Un simple accident : le triomphe de Jafar Panahi à Cannes, critique (2025)

Thriller | 1h42min
Note de la rédaction :
9/10
9
Affiche d'Un simple accident de Jafar Panahi (Iran, Cannes 2025)

  • Réalisateur : Jafar Panahi
  • Date de sortie: 01 Oct 2025
  • Année de production : 2025
  • Nationalité : Iranien, Français
  • Titre original : Yek tasadef sadeh
  • Titres alternatifs : It Was Just an Accident (titre international) / Det var bara en olycka (Suède) / Un simple accidente (Espagne) / Un simplu accident (Roumanie) / Foi Só Um Acidente (Portugal) / To był zwykły przypadek (Pologne) / Foi Apenas Um Acidente (Brésil)
  • Casting : Vahid Mobasseri, Maryam Afshari, Ebrahim Azizi, Hadis Pakbaten, Majid Panahi, Mohamad Ali Elyasmehr, Georges Hashemzadeh, Delmaz Najafi, Afssaneh Najmabadi
  • Scénariste(s) : Jafar Panahi
  • Consultants scénario : Nader Saïvar, Shadmehr Rastin, Mehdi Mahmoudian
  • Consultant artistique : Jafar Panahi
  • Directeur de la photographie : Amin Jafari
  • Monteur : Amir Etminan
  • Cheffe décoratrice & costumes : Leila Naghdi
  • Ingénieur du son : Abdoreza Heidari
  • Monteur son : Valérie de Loof, Nicolas Leroy
  • Assistant réalisateur : Shahrokh Panahi
  • Directeur de production : Behnam Roshan
  • Producteurs : Jafar Panahi, Philippe Martin
  • Coproducteurs : Sandrine Dumas, Christel Henon
  • Producteurs associés : David Thion, Lilina Eche
  • Société de production : Les Films Pelléas, Jafar Panahi Productions, en coproduction avec Bidibul Productions, Pio & Co, Arte France Cinéma, en association avec Memento, mk2 Films
  • Distributeur : Memento
  • Distributeur (reprise ) :
  • Date de sortie (reprise) :
  • Editeur vidéo :
  • Date de sortie vidéo :
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie :
  • Box-office nord-américain / monde :
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleur / 5.1
  • Festivals : Sélection Officielle Cannes 2025 - En compétition
  • Nominations :
  • Récompenses : Festival de Cannes 2025 : Palme d'or ; Prix de la Citoyenneté
  • Illustrateur/Création graphique : © E. Dorot. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Les Films Pelléas. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachée de presse : Viviana Andriani
Note des spectateurs :

Dénonciation puissante et radicale du régime iranien, Un simple accident plonge au cœur d’une humanité blessée pour en tirer une œuvre bouleversante. Palme d’or méritée.

Synopsis : En rejoignant de nuit, avec sa femme enceinte et sa petite fille, sa maison à la campagne, Eghbal écrase un chien. La voiture tombe en panne et Eghbal s’arrête devant un garage. Là, Vahid, un mécanicien automobile, croit reconnaître au son de la prothèse de jambe qui grince l’un de ses anciens tortionnaires lorsqu’il a été détenu par les autorités iraniennes.

Un simple accident ou le courage de résister

Critique : Lors de sa deuxième incarcération dans les geôles iraniennes, le cinéaste contestataire Jafar Panahi a rencontré de nombreux prisonniers avec qui il a pu échanger. Après sa sortie, il a décidé de rendre hommage au courage de ces gens, tout en imaginant la possible rencontre entre un ancien détenu et son geôlier. Aidé de deux scénaristes, il a ainsi écrit le script d’Un simple accident, en sachant pertinemment qu’il n’obtiendra jamais les autorisations nécessaires de la part des autorités.

