Vento di Terra, second long de Vincenzo Marra, proche du documentaire, réalise une autopsie aussi douloureuse qu’indispensable de la banlieue napolitaine.
Synopsis : Âgé de dix-huit ans, Enzo vit avec sa famille à Secondigliano, une banlieue pauvre près de Naples. La mort soudaine de son père laisse le garçon avec la difficile tâche de prendre en charge sa mère et sa sœur. Enzo est alors confronté à un certain nombre d’événements qui vont lui permettre de tester son intégrité…
Critique : Présentée dans un certain nombre de festivals, notamment à Venise, le deuxième film de Vincenzo Marra a reçu un peu partout un accueil probant. Compréhensible quand on voit la générosité dont le cinéaste a lui-même fait preuve envers ses personnages, principalement des habitants de Secondigliano, l’une des banlieues les plus dures de Naples.
Vento di Terra : l’autopsie sociale qui fait mal
Napolitain d’origine, Marra semble vouloir consacrer son œuvre à cette ville qu’il a pourtant dû quitter. Bénéficiant d’un recul constructif, il revient sur ses origines et aborde de front les problèmes sociaux de sa société, comme la misère, le chômage, le logement ou la délinquance… Les difficultés quotidiennes des protagonistes sont autant d’attaques à un système, bien connu de par chez nous, qui se complaît à entasser les nécessiteux dans des zones misérables d’où ne peut ressortir que la rancœur et la haine.
Valorisant l’importance de la famille et du labeur, Marra s’emploie à décrire les efforts d’un adolescent méritant qui multiplie les actions pour aider sa mère au bord du gouffre après le décès du patriarche. Évitant soigneusement le pathos, il dresse des portraits de petites gens, admirables par leur force et leur refus de céder à la tentation de la criminalité. Son discours n’est jamais entaché par la lourdeur d’un manichéisme facile.
Pourtant, entre le propriétaire malhonnête, l’oncle incestueux, l’armée inhumaine, et l’aveuglement de toute une société, la tentation pouvait être grande. En cela réside la force de ce film social, a priori âpre et dépouillé, qui démontre que la tragédie va bien au-delà des drames ostentatoires dépeints avec complaisance par des journalistes putassiers.
La tragédie de Vento di terra est celle de ces centaines de milliers d’oubliés de l’actualité dont le mal-être destructeur n’est pas assez criard pour retenir l’attention de chacun. L’artiste vient là réparer cette injustice en leur offrant ce forum d’expression qui mérite vraiment qu’on éteigne un instant les chaînes d’information en continue, pour voir à quoi ressemble vraiment la vraie vie. C’était quinze ans avant les gilets jaunes…
Critique : Frédéric Mignard