Aucun ours : la critique du film (2022)

Drame, Politique | 1h46min
Note de la rédaction :
8/10
8
Aucun ours, l'affiche

  • Réalisateur : Jafar Panahi
  • Acteurs : Jafar Panahi, Mina Kavani
  • Date de sortie: 23 Nov 2022
  • Nationalité : Iranien
  • Titre original : Khers nist
  • Titres alternatifs : No Bears (titre international ) / Los osos no existen (Espagne) / Ursos Não Há (Portugal) / Niedźwiedzie nie istnieją (Pologne) / Ingen bjørner (Norvège) / Gli orsi non esistono (Italie) / Ei karhuja (Finlande) / Sem Ursos (Brésil)
  • Année de production : 2022
  • Autres acteurs : Reza Heydari, Bakhtiyar Panjeei, Vahid Moshaberi, Narges Delaram, Naser Hashemi
  • Scénariste : Jafar Panahi
  • Monteur : Amir Etminan
  • Directeur de la photographie : Amin Jafari
  • Compositeur : -
  • Chef maquilleur : Hasibe Seçil Kapar, Leyla Siyahi, Ülker Çetinkaya
  • Chef décorateur : -
  • Directeur artistique : -
  • Producteur : Jafar Panahi
  • Producteurs exécutifs : Nader Saeivar, Sinan Yusufoglu
  • Sociétés de production : JP Production
  • Distributeur : ARP Sélection
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : ARP Sélection (DVD, 2023)
  • Date de sortie vidéo : 29 mars 2023 (DVD)
  • Budget : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 81 526 entrées / 22 883 entrées
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleur / Son : 5.1
  • Festivals : Mostra de Venise 2022 : en compétition pour le Lion d'or / Festival international du film de Chicago 2022 : en compétition pour le Gold Hugo / Festival international du film de Valladolid 2022 : en compétition pour l'Espiga de Oro / Festival Films from the South d'Oslo 2022 : en compétition pour le Mirroir d'or du meilleur film / Festival international du film de Palm Springs 2023 : en compétition pour le prix Bridging the Borders
  • Nominations : National Society of Film Critics Awards 2023 : Meilleur réalisateur ; Meilleur film en langue autre que l'anglais
  • Récompenses : Mostra de Venise 2022 : prix spécial du jury / Festival international du film de Chicago 2022 : Award for Cinematic Bravery / Festival du film de Trieste 2023 : prix SNCCI du meilleur film / National Society of Film Critics Awards 2023 : 3e place du classement des meilleurs films
  • Illustrateur/Création graphique : © Caractères (agence). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © JP Production. All Rights Reserved. Tous droits réservés.
  • Attachés de presse : Le Public Système, Clarisse André
Note des spectateurs :

Aucun ours est un nouveau film coup de poing de Jafar Panahi qui se sert de sa situation personnelle pour dépeindre l’Iran dans toute son horreur liberticide. Glaçant.

Synopsis : Dans un village iranien proche de la frontière, un metteur en scène est témoin d’une histoire d’amour tandis qu’il en filme une autre. La tradition et la politique auront-elles raison des deux ?

La caméra comme arme de résistance à l’oppression

Critique : Alors qu’il est frappé d’une interdiction de tourner pour une durée de dix ans, le cinéaste Jafar Panahi – qui nous avait bluffé avec des œuvres fortes et radicales comme Le cercle (2000) et Sang et or (2003) – a décidé de résister et de continuer à exprimer ses idées à travers des longs-métrages tournés en clandestinité. Ainsi, depuis plusieurs années, Jafar Panahi est devenu par force le sujet même de ses films. Il explique sa situation dans des films de fiction à la lisière du documentaire comme Ceci n’est pas un film (2011) ou encore l’excellent Taxi Téhéran (2015) qui a reçu l’Ours d’or au Festival de Berlin.

Après Trois visages (2018), il nous revient donc avec Aucun ours (2022) qui creuse toujours le même sillon d’un apparent documentaire, mêlé à une fiction. A l’aide d’une mise en abîme, Jafar Panahi débute son film par une scène de ménage entre un homme et une femme qui cherchent à quitter l’Iran en clandestinité. Pourtant, au bout de quelques minutes, le spectateur découvre que la scène en question est en réalité le tournage d’un film de fiction. Dès lors, Jafar Panahi nous montre comment il parvient à réaliser ses films en étant toujours tenu à distance du plateau, afin qu’aucune preuve de son implication ne soit établie. Il utilise notamment internet et peut ainsi assister au tournage et donner ses conseils avisés.

