Comédie romantique séduisante, Zuckerbaby impose pour la première fois l’excellente Marianne Sägebrecht, peu avant le triomphe de Bagdad Café.
Synopsis : Marianne, 38 ans, en surpoids, mène une vie monotone. Son quotidien consiste à prendre le métro, travailler aux pompes funèbres, faire ses courses au supermarché, enfin manger et regarder la télévision au lit. Un jour, elle est subjuguée par la voix douce du conducteur du métro. Quand elle aperçoit cet homme jeune et séduisant qui énumère les noms des stations à chaque arrêt, Marianne tombe amoureuse de lui. Elle se met alors en tête de le rencontrer. Mais comment retrouver le train conduit par l’élu de son coeur parmi la centaine qui roule dans le métro de Munich ? Marianne décide alors de mener son enquête pendant ses vacances…
Le film qui révèle le talent de l’actrice Marianne Sägebrecht
Critique : Le réalisateur allemand Percy Adlon a fait la connaissance de l’actrice Marianne Sägebrecht à la fin des années 70 et il lui a offert plusieurs petits rôles dans ses téléfilms et aussi dans La balançoire (1983). Toutefois, il décide de passer à la vitesse supérieure au milieu des années 80 en construisant un scénario entier autour de la personne de l’actrice. Effectivement, celle-ci a pour caractéristique d’être en surpoids, mais de dégager toutefois un fort pouvoir de séduction par la puissance de son jeu. Percy Adlon décide donc d’écrire pour elle un rôle sur mesure au cœur d’un genre très codifié, la comédie romantique.
Zuckerbaby (1985) s’attache donc à suivre les pas d’une femme mûre, toujours célibataire et peu à l’aise dans sa peau à cause d’un surpoids notable. Le réalisateur débute son œuvre par une description minutieuse mais dynamique du quotidien morne de cette femme qui travaille dans une morgue et semble aussi cadavérique que ceux dont elle prend soin toute la journée. Mal fagotée, mal coiffée et sans aucun maquillage, Marianne Sägebrecht incarne à merveille cette femme dont la vie n’est qu’un long tunnel sombre sans éclaircie potentielle.
Portrait touchant d’une femme en surpoids
Au bout d’une dizaine de minutes de cette monotonie volontaire, Percy Adlon fait intervenir l’amour au cœur de la vie si banale de son héroïne par le biais de la voix du conducteur de la rame de métro qu’elle emprunte pour se rendre au travail. Séduite par le ton du jeune homme (plus jeune d’une bonne dizaine d’années), la trentenaire va désormais tout faire pour rencontrer l’amour de sa vie, le séduire et même le ravir à son épouse, pourtant plus séduisante en apparence.
C’est la partie séduction qui permet à Zuckerbaby de s’imposer comme une œuvre touchante et crédible, notamment grâce au charisme fou de l’actrice principale. Marianne Sägebrecht déploie des trésors d’invention pour se mettre physiquement en valeur malgré ses rondeurs. L’amour fou qui émane de son personnage est tel qu’il emporte absolument tous les préjugés et rend parfaitement crédible la réaction positive du protagoniste masculin. Sans jamais être pontifiant ou démonstratif, Percy Adlon signe donc un joli film qui lutte à sa manière contre la grossophobie. Point de grand discours ou d’étendard brandi, mais simplement une histoire touchante qui demeure à hauteur de femme.
Une forme très travaillée, parfois jusqu’à l’excès
Afin de se distinguer du tout-venant, Percy Adlon multiplie les expérimentations visuelles au risque d’être accusé de préciosité et de formalisme. Il use et abuse parfois d’éclairages bariolés (comme autrefois un certain Mario Bava) qui n’ont d’autre fonction que décorative puisque ne correspondant à rien de réaliste. Il y ajoute des cadrages biscornus et des mouvements incessants de caméra, habitude qui se retrouvera dans son succès international Bagdad Café (1987), mais en plus maîtrisé. Si tout ceci peut paraître un peu vain, cela distingue clairement Zuckerbaby d’une production allemande trop souvent pauvre sur le plan formel.
Ce très joli film a obtenu quelques prix lors de sa sortie allemande, mais cela n’a pas permis au long-métrage de s’imposer dans les salles françaises. Il a fallu attendre le triomphe de Bagdad Café (2,3 millions de spectateurs en France en 1988 pour une huitième place annuelle) pour que le distributeur MK2 décide de proposer Zuckerbaby dans quelques cinémas au cœur du mois de juillet 1989, soit quelques mois seulement après la sortie de Rosalie fait ses courses (1989) qui a déjà été une contre-performance.
Une filmographie à redécouvrir
Décidément, Percy Adlon ne serait le cinéaste que d’un seul film dans l’esprit du grand public, alors que la plupart de ses œuvres des années 80 méritent vraiment un coup d’œil. Diffusé en VHS, Zuckerbaby n’a jamais eu droit aux honneurs d’un DVD sur notre territoire et il faut désormais se tourner vers les plates-formes de streaming pour pouvoir le visionner.
Critique de Virgile Dumez