Chaos d’Anoushka est une expérience féministe originale dans le domaine du sacrosaint porno que diffuse Canal+. Un projet éthique, écrit et muri, toujours personnel, centré sur la femme dans sa pluralité. Une femme invitée à retrouver la lumière après le gouffre, et donc le “chaos”, conjugal. Un cinéma de son époque pertinent, faute d’être insolent.
Synopsis : Charlie, qui a dédié sa vie à ses valeurs et ses convictions féministes, se remémore sa vie avec David. On traverse avec elle des moments de bonheur et d’insouciance, mais la danse délicate de l’amour prend petit à petit le visage d’une violence sourde. Le corps
de Charlie devient celui d’une marionnette désarticulée, enfermé dans l’emprise de cette relation toxique. Dépouillée de sa confiance et de sa lumière, Charlie va devoir survivre à cette violence. C’est ainsi qu’elle se retrouve dans un centre sororal de soutien où
chaque femme partage son histoire et son vécu afin de retrouver, ensemble, la force de guérir.
Elle trouvera une lueur d’espoir dans les yeux de Léa, qui lui permet de retrouver son identité et son feu intérieur. La terre sera leur maison et leur source de résilience. Ensemble, elles planteront les graines de sentiments véritables, et déconstruiront les normes du
couple hétérosexuel, embrassant un nouveau contrat social où chacune façonnera ses désirs et ses côtés sombres.
Chaos d’Anoushka redéfinit la case du porno du samedi soir
Critique : A une époque où le porno pullule sous toutes ses formes sur les réseaux sociaux et plus globalement sur internet, Canal+ n’a plus à s’imposer les canons d’un film X pépère (donc patriarcal) dans sa case historique du premier samedi soir du mois. Aussi, leur nouvelle collaboration avec l’autrice Anoushka, démontre que leurs habitués n’auront aucune animosité face à l’alternative à la sempiternelle péloche masturbatoire offerte par la réalisatrice de Vivante et A mes amours. Chaos ne s’adresse en rien à eux, puisant dans ses choix artistiques et narratifs la volonté de toucher un public authentiquement féminin ou ouvert aux thématiques néo-féministes comme la nécessaire sororité et reconstruction après l’expérience destructrice de la relation hétérosexuelle toxique, la manipulation mentale, et l’inévitable violence domestique.
Malgré des scènes de sexe dites explicites, Chaos d’Anoushka n’est nullement pornographique, impliquant ses acteurs et travailleurs du sexe dans un essai romantico-dramatico-psychologique où la vie de la femme du XXIe siècle est réfléchie à travers des préoccupations qui ne sont désormais plus originales, mais gravée dans la réalité d’une générations aux âges divers unies dans un même combat.
Chaos aborde de nombreux incontournables du moment : les préoccupations genrées, la passion qui s’étiole chez le mâle alpha qui se sent en danger, la détresse de l’être dupé et abandonné, les écarts sournois du manipulateur, la dépression qui en résulte chez sa victime qui va trouver la guérison auprès d’amies dont le visage et les formes ont changé par rapport aux productions d’antan… Chaos d’Anoushka envisage la narration à papa d’hier par le prisme du point de vue féminin. Ce n’est pas forcément original, mais dans le domaine estampillé du X, c’est surtout poignant dans sa sincérité et sa douleur honnêtement affichée.
Anoushka, la renaissance par l’image
Cette histoire, on n’a aucun mal à l’imaginer personnelle, et même probablement autobiographique de la part d’Anoushka dont l’empreinte transpire à l’écran. L’artiste, qui a entièrement écrit la trame et les dialogues, apparaît même dans son propre rôle, celui d’une réalisatrice d’essais pornographiques éthiques, notamment face au personnage masculin principal joué par le trop connu et omniprésent Rico Simmons, lors d’une mise en garde où elle semble chercher à prévenir le personnage incarnée par l’idéale Misungui, des plaies qu’elle a elle-même vécues. Un acteur moins connu que Simmons aurait sûrement aidé à rafraîchir cette expérience filmique qui elle ne manque jamais d’éclat et de lumières. Simmons aux multivisages, tantôt virile, fragile, manipulateur et bourreau, n’est en soit pas à incriminer dans son jeu, mais la variation de casting aurait peut-être permis à Chaos de se distinguer un peu de la familiarité avec l’œuvre droite dans ses bottes d’Anoushka. La cinéaste prône la redéfinition du mot famille et elle a sans nulle doute choisi sa propre famille de cinéma qu’elle engage dans ses fantaisies à l’écran où la noirceur vient toujours brouiller les genres (de la romance au drame, il n’y a généralement qu’une scène qu’elle franchit).
Chaos s’achève sur un générique dopé par la chanson d’Anatrash, l’excellent La fois de trop. Un son qui sonne comme un avertissement sur une thématique qui s’auto-nourrit de clichés trop explicités, notamment dans le choix des métaphores qui ponctuent trop souvent l’écran (les éléments, la mer, la terre, la forêt, la nature…). Ce piège qui fonctionne en littérature grâce à l’expansion temporelle de la lecture, peut relever de la maladresse dans un projet filmique d’1h30, car les images en deviennent trop visibles et surtout faciles. Chaos d’Anoushka n’en demeure pas moins libre dans son langage, créatif (on pense à l’invitation de chorégraphies de marionnettes qui illustrent les tensions des personnages) et surtout d’une grande nécessité comme une alternative à la vision normée d’un genre trop longtemps associé au désir masculin. C’est également cela être une femme d’aujourd’hui
Une programmation en salle de Chaos d’Anoushka est prévue à Paris en janvier 2024. En attendant, Canal + diffusera l’expérience féministe sur sa plateforme à partir du 2 décembre.
Biographies +
Anoushka, Rico Simmons, Lullabyebye, Mya Lorenn, Petra Von Schatz
Mots clés :
#MeToo, 2023, Film Féministe, La violence faite aux femmes, Le cinéma lesbien, Les pornos de Canal+, Porno Ethique, Cinéma français, Les violences conjugales
Les sorties de la semaine du 29 novembre 2023
Chaos – Diffusion sur Canal +, à partir du samedi 2 décembre 2023 – interdit aux moins de 18 ans.