Drame intimiste qui ne fonctionne jamais vraiment, C’est mon homme échoue à nous faire partager les tourments de ses personnages, malgré un sujet intéressant sur le papier.
Synopsis : Julien Delaunay a disparu sur un champ de bataille de la Grande guerre. Sa femme, Julie, ne croit pas qu’il soit mort. Et quand la presse publie le portrait d’un homme amnésique, elle est certaine de reconnaître Julien. Ils se retrouvent et réapprennent à s’aimer. Mais une autre femme réclame cet homme comme étant son mari.
Un script au postulat prometteur
Critique : En 2017, le touche-à-tout Guillaume Bureau qui a déjà réalisé plusieurs courts-métrages quitte Paris pour s’installer dans la Nièvre afin de rédiger le script de son premier long-métrage qui s’intitule durant sa phase de préparation Un cœur en abîme. Il a fallu quatre longues années de travail pour que le scénario prenne sa forme définitive. Pour cela, Guillaume Bureau s’est inspiré de deux faits divers différents qu’il a décidé de mêler dans une intrigue fictive qui rappelle le postulat de départ du Retour de Martin Guerre (Daniel Vigne, 1982), sans qu’il soit question ici d’une mystification volontaire contrairement au classique des années 80 avec Gérard Depardieu et Nathalie Baye.
Après cette longue phase d’écriture, le script revu par Robin Campillo (réalisateur de 120 battements par minute) a été adopté par la structure indépendante Avenue B Productions dirigée par Caroline Bonmarchand. Il s’agissait de réunir un budget de 2,5 millions d’euros afin de reconstituer à minima les années 20 où l’intrigue prend place. Une vraie gageure pour un premier film dont le potentiel commercial est relativement faible.
Un premier quart d’heure intrigant, et puis…
En tout cas, la somme requise a été réunie afin de permettre un tournage provincial situé entre les mois d’août et septembre 2021. Il a toutefois fallu patienter jusqu’au mois d’avril 2023 pour découvrir le résultat sur grand écran. Entre-temps, le long-métrage a été affublé d’un autre titre que l’on peut trouver passe-partout (C’est mon homme) et d’une affiche hideuse qui insiste surtout sur les deux actrices principales, évacuant ainsi la dimension historique du film. Ces choix se sont visiblement avérés contre-productifs au vu de l’échec public du drame.
Pourtant, le mélodrame débute plutôt bien avec une mise en contexte correcte qui nous plonge rapidement dans l’après-guerre avec la présence des gueules cassées typiques de cette période. Désormais seule à s’occuper du magasin de son photographe de mari, Julie (Leïla Bekhti, plutôt à l’aise dans un emploi sobre) ne se remet pas de la disparition de son conjoint. Lorsqu’elle découvre l’existence d’un amnésique qui ressemble fort à son cher disparu, elle n’hésite pas à se faire connaître du corps médical en charge du dossier.
Quand hésitation rime avec ennui
Dès le départ, le cinéaste se prend les pieds dans son intrigue hautement improbable. Effectivement, on se demande bien comment on peut éprouver la moindre hésitation quant à la ressemblance d’un homme avec son ex-conjoint. Depuis la voix jusqu’aux plus petits détails intimes, on ne voit pas bien ce qui peut être à l’origine du trouble de la protagoniste principale, d’autant que le script nous amène ensuite sur la piste d’un triangle amoureux avec une autre prétendante jouée maladroitement par Louise Bourgoin. Au milieu, le personnage d’amnésique interprété par Karim Leklou est évidemment perdu, comme le comédien en manque évident de sentiments à exprimer.
© 2023 Avenue B Productions – Frakas Productions – Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) – Proximus – VOO – BE TV / Photographie : Alex Pixelle. Tous droits réservés.
En fait, on voit bien ce qui a attiré Guillaume Bureau dans cette histoire troublante où l’important n’est pas tant le statut civil de l’individu, mais bien plutôt ses sentiments personnels. Malheureusement, par défaut d’écriture, il ne parvient jamais à nous faire partager ce trouble qui assaille tous les personnages. Le pire venant de Louise Bourgoin, réduite à jouer les chanteuses de cabaret avec bien peu de crédibilité. Dans la seconde partie du film où se noue l’intrigue sentimentale, les multiples séquences où elle chante sur scène viennent casser un rythme déjà passablement languissant. On a surtout l’impression que Guillaume Bureau brasse du vide pendant une grande partie d’un film où rien n’est vraiment saillant ou passionnant.
C’est mon homme est un (télé)film sans aspérités
L’intrigue peu accrocheuse n’est guère relevée par une réalisation plutôt plate qui ressemble à celle d’un simple téléfilm du service public. Et ce ne sont pas les élans romanesques de la jolie musique signée Romain Trouillet qui parviennent à sauver les meubles. Dans cet ensemble décevant et timoré, seules les interprétations de Leïla Bekhti et de Jean-Charles Clichet permettent vaguement de s’accrocher à l’histoire. Le reste s’avère trop anecdotique pour réellement marquer la rétine.
Peu aidé par des critiques mitigées, C’est mon homme a été présenté dans quelques festivals dont ceux d’Angoulême et d’Arras, avant de sortir dans un circuit de 160 salles à partir du 5 avril 2023. Présent dans 11 salles à Paris, le drame de guerre a effectué un très mauvais démarrage dès la séance de 14h avec seulement 363 spectateurs pour une moyenne médiocre de 33 par site. La province n’est guère plus favorable et le mélodrame historique ne glane que 24 890 entrées pour sa première semaine d’exploitation sur l’ensemble du territoire.
Une misère qui se confirme la semaine suivante avec seulement 13 155 retardataires. Face à des salles vides, les exploitants vont rapidement se débarrasser de ce premier long-métrage qui n’est resté à l’affiche que 5 semaines pour un total insignifiant de 50 298 tickets déchirés. Depuis, il a été proposé uniquement en format physique dans une copie SD (en DVD donc). Il faut ainsi se pencher sur la VOD pour espérer le découvrir en HD.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 avril 2023
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© 2023 Avenue B Productions – Frakas Productions – Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) – Proximus – VOO – BE TV / Affiche : Jeff Maunoury pour Metanoïa. Photographies : Alex Pixelle. Tous droits réservés.
Biographies +
Guillaume Bureau, Louise Bourgoin, Jean-Charles Clichet, Leïla Bekhti, Karim Leklou, Véronique Ruggia
Mots clés
La Première Guerre mondiale au cinéma, La mémoire au cinéma, Premier film