Un pays coincé entre un pouvoir autoritaire et des traditions sclérosantes

Pourtant, à cet élément qui tient de la pure autobiographie, Jafar Panahi ajoute une intrigue supplémentaire, elle aussi fictive, qui le voit être accusé par des villageois de favoriser l’union interdite entre deux jeunes gens. Dès lors, la frontière entre fiction et documentaire se brouille totalement. En réalité, ces deux histoires finissent surtout par peindre le portrait d’un pays, l’Iran donc, qui est totalement verrouillé. Que ce soit le couple urbain qui cherche à s’évader de Téhéran qui est une prison à ciel ouvert à cause d’un pouvoir islamique totalitaire ou que ce soit le couple campagnard qui ne peut vivre son amour à cause des traditions ancestrales, l’individu ne compte aucunement dans un pays où s’épanouir en liberté est impossible.

Aucun ours, photo d'exploitation

© 2022 JP Production / Photo : ARP Sélection. Tous droits réservés.

Désormais très sûr de lui devant la caméra, Jafar Panahi nous fait part de son désarroi face à une nation irrémédiablement bloquée dans le passé, ses traditions ancestrales et sa religion. D’un grand pessimisme, Aucun ours irrite très souvent car les différents protagonistes sont systématiquement prisonniers d’un système de valeur qui va à l’encontre des nôtres. Le titre lui-même fait référence à une fable qui est transmise aux villageois selon laquelle ils peuvent être agressés par un plantigrade s’ils s’éloignent trop de leur foyer. Or, Jafar Panahi précise bien qu’aucun ours ne vit dans cette région, preuve que les superstitions ont la peau dure dans cette partie du monde.

Aucun ours fait de l’Iran un enfer pour tout amoureux de la liberté

On signalera au passage le courage d’un réalisateur qui se moque ouvertement des us et coutumes des paysans locaux. Il ose même détourner une cérémonie solennelle de serment en évitant de jurer sur le Coran et en dénonçant la stupidité des traditions locales. Une sacrée prise de risques pour une œuvre finalement très subversive et qui décrit l’Iran comme un enfer sur Terre. Il faut dire que durant le tournage, le cinéaste a été dénoncé plusieurs fois par des villageois et n’a eu de cesse de se déplacer pour continuer à tourner librement. D’ailleurs, depuis le tournage, Jafar Panahi a à nouveau été arrêté et mis en prison, au point qu’il a entamé une grève de la faim en février 2023 afin de dénoncer ses conditions de détention. Grâce à la pression internationale, il a finalement pu être libéré, tout en étant toujours sous haute surveillance.

Très fort et d’une puissance évocatrice qui rejoint ses premières œuvres citées plus haut, Aucun ours est assurément un grand film, par-delà même les circonstances qui l’ont vu naître. Il mérite en tout cas largement le Prix spécial du jury qui lui a été décerné à la Mostra de Venise. Certes, la récompense était de l’ordre du geste politique symbolique, mais le long-métrage mérite vraiment des éloges par sa puissance de dénonciation.

Le courage ne fait plus autant recette

Malgré d’excellentes critiques, Aucun ours n’a malheureusement pas autant attiré que les films précédents du réalisateur. Loin des 581 354 entrées de Taxi Téhéran ou même des 200 115 spectateurs de Trois visages, Aucun ours s’est contenté de 81 526 libertaires dans les salles françaises. Il faut dire que le contexte n’est plus le même, la crise sanitaire de la Covid ayant eu tendance à éroder les entrées du cinéma d’art et essai. Il est toujours temps de se rattraper en achetant le DVD du film ou en le visionnant en VOD. Ce pamphlet courageux mérite franchement le détour.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 23 novembre 2022

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Aucun ours, l'affiche

© 2022 JP Production / Affiche : Caractères (agence). Tous droits réservés.

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Jafar Panahi, Mina Kavani

Mots clés

Les films dans le film, Métacinéma, Cinéma iranien, Festival de Venise 2022

 

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