Malgré son air peu affable et sa nounou pas si parfaite, Chanson douce reste un drame sous faible tension.
Synopsis : Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge. Ils engagent Louise, une nounou expérimentée, pour que Myriam puisse reprendre le travail. Louise se montre dévouée, consciencieuse, volontaire, au point que sa présence occupe une place centrale dans la famille. Mais très vite les réactions de Louise deviennent inquiétantes.
Chronique d’une tragédie sordide
Critique : Pour son deuxième long-métrage, après L’Odyssée d’Alice, Lucie Borteleau cosigne avec Jérémie Elkaïm l’adaptation du roman éponyme de Leïla Slimani, un livre qui, dès le début, nous plonge dans l’horreur d’un fait divers sanglant, pour, ensuite, lors d’un long flashback, en analyser les causes de manière à ne jamais relâcher le suspense. Si, dans le film, la chanson n’est pas plus douce, le déroulement de la tragédie choisit de s’alanguir et même de s’installer dans un climat de quiétude que bien peu de signaux de dangers viennent contrarier.
Aussi, le film prend le temps de faire connaissance avec les membres de cette famille (Myriam et Paul, les parents, Mila et Adam, les enfants), identifiable à tant d’autres, de se sentir en empathie avec cette mère de famille qui, bien viscéralement liée à ses enfants, éprouve le besoin d’exister autrement qu’à travers eux. Il nous offre ensuite d’assister, entre sourire et affolement, au recrutement de la nounou, bref, de poser le socle de cette chronique de vie ordinaire. Louise, la nourrice, qui sait si bien s’adresser aux enfants, semble d’un seul regard comprendre leurs attentes ; elle fait assurément figure de nurse idéale.
L’aspect légèrement psycho-rigide dont elle ne peut tout à fait se départir confirme sûrement une autorité naturelle sans doute nécessaire quand on s’occupe d’enfants. Karin Viard, dont la raideur calculée trouve le juste équilibre entre monstruosité refoulée et conscience professionnelle affichée, nous en convainc aisément. Les journées se suivent, immuablement rythmées par les jeux à l’intérieur de l’appartement ou au parc voisin, les repas, les bains. Les enfants sont heureux, les parents rassurés et le spectateur, heureusement captivé par le jeu tout en nuances du duo Viard/Beikhti, s’interroge sur l’évolution de cette histoire en tous points gentiment ronflante.
Chanson douce laisse un goût amer
Sylvie (Noëlle Renaude), la mère de Paul (Antoine Reinartz) vive et perspicace, a le recul nécessaire pour détecter les premières failles chez Louise. Si son dévouement et sa disponibilité ont gagné depuis le début le cœur de toute la famille, son ingérence de plus en plus criante finit par inquiéter Paul tandis que Myriam tient à continuer à maintenir ce climat de confiance et de respect qui, lui, semble-t-il, les unit.
Il est vrai que si quelques signes de défaillance mentale apparaissent parcimonieusement, ils sont si peu détaillés qu’ils ne résonnent pas plus auprès des spectateurs que des parents. L’arrivée des images de poulpe et leurs tentacules étrangleuses, symbole du mal qui enserre peu à peu l’esprit de Louise, jette une note fantastique en décalage avec un univers soudé au réalisme pur. Il faudra attendre les scènes finales pour découvrir l’immense solitude dans laquelle vit Louise et comprendre comment son ressentiment a pu se nourrir de cette fracture évidente de classes. D’un côté cette jolie famille, dont elle envie le bonheur familial et les occupations professionnelles flatteuses, au point de vouloir se l’approprier, et de l’autre le néant sidéral de sa propre existence. La fin arrive, rapide et brutale. Trop tard pour connaître le frisson de la peur. Il ne restera que le goût d’un thriller aux contours trop convenus.
Critique : Claudine Levanneur
Sorties de la semaine du 27 novembre 2019
Sorties VOD du 27 mars 2020