Réalisateur, scénariste et producteur algérien, Mohammed Lakhdar-Hamina est né en 1934 à M’sila en Algérie. Fils d’agriculteurs berbères né dans une famille de seize enfants, Mohammed Lakhdar-Hamina se passionne très jeune pour le cinéma et se débrouille pour obtenir une formation aux Actualités tunisiennes dès 1958, alors que son engagement pour l’indépendance algérienne lui vaut l’exil. L’année suivante, aidé par ses amitiés politiques fortement marquées à gauche, il parvient à s’inscrire à la FAMU de Prague où il se spécialise dans l’apprentissage de la photographie.
Un précieux témoin de la guerre d’indépendance algérienne
Cette formation lui permet de repartir en Tunisie où il devient opérateur, tout en commençant à réaliser ses propres courts métrages. Ainsi, il tourne Les fusils de la liberté (1961), un court métrage documentaire qui suit les troupes de l’ALN (Armée de Libération Nationale) dans leur lutte contre les colons français. Cet engagement sans faille à la cause algérienne lui vaut d’être bien vu par le nouveau régime en place au milieu de l’année 1962.
Mohammed Lakhdar-Hamina profite de cette position de choix pour créer ex-nihilo en 1963 l’OAA (Office des Actualités Algériennes) dont il devient le directeur pendant de nombreuses années. Il met aussi en place l’Office National pour le Commerce et l’Industrie Cinématographique (ONCIC) qui lui offre les moyens nécessaires pour réaliser ses propres longs métrages et ainsi initier toute une production algérienne d’Etat. Grâce à cette structure, il peut tourner son premier long de fiction intitulé Le vent des Aurès (1966) qui est présenté avec succès au Festival de Cannes 1967. Cet acte de naissance du cinéma algérien est en compétition et obtient le Prix de la première œuvre. Mais son thème lié à la récente guerre d’Algérie condamne quelque peu sa carrière française, très discrète.
Le réalisateur algérien le plus primé
Ensuite, Mohammed Lakhdar-Hamina va continuer à aborder la thématique de la libération nationale, mais à travers la comédie avec Hassan Terro (1968). On lui préfère largement la confrontation d’idées au cœur de Décembre (1973) avec notamment Michel Auclair. Toutefois, le véritable coup d’éclat du cinéaste intervient avec sa gigantesque production Chronique des années de braise (1975) qui remporte la Palme d’or du Festival de Cannes 1975. Pourtant, malgré ce beau succès de prestige, la question est ouverte en Algérie sur le pouvoir extraordinaire dont dispose ce cinéaste par rapport aux autres. Un vent de suspicion et de jalousie souffle alors sur l’auteur qui va connaître une période plus difficile.
Le réalisateur, pour parer les critiques, se tourne de plus en plus vers la production d’autres cinéastes (Le retour de l’enfant prodigue de Youssef Chahine en 1978 ou encore Le bal d’Ettore Scola en 1983) et ne revient aux affaires qu’en 1982 avec Vent de sable qui est interdit dans de nombreux pays musulmans à cause de sa peinture franche de la situation des femmes dans la sphère arabo-musulmane.
Une mise à l’écart progressive, mais définitive
Au milieu des années 80, Mohammed Lakhdar-Hamina doit quitter ses fonctions au sein de l’appareil d’Etat algérien et livre encore un long métrage intitulé La dernière image (1986) avec Véronique Jannot. Il s’agit d’une coproduction franco-algérienne qui connait un échec commercial retentissant. Dès lors, le cinéaste va devenir persona non grata auprès du pouvoir. Refusant de quitter l’Algérie, le réalisateur survit à la période de la guerre civile des années 90, mais ne retrouve jamais les moyens de ses ambitions. Il écrit et propose plusieurs scripts qui ne voient pas le jour, jusqu’au tournage de Crépuscule des ombres (2014) qui ne sort quasiment nulle part à cause de son sujet encore lié à la guerre d’Algérie.
Désormais très âgé, Mohammed Lakhdar-Hamina se rend encore dans des festivals où il présente avec le sourire sa Palme d’or, tout en se faisant le chantre d’une Algérie fière d’être indépendante.