Dès lors, le drame psychologique a été intégralement tourné en clandestinité en mélangeant des comédiens professionnels avec de parfaits inconnus venus de la vie civile. A chaque fois, le réalisateur les a prévenus des dangers qu’ils encourraient en jouant dans ce pamphlet politique virulent. Tous ont choisi d’apparaître à l’écran sous leur vrai nom et d’être cités au générique. Une preuve de courage impressionnante, d’autant qu’Un simple accident est sans aucun doute le film le plus enragé de son cinéaste.

Un tournage guérilla en clandestinité

Comme souvent dans le cinéma iranien, le point de départ de l’intrigue est constitué d’un petit accident de la route qui semble totalement anodin. Pourtant, cela déclenche une véritable spirale de drames en cascades, car un témoin de ce qui vient de se passer croit reconnaître le bourreau qui l’a torturé lors de son incarcération. Pour cela, un simple signe distinctif (un boitement du pied caractéristique) suffit à identifier celui qui a fait souffrir des centaines de citoyens emprisonnés par le régime des Mollahs.

Un simple accident, photo 1

© Les Films Pelléas. All Rights Reserved.

Tourné dans l’urgence, souvent dans des voitures ou des espaces désertiques – afin d’éviter les contrôles de la part des autorités – Un simple accident prend tout de même le temps de développer la psychologie de ses quelques protagonistes qui cherchent à savoir la vérité sur l’identité de leur hypothétique bourreau. Ainsi, le réalisateur n’hésite pas à tourner de longs plan-séquence qui permettent aux acteurs de donner toute la mesure de leur talent, toujours dans l’émotion la plus brute. Le cinéaste pose alors une question essentielle : doit-on faire justice soi-même ou la violence ne vous rabaisse-t-elle pas au même niveau que vos tortionnaires ?

De l’art du climax bouleversant

Alors que le scénario suit une logique parfaitement linéaire, tout en dégageant un certain suspense sur la culpabilité ou non du potentiel bourreau, le cinéaste se fait fort de traiter chaque personnage avec respect. Même celui qui est potentiellement un monstre possède une famille et des enfants. Pourtant, face à l’atmosphère tendue générée par les dialogues et le jeu inspiré de tout le casting, Un simple accident possède un climax absolument remarquable où les horreurs du régime peuvent enfin être pleinement exprimées, sinon montrées. La puissance de la séquence finale laisse pantois par sa violence psychologique. Elle étonne même tant elle prend à parti le régime dans une accusation franche et directe.

On ne peut qu’être admiratif du courage – ou de l’entêtement – d’un cinéaste qui risque fort de retourner en prison à l’issue de ce long métrage accusatoire et violemment pamphlétaire. Rien que pour cela, il méritait largement sa Palme d’or. De plus, l’ultime séquence en forme de point d’interrogation et qui fonctionne uniquement grâce à la magie du hors champ, laisse le spectateur libre d’imaginer la fin qu’il souhaite. Est-ce que le son final est réel ? Est-ce qu’il résonne à jamais dans la tête du protagoniste principal ? A chacun de choisir l’issue qu’il préfère. En tout cas, ce final poétique termine de manière brillante une œuvre puissante et inoubliable qui critique de manière implacable un régime dictatorial abominable.

Un simple accident n’est justement pas un simple film, mais assurément une œuvre majeure qui restera longtemps gravée dans nos mémoires de cinéphile.

Critique de Virgile Dumez

Notes cannoises :

C’est un triomphe critique et une ovation du Palais des Festivals qui ont accueilli Jafar Panahi pour son retour à Cannes, sept ans après Trois visages, qui avait remporté, en 2018, le Prix du scénario.

Sortie de prison inspirée pour l’éternel opposant au régime des mollahs

Après deux séjours dans les geôles iraniennes, dont la dernière pendant sept mois, entre juillet 2022 et février 2023, le chantre de la liberté et de la résistance au pouvoir iranien a forcément été profondément inspiré par ce dernier épisode douloureux de sa vie qui l’avait conduit à une grève de la faim.

