Une femme du monde est un émouvant portrait, celui d’une femme libre et déterminée portée par l’énergie débordante de Laure Calamy.
Synopsis : A Strasbourg, Marie se prostitue depuis 20 ans. Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Et un fils, Adrien, 17 ans. Pour assurer son avenir, Marie veut lui payer des études. Il lui faut de l’argent, vite.
Le vice et la vertu
Critique : Une femme du monde est le premier long-métrage de Cécile Ducrocq mais sa collaboration avec Laure Calamy remonte à 2014, année de tournage du court-métrage La contre-allée (César 2016) qui décrivait le parcours d’une prostituée confrontée à la concurrence et la violence. Désireuse de mettre cette fois l’accent sur l’aspect social plutôt que la comédie de mœurs, la scénariste s’attache à dépeindre le parcours chaotique d’une mère, semblable à tant d’autres, prête à surmonter les obstacles que la vie et, bien plus encore, son statut de travailleuse du sexe mettent en travers de sa route, pour assurer le meilleur avenir possible à son fils, un adolescent passablement démotivé (l’excellent débutant Nissim Renard). Qui mieux que l’impétueuse Laure Calamy pouvait donner vie à cette femme forte, drôle, futée, dotée d’une énergie décuplée et d’une humanité débordante, y compris pour les hommes qu’elle reçoit ?
De la difficulté d’être une femme libre dans notre société
La scène d’ouverture nous renseigne d’emblée sur les conditions de respect et dignité, dans lesquelles Marie (Laure Calamy) exerce ce métier souvent décrié mais qu’elle aime. Un peu comme on consulte un psy, certains clients viennent la voir régulièrement et des liens, sinon amicaux, en tout cas d’estime mutuelle, sont créés. A tel point que l’un d’entre eux, touché par la détresse de Marie face à l’apathie chronique de ce fils pourtant passionné de cuisine, lui recommande une école hôtelière réputée dans la région. Mais intégrer cet établissement de haut niveau a un coût financier difficilement supportable pour Marie, tandis qu’Adrien, pas dupe du décalage social, affirme qu’il n’est pas à sa place parmi les petits bourgeois.
Une mise en scène sagement classique coche patiemment toutes les cases destinées à souligner le cynisme des uns, l’hypocrisie des autres à l’égard de cette mère célibataire, livrée à son sort. Le banquier, faute de bulletins de de salaires et revenus réguliers, refuse le prêt ; la secrétaire de l’école est peu encline à un arrangement pécuniaire ; les conditions de travail sont dégradées par le vote de lois pénales ou la concurrence de réseaux mafieux ; quant à l’État, il prélève taxes et impôts sans jamais assurer la moindre protection à ces professions non reconnues : autant de preuves que Marie ne peut que compter sur elle-même. Tout au plus peut-elle s’appuyer sur son ami transsexuel, avocat de l’association de défense des prostituées. Un jeune homme doux qui écope de l’impossible exploit de raisonner Adrien, et qui, bien malgré lui, se fait le complice des quelques facilités scénaristiques propres à décrédibiliser le récit.
Laure Calamy est Une femme du monde spontanée et généreuse
Mais parce que la capacité d’action de notre héroïne ne faiblit jamais bien longtemps, l’intrigue rebondit au-delà des frontières, dans un club en Allemagne, où Marie espère doper ses gains. Elle y troque son indépendance contre la vulgarité des clients et la jalousie des autres filles, plus rompues aux coups bas qu’à la solidarité. Un épisode dynamisé par la richesse d’un personnage dont l’ambivalence se révèle peu à peu et auquel Laure Calamy prête sa fragilité et sa fantaisie. Pivot du récit, l’actrice nourrit de sa spontanéité, sa générosité et sa force de persuasion cette émouvante histoire de passation générationnelle à laquelle bien des mères n’auront aucun mal à s’identifier.