Un chat un chat est le 4e long métrage de Sophie Fillières et malheureusement l’un de ses moins vus, malgré ses charmes de fantaisie du verbe.
Synopsis : Célimène a trente-cinq ans.
Elle est écrivain mais n’écrit plus. Pas d’inspiration. Classique…
Célimène préfère se faire appeler Nathalie. Normal…
Son fils de sept ans, Adam, l’oblige à garder les pieds sur terre. Tout juste…
Son appartement est en travaux, Célimène, en attendant, vit chez sa mère. Difficile…
Anaïs a dix-sept ans.
Elle est fraîche, neuve, elle a l’arrogance de sa jeunesse. Tout un programme…
Elle poursuit Célimène, dérobe son courrier, l’attend partout. Inquiétant…
Anaïs veut convaincre Célimène d’écrire sur elle. Elle se propose comme sujet. Ben voyons…
Mais rien ne les réunit, rien ne les oppose non plus, l’entêtement de l’une vient se frotter à la fermeté de l’autre, et pourtant…
Ecrire à en perdre les mots : la dépression de l’écrivaine
Critique : Pas de place pour l’ennui dans le quatrième long de la regrettée Sophie Fillières (Aie, Gentille), qui, fidèle à ses habitudes, verse en 2009 de nouveau dans la comédie fantaisiste parisienne, à grand renfort de situations et de dialogues décalés, voire cocasses. Si ici la rencontre entre l’écrivaine en panne d’inspiration, interprétée par la radieuse Chiara Mastroianni, et la groupie insistante qui s’offre ouvertement à elle comme sujet de son prochain ouvrage (Agathe Bonitzer, la fille de la cinéaste), s’avère moins délirante que celle d’Hélène Fillières et d’André Dussollier dans Aie, l’humour est toujours de mise.
Dans Un chat un chat, la délicieuse écriture de Fillières, authentique scénariste avant même d’être réalisatrice, permet au récit d’éviter l’égocentrisme et la prise de tête promis par son sujet : Chiara/Célimène – qu’on serait tentée de décrire comme dépressive, perdue dans les cartons chez sa mère, alors que son appartement est en travaux -, essaie de se réapproprier sa vie par la plume, mais, dans ces conditions de « no woman’s land », la page blanche perdure. Sur le ton exaltée de la comédie, ses difficultés d’expression (elle perd parfois le langage, comme chez son psy où elle recourt aux bouts de papier pour griffonner deux trois phrases) se dissipent aux côtés de l’étudiante groupie qui la suit et s’insinue dans son existence en volant ses lettres.
Chacun cherche son chat, personne ne le trouve
Le jeu enthousiaste des deux principales comédiennes, aussi discordantes que complémentaires, permet à leur association – des moments d’échange fugaces dans un parc ou une rue sous la pluie… – de prendre une valeur constructive. Elles incarnent ainsi deux femmes déphasées, à deux stades différents de leur vie, que rien, a priori, ne rassemble. Mais, dans l’artificialité confortable de la situation de départ, elles se créent une complémentarité nécessaire pour se recentrer dans la réalité sociale. La lunaire Célimène devient dépendante de l’adolescente et va pouvoir retrouver les mots pour dire et se repositionner face à son ex (Malik Zidi, d’une grande prestance), tandis que l’autre (plus) jeune femme, va découvrir l’amour, fort de son expérience de témoin active dans la sphère amoureuse de l’écrivaine.
Au final, sans trop de lourdeur métaphorique (on ne saura d’ailleurs jamais ce que représente le « chat » du titre), Sophie Fillières dresse deux beaux portraits, frais et fantaisistes, affinés par le talent et le charisme de deux interprètes, abandonnées aux exigences douces dingues du projet. Bref, un petit moment de bonheur.
Box-office d’Un chat un chat
Avec 33 000 entrées sur toute sa carrière, Un chat un chat est passé totalement inaperçu, en particulier en province où la comédie parisianiste a réalisé à peine la moitié de ses entrées.
Lors de la semaine chargée du 25 mars 2009 (La journée de la jupe avec Adjani, Duplicity avec le tandem Julia Roberts et Clive Owen, Les 3 Royaumes de John Woo, et Tokyo Sonata de Kiyoshi Kurosawa), l’échec est visible dès le premier jour (7e des nouveautés, avec 2 496 entrées). Un chat un chat réalise une première semaine décevante à 17 420 spectateurs dans 48 salles, dont 7 écrans à Paris qui focalisent l’attention de son distributeur. En deuxième semaine, Les Films du Losange sauve les meubles, puisque la comédie garde tous ses écrans et ne perd que 48% de sa fréquentation, pour une 29e place nationale.
C’est en 3e semaine que les choses se dégradent, avec la perte de 23 salles, 64% de sa fréquentation et de 17 places dans le classement hebdo. La douceur de Sophie Fillières est exsangue à 3 290 curieux, et désormais à la porte des 30 000 entrées (29 795).
Gaumont proposera une édition DVD, vite oubliée, elle aussi, 6 mois plus tard. A la mort de la cinéaste, en 2023, peu de monde a pu avoir une chance de découvrir cette œuvre rare et inclassable.
Les sorties de la semaine du 25 mars 2009
© Pierre Grise Productions. Tous droits réservés.
Le test DVD d’Un chat un chat
Une édition peu riche en suppléments d’une fantaisie décalée souvent jubilatoire.
Compléments : 1.5 / 5
Deux scènes coupées avec des commentaires optionnels de la réalisatrice, Sophie Fillières, nous permettent d’en savoir un peu plus sur le contexte familial du personnage adolescent d’Anaïs et sur les relations mère fils entretenues par le personnage de Chiara Mastroianni et son jeune garçon de cinq ans.
On trouve ensuite un commentaire audio de la réalisatrice et de sa jeune fille, Agathe Bonitzer, dépourvu de l’exaltation et de la fantaisie du film. Trop premier degré, l’exercice n’est pas inintéressant, mais manque indéniablement de piquant.
Dernier supplément, la bande-annonce. Un peu maigre, mais c’est toujours mieux que rien.
Image : 2.5 / 5
Pas de réels efforts de photographie dans cette petite production française, basée essentiellement sur le jeu des comédiens et la qualité des dialogues. Néanmoins, le DVD restitue avec justesse les quelques tonalités vagabondes et des noirs suffisamment profonds pour excuser le manque de précision du piqué.
Son : 3 / 5
Un chat un chat est une œuvre intimiste basée sur des scènes bavardes où l’environnement sonore est de l’ordre du tertiaire. Beaucoup d’éditeurs se seraient donc contenté d’une piste stéréo. Pourtant Gaumont a gratifié le DVD d’un 5.1 un peu plus étoffé dans les bruits de fond, sans jamais donner dans l’exploitation d’effets. Il n’y en a pas.
© Gaumont Vidéo
Biographies +
Sophie Fillières, Chiara Mastroianni, Agathe Bonitzer, Philippe Rebbot, Michel Voïta, Esther Garrel, Malik Zidi, Sophie Guillemin, Dominique Valadié