l’emprisonnement des tourtereaux. Ce peut être l’utilisation des gros plans, souvent intelligente, que ce soit pendant le mariage pour suggérer la grossièreté ou l’avidité, ou dans les discussions entre parents, révélant les failles et les non-dits. Mais le scénario lui-même jongle avec ces effets de réel qui ne cessent de contrarier le couple : bruits dans la pièce d’à côté, lettre ironique sur la contraception, affichages ouvertement sexuels, etc. Il n’est pas jusqu’aux décors et accessoires qui n’appuient sur l’incapacité des jeunes gens à avoir une intimité : ainsi de la chambre d’Arthur, qu’il est contraint de partager avec sa femme, terne et étriquée, en opposition forte au clinquant coloré des années 60 dont le film brandit l’apparence comme pour mieux s’en détacher. Quelquefois ces détails peuvent servir d’annonce (l’alliance qui tombe, mauvais présage), ou de rime interne (la curieuse allusion du père aux singes trouve un écho dans un bibelot placé sur la table de nuit). Mais c’est bien le tout qui procure cette sensation d’étouffement, et il n’est pas certain dans ce contexte que la mauvaise blague (le patron d’Arthur piège le lit nuptial) soit la seule cause de l’échec. On pencherait plutôt, et le film nous y invite, pour une réflexion sur la société et son injonction à la jouissance, affichée partout mais irréalisable. Le scénario semble se moquer de la soi-disant libération sexuelle qui laisse sur le carreau les inadaptés, comme Arthur, mais aussi les machos affirmés : le patron lui-même, grande gueule, s’avère impuissant à satisfaire sa compagne qui compense, elle le lui hurle, avec le laitier. Ainsi le métrage tisse-t-il le portrait d’une Angleterre frustrée, et ce quelles que soient les générations. Les parents des mariés sont eux aussi dans des rapports frustes, des règlements de compte ressassés jusqu’au malaise. À ce titre la grande scène d’explication dans laquelle la mère reproche à son mari d’avoir emmené son ami à leur voyage de noces résume parfaitement les hypocrisies d’une société corsetée, mais sans insister, avec même une tendresse amère.

Chaque chose en son temps The family way

© 1967 Warner Bros – © 2020 Tamasa Distribution

Chaque chose en son temps traite avec finesse le thème de la frustration

La frustration repose également sur les désirs inassouvis (ah ! Le beau-frère et sa moto sans cesse exhibée) ou très troubles, à l’image du père de Jenny, à qui sa femme reproche un amour excessif de leur fille. Au fond, dans cette société qui proclame sa libération, les réalisateurs montrent l’envers du décor. Mais s’ils ont parfois la dent dure, notamment avec les commères et leurs commentaires appuyés, ils procèdent plutôt par pointillisme que par caricature. Leur mise en scène se fait parfois subtile, que ce soit dans la scénographie (voir la disposition du couple sur les marches d’un édifice) ou dans des effets discrets (le travelling avant qui isole un personnage pour une tirade personnelle), voire irréels (la lumière s’intensifiant au cours d’un monologue). On sent tout au long du film cette tendresse généreuse qui donne sa chance à chacun, qu’il soit brutal ou trop tendre. C’est dans la nuance qu’opèrent les frères Boulting, et grâce leur en soit rendue : Chaque chose en son temps n’en est que plus fort, mais aussi plus émouvant. On mesure ce qui le sépare par exemple du Bel Antonio (Mauro Bolognini, 1960), dont le point de départ est similaire, mais le traitement tragique.

Il faut encore souligner la justesse continue des acteurs, tous à leur place, tous en osmose, qu’ils soient débutants ou confirmés, et qui participent à la réussite de cette œuvre soignée et délicate. On sera moins aimable pour le dénouement artificiel, qui ne gâche cependant pas le plaisir indiscutable qu’on prend à la vision d’un film somme toute inattendu.

Sorties de la semaine du 10 janvier 1968

Chaque chose en son temps affiche du film

© Warner Bros

Le test DVD :

Chaque chose en son temps sort enfin en vidéo en France sous le titre original de The Family Way.

The family way dvd cover tamasa

© 1967 Warner Bros – © 2020 Tamasa Distribution

Compléments : 4/5

Une fois de plus, c’est le livret rédigé par Charlotte Garson qui enchante : le film y est vu avec subtilité et érudition comme une œuvre de l’entre-deux. On passera en revanche sur la galerie photos et la filmographie.

Image : 4/5

La copie restaurée de Chaque chose en son temps est impeccable, exempte de toute scorie, restituant avec brio aussi bien les couleurs coruscantes que le gris des paysages industriels. Pour un film de 1966, la définition ne souffre aucun reproche.

Son : 4/5

Une seule piste, en mono VOST, mais elle aussi a été nettoyée, purifiée a-t-on envie de dire, tant les moindres inflexions d’acteurs impressionnants sont sensibles.

Critique et test DVD : François Bonini

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Chaque chose en son temps affiche du film 1

© 1967 Warner Bros – © 2020 Tamasa Distribution

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