Il présente ainsi la genèse de son projet au critique et historien du cinéma Jean-Michel Frodon :

“Pour le scénario, l’idée de départ est venue très vite, je me suis demandé ce qui se passerait si l’un de ceux qui m’entouraient en prison, une fois sorti, mettait la main sur quelqu’un qui lui avait fait subir tortures et humiliations.”

Un thriller autour du thème de la vengeance

Contrairement à ses derniers films qui pouvaient être vues comme des expérimentations méta cinématographiques, Un simple accident intègre des codes plus standards à la narration cinématographique, avec un scénario très écrit autour du thème de la vengeance.

Un simple accident, photo 2

© Les Films Pelléas. All Rights Reserved.

Tourné avec courage hors du système, dans la clandestinité (pourquoi demander une autorisation qu’il n’aurait pas eu?), Un simple accident est une œuvre de courage où les acteurs portent leurs noms jusqu’au générique. Le tournage s’est déroulé sans foulard, malgré la répression intensifiée contre les femmes suite au mouvement Femme, Vie, Liberté, qui a bouleversé la société iranienne en 2022, mais aussi fragilisé la théocratie qui se heurte au ressentiment global de la population.

Le thriller de Jafar Panahi qui a pu voyager jusqu’à la Croisette pour relater son histoire et le récit des prisonniers politiques, a été célébré comme une potentielle Palme d’Or après sa première mondiale au Palais des Festivals. Il rejoint dans l’iconique Tableau des Etoiles, mis à jour quotidiennement, l’un des succès favoris indéniables de la presse française, aux côtés de l’Espagnol Sirât et du Brésilien L’agent secret.

Un simple accident qui n’a rien de fortuit

Depuis sa Caméra d’or à Cannes en 1995 pour Le Ballon blanc, Jafar Panahi a été bardé de prix, de Cannes (outre le Prix du Scénario pour Trois visages, mentionné plus haut, Sang et or avait conquis le Prix du Jury Un Certain Regard) à Berlin (Le Cercle d’or a été élevé au rang d’Ours d’or en 2000 ; Hors Jeu et Closed Curtain, au rang d’Ours d’argent, respectivement en 2006 et 2013, et Taxi Téhéran au rang d’Ours d’or, en 2015), en passant par Locarno (Le miroir, Léopard d’or en 1997). Plus récemment, en 2022, Aucun Ours avait été distingué d’un Prix spécial du Jury à Venise.

Parfois, certaines Palmes d’or apparaissent comme des évidences. Si gratifié de la plus haute récompense cannoise en 2025, Un simple accident ne devra en rien son succès au hasard.

Notes cannoises de Frédéric Mignard

Les critiques d’Un simple accident

Le Monde :

« Un simple accident s’impose comme l’une des révélations du festival, un drame d’une justesse rare, bouleversant sans jamais sombrer dans le pathos. »

Télérama :

« La maîtrise du récit et la subtilité des dialogues font d’Un simple accident un film d’une intensité remarquable, porté par des acteurs au sommet de leur art. »

Les Inrockuptibles :

« Un simple accident transcende le fait divers pour atteindre à l’universel, grâce à une mise en scène d’une élégance discrète et à une direction d’acteurs magistrale. »

Positif :

« Un simple accident s’impose comme un grand film sur la résilience, servi par une photographie lumineuse et une écriture ciselée. »

Les sorties de la semaine du 1 octobre 2025

Les films du Festival de Cannes 2025

Affiche d'Un simple accident de Jafar Panahi (Iran, Cannes 2025)

Affiche d’Un simple accident de Jafar Panahi (Iran, Cannes 2025) – Affiche © E Dorot. © Les Films Pelléas. All Rights Reserved.

Biographies +

Jafar Panahi

Trailers & Vidéos

trailers
x
Affiche d'Un simple accident de Jafar Panahi (Iran, Cannes 2025)

Extrait d'Un simple accident

Thriller

x