Avec A mes amours, Anoushka renoue avec ses thématiques de liberté, de désir et d’épanouissement dans une valse des sens où le genre s’efface en faveur du soi face à l’autre. Aux autres.
Critique : Produit avec la participation de Canal+, A mes amours est la nouvelle ode à la jouissance d’Anoushka , qui renoue avec la quête de l’extase par la fusion avec l’autre et le polyamour. La réalisatrice collabore fréquemment avec la chaîne payante qui lui permet d’explorer une féminité qui va à l’encontre des codes d’un porno masculin destructeur.
A mes amours, le jeu du je et de l’autre
L’auteure, qui préfère le mot “auteurice”, joue de ses libertés en montant elle-même son cinéma. Aussi, avec A mes amours, référence renvoyant au classique de Pialat (A nos amours, 1983, qui avait révélé Sandrine Bonnaire), elle propose une variation originale de l’accomplissement personnel où s’unissent réflexion, tendresse et l’érotisme explicite. Le “je” se substitue au “nous”, pour un nouveau terrain de jeu, qui s’avèrera dangereux, voire vénéneux.
Outre la diffusion sur Canal +, Anoushka proposera le film sur sa plateforme de streaming entièrement dédiée au porno éthique. On y retrouve ses performers fidèles à ses marivaudages contemporains. Tous ensemble, ils incarnent une philosophie d’un plaisir collectif dénué de violence ou d’égoïsme dévastateur pour la femme qui, chez la réalisatrice, n’est définitivement pas dépeinte comme un objet sexuel. C’est toute la liberté d’écriture, de casting et de thématiques de l’auteurice qui demeure sienne.
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La réalisatrice tisse une œuvre qui lui ressemble. Chaleureuse, jamais dans l’excès, l’outrage ou la malveillance. Si la pornographie s’expose naturellement, sans volonté masturbatoire, c’est que l’auteurice cherche à explorer le désir et l’identité de genre dans un esprit positif, et constructeur. On ressent une philosophie qui n’a rien à envier à la psychanalyse qui ne se refuse ni la sensualité, l’érotisme, ni même une authentique pointe de romantisme. On en vient à croire au couple et aux attirances de chacun dans ce qu’il y a de plus passionnel.
Des références cinématographiques vénéneuses
Nourrie de références cinématographiques, entre Pasolini (Théorème), Losey (The Servant) et les œuvres solaires autour d’un Delon au sommet de sa beauté (Plein Soleil et La Piscine), Anoushka prend ses distances avec les maux d’un univers masculin pour investiguer les fantasmes refoulés d’une jeune femme, au sein de son couple (Lullabyebye, touchante, et Rico Simmons, qui affiche les failles de l’homme qui craint de perdre l’être aimé dans l’exclusivité). L’arrivée de la ronde Petra Von Schatz, au physique hors norme dans ce type de production, va installer le trouble dans le couple, de par sa nature brute. Sans le maquillage d’une séduction factice, l’actrice bâtit dans la spontanéité une approche différente de la sexualité qu’elle intellectualise, verbalise, et vit sans se soucier du monde extérieur qui ne transparaît jamais dans ce huis clos estival d’un sud vertical et organique, où l’environnement naturel semble lover ses protagonistes.
Les hauts et les bas d’un genre dans son époque
Si Anoushka aime écrire son film et trouve de nombreuses idées de réalisation, certains reprocheront à l’ensemble une facture télévisuelle et un jeu inégal des comédiens inhérents au cinéma X. Cela serait passer outre les efforts photographiques, le travail sur la lumière et la congruité des plans, et l’excellente musique. Le budget n’est pas des plus élevés, mais le cadre ne l’imposait pas. Anoushka, elle, a des projets plus ambitieux pour plus tard, avec Canal. Ici l’œuvre sensorielle et personnelle réfléchit autant sur ses protagonistes et la société que sur son auteurice, elle-même.
L’époque permet à Anoushka d’explorer ces thématiques contemporaines, au-delà du diktat des genres d’une société qui impose la binarité. Mais l’on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il adviendra de cette vague artistique aussi personnelle soit-elle, qui relève d’un mouvement qui dépasse ce film pour s’immiscer sur les réseaux sociaux, les plateaux de télévision, entre le wokisme hébété des uns et le conservatisme grossier des autres.
Le cinéma d’Anoushka, fidèle à lui-même, parvient à intéresser, séduire, charmer, en filmant la passion dans l’épanouissement. L’abnégation face au désir de l’autre n’est plus un sacrifice de la femme à l’homme. Anoushka chamboule tout, jusqu’au genre cinématographique même d’A mes amours, qui finit étrangement, avec un rebondissement dramatique et une superbe chanson évoquant le Where Wild Roses Grow de Nick Cave et Kylie Minogue.
L’utopie des sens pouvait-elle finir bien? La réalisatrice et scénariste a sa réponse : une ambiguïté qui complexifie encore plus son œuvre.
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