Tamasa a encore déniché une comédie inconnue, souvent réjouissante, soutenue par un rythme trépidant : The Green Man mérite amplement d’être découvert.
Synopsis : Quand il n’est pas horloger, Hawkins est un assassin professionnel, un maniaque de l’explosif. Mais en ces temps d’après-guerre, le travail ne court pas les rues. Lorsqu’on lui demande d’assassiner le prétentieux homme d’affaires Gregory Upshott, il saute sur l’occasion, et profite d’un week-end de ce dernier à la campagne .. lorsque surgit un étrange représentant en aspirateur !
Critique : De Robert Day, dont c’est le premier film, on connaît peu de choses et surtout ses Tarzan avec notamment Gordon Scott, autrement dit rien qui titille les papilles d’un cinéphile. Quant aux acteurs, Alastair Sim, star en Grande-Bretagne mais ignoré ici, et Terry-Thomas, célèbre surtout pour La Grande vadrouille, ils ne forment pas non plus une affiche singulièrement attrayante. Et pourtant il serait dommage de se priver d’une comédie enlevée, jouissive par moments, qui part dans tous les sens, frôle le blasphème (au moins pour des Anglais) en s’attaquant à des cibles choisies et, grâce en partie à sa brièveté, bénéficie d’un rythme allègre.
The Green Man est un savoureux pastiche hitchcockien
Le début évoque en voix off les meurtres explosifs de Hawkins, ce qui n’est pas sans rappeler Noblesse oblige, en un montage remarquable de concision. Mais c’est une fausse piste : ce flash back ému n’est qu’une entrée en matière mettant en valeur le talent de l’assassin, ce que le reste du film va s’acharner à démentir. La suite est proprement irracontable : bien que les lieux soient limités à trois intérieurs, la multiplication des quiproquos et des rebondissements impose un tempo sautillant, à la mesure de la musique utilisée d’ailleurs avec une relative parcimonie. Mais c’est justement dans ces décors clos que le métrage trouve sa force parce qu’ils ne cessent d’être parcourus dans tous les sens, avec leur lot impressionnant de portes, fenêtres et escaliers qui jouent un rôle fondamental : grimpés au galop, les escaliers déplacent l’action et permettent un montage alterné (figure reine du film) entre le haut et le bas, l’un ignorant l’autre ; les portes symbolisent des franchissements qui sont autant de rebondissements, chaque passage d’une pièce à l’autre ouvrant sur une nouvelle surprise ; enfin les fenêtres, grâce à la profondeur de champ, ouvrent sur des faits qui viennent bouleverser l’intrigue déjà passablement embrouillée.
The Green Man emprunte au burlesque son goût des objets récalcitrants (aspirateur, briquet, piano, valise), autant de sources de gags à vrai dire pas toujours neufs, mais souvent plaisants. De même, le rythme et les déplacements incessants y renvoient-ils avec brio. Mais pour l’essentiel, la comédie lorgne sur le pastiche du policier, avec, comme cible privilégiée, le style hitchcockien : le suspense du meurtre final, par exemple, rappelle L’Homme qui en savait trop dont la première version date de 1934, et la seconde est contemporaine du présent métrage. Mais le ton est beaucoup trop débridé pour qu’on frissonne : malgré l’utilisation d’effets soignés (le gros plan de la main sortant du coffre), le réalisateur fait passer au premier plan l’amusement sans jamais prendre au sérieux ce qui aurait pu donner quelque densité à une intrigue échevelée.
Un bel échantillon d’humour britannique des années 50
Pour le reste, The Green Man sait jouer des différentes formes de comique depuis les répliques bien senties (« Avec la guerre, la concurrence était trop rude », dit l’assassin) aux situations absurdes, en passant par les grimaces, et surtout celles du très expressif Alastair Sim. Mais c’est la satire qui nous paraît le plus réjouissant : entre le flegmatique agent de police, le futur marié guindé, le couple modèle et la prétention des hommes d’affaires portés sur les jeunes secrétaires, le film tire à tout va, et plutôt justement, sans heureusement insister.
Certes, on pourra trouver tel acteur fade (George Cole), tel rebondissement par trop attendu, mais The Green Man est incontestablement une découverte intéressante et les amateurs de comédie ne voudront pas rater une œuvre imparfaite mais que l’on suit sans ennui, un sourire aux lèvres.
Le test :
L’image : 4/5
Le film a été restauré, d’où une copie sans défauts qui fait ressortir impeccablement une image somme toute assez pauvre. Mais la définition rend compte fidèlement de toutes les nuances de gris.
Le son : 4:5
Pour un film de 1956, la seule piste mono VOST ne manque pas de charme : les voix sont bien restituées, sans aucun souffle ni parasite ; quant à la pétillante musique, elle a conservé son allant.
Les compléments : 4/5
Ce ne sont pas les modestes galerie et filmographie (d’ailleurs sélective) qui font le prix de ce DVD : comme pour les autres de cette collection, c’est le livret de 16 pages, signé à l’habitude par Charlotte Garson, précis, informé, à la lecture attentive, que l’on retiendra et méditera.
Critique et test DVD : François Bonini